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Hôtel des Postes


Aussi bien bâtiment administratif accueillant le public que véritable usine dédiée aux services postaux, l’hôtel des Postes de Nantes anciennement P.T. (Postes et Télécommunications) constitue lors de son ouverture le 29 avril 1963 l’un des symboles de l’architecture moderne de la Reconstruction à Nantes. Dessiné par l’architecte Michel-Roux Spitz, les 25 000 m² de béton du pentagone forment alors le plus grand immeuble postal de France. 

Le ministère des P.T.T. et son service d’architecture dédié

De 1879 à 1990, le ministère des Postes, Télégraphes et Téléphones (P.T.T.) joue le rôle de gardien des moyens de communication sur l’ensemble du territoire français. L’État assure directement l’organisation des activités postales tout en administrant un parc immobilier immense composé à son apogée de plus de 14 000 bâtiments. 

Conscient de l’importance du bâtiment postal pour représenter physiquement son déploiement sur le territoire, le ministère se dote dès la fin du 19e siècle d’un corps d’architectes dédiés au P.T.T. La création du service des travaux d'architecture de l'Administration des Postes et des Télégraphes en 1901 permet la réalisation de plusieurs édifices postaux à l’architecture singulière, véritable reflet de la puissance de ce ministère sur l’ensemble du territoire et des caractéristiques stylistiques propres de l’époque de leurs constructions. 

Parmi les architectes ayant marqué ce corps figurent Michel Roux-Spitz. Acquis aux principes de l’architecture moderne, il s’illustre à travers des réalisations comme celles du Bureau central des chèques postaux à Paris (1935) et la direction régionale des P.T.T de Lyon (1937) sur un modèle très similaire au futur hôtel des Postes nantais.

Portrait de Michel Roux-Spitz derrière son bureau en 1925

Portrait de Michel Roux-Spitz derrière son bureau en 1925

Date du document : 1925

Un bâtiment au cœur du projet de réaménagement de la Place Bretagne

Le projet d’un nouvel hôtel des Postes à Nantes émerge dès l’entre deux-guerres. D’un style néoclassique, l’ancien hôtel situé quai Brancas date de 1884 et s’avère sous-dimensionné face au développement de la ville. La place Bretagne est alors située au sein du Marchix, l’un des quartiers les plus pauvres de Nantes à proximité de zones agricoles et industrielles posant de nombreux problèmes sanitaires. La municipalité souhaite la disparition de ces logements insalubres et lance des études en vue du réaménagement du quartier dès 1929. En 1941, le projet est déjà bien avancé puisqu’une première tranche de travaux prévue sur 10 ans prévoit la construction d’un nouvel hôtel des Postes. 

Façade de l’ancien Hôtel des Postes vue du quai Duguay-Trouin

Façade de l’ancien Hôtel des Postes vue du quai Duguay-Trouin

Date du document :

Mais ce calendrier est interrompu par les bombardements de septembre 1943. Entièrement sinistrée, la place Bretagne et son projet de réaménagement sont désormais inclus dans le plan de reconstruction de la ville. La même année, Michel Roux-Spitz est nommé par le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (M.R.U.) architecte en chef de la Reconstruction à Nantes. Soucieux de faire émerger un grand centre administratif sur la place, il décide de reprendre en grande partie le projet de la municipalité avec la construction de trois immeubles, l’hôtel des Postes, l’hôtel de la sécurité sociale (siège à l’origine de l’URSSAF) et l’hôtel de la Trésorerie Générale.  La place, composée en forme d’étoile, est élargie pour favoriser la circulation automobile. Après une longue phase d’expropriation et de relogement des habitants dans les nouvelles cités des Landes et du Pin Sec, les travaux débutent finalement en 1958 et s’achèvent en 1963 sous la supervision de Jean Roux-Spitz (à partir des plans de son père décédé 7 ans auparavant) et de l’architecte Henri Maxime Vié.

Abords de la place de Bretagne en 1960

Abords de la place de Bretagne en 1960

Date du document : 18/03/1960

Une architecture moderne empreinte de classicisme  

Lors de son ouverture au public, c’est un immeuble mélangeant modernité et classicisme qui s’offre aux Nantais. On retrouve le minimalisme de l’architecture moderne, avec une façade en béton armé percée de 5 rangées de fenêtres, et associée à quelques éléments décoratifs : stries verticales, pavés de verre, volets colorés, dénotant dans la composition d’ensemble. Le bâtiment est pensé en terme d’ordre et de monumentalité avec une régularité symétrique caractéristique de la composition classique.

