
Charles Brunellière (1847 - 1917)
« Le pionnier du socialisme nantais » : c’est ainsi qu’est désigné Charles Brunellière par l’historien Claude Willard, auteur d’une sélection de lettres puisée dans son immense correspondance.
Né à Nantes en 1847 dans un milieu de commerçants aisés, Brunellière travaille tôt, apprend le métier d’armateur et le devient lui-même en association avec son frère. De 1902 à 1915, leur Fédération maritime de Bretagne exploite quelques bateaux à vapeur.
Mais ce sont ses engagements politiques qui le passionnent et laissent de lui une trace dans notre histoire. D’abord engagé dans la franc-maçonnerie et le mouvement radical jusqu’en 1886, c’est à ce titre qu’il est élu conseiller municipal de Nantes en 1884, puis adjoint à partir de novembre 1885. Il évolue alors vers le socialisme, d’abord aux côtés de Benoît Malon, puis dans un libre compagnonnage avec les guesdistes à partir de 1890.
En 1894, il suscite la création de la Fédération socialiste de Nantes qui recrute alors 80% de ses adhérents parmi les ouvriers de l’industrie (surtout la métallurgie et le bâtiment). Malgré ses échecs successifs, il est ensuite candidat régulier à toutes les élections, cantonales ou législatives.
Suite à la crise provoquée par l’entrée du socialiste Millerand dans le cabinet d’union républicaine de Waldeck-Rousseau en 1899, il entre en désaccord avec Guesde et se méfie encore plus des directions parisiennes. Il suscite la création de la Fédération socialiste autonome de Bretagne qui est constituée en mars 1900, cherchant ainsi à marquer très nettement son penchant pour l’entité bretonne.
Partisan de longue date de l’unité socialiste, c’est pourtant avec réticence qu’il adhère à la SFIO en 1905, car il pressent que son centralisme entraînera la mort des fédérations régionales. Effectivement, la dissolution de la FSB entraîne la création de la Fédération socialiste de la Loire-Inférieure en 1908, pour se conformer aux statuts