L'Hôtel des Postes et Télécommunications et la Caisse primaire de Sécurité sociale

L'Hôtel des Postes et Télécommunications et la Caisse primaire de Sécurité sociale

Date du document :

Fort de ces 25 000 m² de surface utile, l’immeuble constitue un gigantesque pentagone de cinq étages aux secteurs d’activités bien délimités. Le rez-de-chaussée côté place est destiné à l’accueil du public. Il est marqué par ces 9 grandes baies en façade laissant passer la lumière naturelle vers une ligne d’une trentaine de guichets au fond d’un vaste hall tout en courbe. 

Le travail au PTT, véritable « usine » postale 

Derrière l’esthétisme spacieux du hall d’accueil, c’est une véritable usine qui se déploie, parfait reflet de l’ensemble des activités qui rassemblent les P.T.T durant la seconde moitié du 20e siècle. 
La conception du bâtiment répond au besoin de centraliser l’ensemble de la distribution du courrier dans les 2 200 rues de la ville. Ainsi, le centre de distribution prend place au cœur du pentagone sous les toitures en sheds (formées d’une succession de toits en pente dont l’un des versants est vitré pour laisser passer la lumière dans l’usine). S’y côtoient facteurs, manutentionnaire-trieurs, agents et chefs de cabine.

En plus d’être un bureau de poste, l’hôtel des Postes de Nantes est aussi un centre financier en charge de la gestion de plus de 300 000 comptes chèques.  Les étages supérieurs sont quasiment entièrement dédiés au centre des chèques postaux (CCP) qui occupent donc presque la moitié de la superficie du bâtiment (10 000 m²). Ce sont majoritairement des femmes qui occupent ces espaces de travail. Elles sont gestionnaires, vérificatrices ou encore opératrices de boulisterie (système de transport de documents par énergie pneumatique dans un système de tuyauteries). Le CCP de Nantes est d’ailleurs l’un des premiers d’Europe à se doter d’un système électronique automatisé de gestion des comptes dès 1965. 

Le travail des femmes au centre des chèques postaux (CCP)

Le travail des femmes au centre des chèques postaux (CCP)

Date du document :

Les réaménagements successifs liés aux mutations du groupe

Dès sa construction, le constat est fait du besoin d’agrandissement futur du pentagone pour faire face à l’utilisation massive du courrier, dont les flux doublent entre 1950 et 1970. L’extension achevée en 1981, prolonge le bâtiment existant le long de la rue Herriot et fait de l’hôtel des Postes un mastodonte de 35 000 m² avec une vaste cour automobile en partie couverte permettant d’accueillir une partie des 110 000 véhicules gérés par le Service national des ateliers-garages (Snag) en 1987. La Poste est alors aussi le premier transporteur de France. Au total, ce sont plus de 2000 travailleurs qui occupent le site à son apogée. 

Depuis les années 1990, l’hôtel des Postes n’échappe pas aux mutations des services postaux en France, à savoir la disparition de son statut d’administration publique en 1991, l’ouverture à la concurrence en 2010 et la baisse continue du volume des courriers échangés. Les ateliers des étages supérieurs ont laissé place à des bureaux des services de la Banque Postale devenue filiale à part entière en 2006 en remplacement des CCP. En 2024, le bâtiment continue d’abriter plusieurs centaines de salariés reliés au Groupe La Poste mais aussi le siège social d’une société privée de l’industrie textile dans une partie de son extension. 

Guillaume Gautier
Direction du patrimoine et de l’archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2024

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En savoir plus

Bibliographie

Direction générale de la Poste, Architecture postale : 1887-1987. Cat. Expo, Paris, musée des Monuments Français, 1987-1988
COUSQUER, Yves (dir.). « Postes ». Monuments historiques, n°184, nov.-déc. 1992 
LEBLANC Charlotte, « Les archives du ministère des Postes, Télégraphes et Téléphones (1945-1991) aux Archives nationales : une source pour la connaissance de l’architecture »
LECLERC, Bénédicte et COULAUD, Hervé. Un siècle d’architecture postale en France (1889-1985) 
Syndicat CGT de L.A. des PTT, Hier, aujourd’hui demain, les femmes aux PTT … et maintenant à La Poste et France Télécom, Nantes : centre d’histoire sociale, 2004

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Bombardements

Michel Roux-Spitz (1888-1957)

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Architecture civile publique 2e GM Architecture

Contributeurs

Rédaction d'article :

Guillaume Gautier

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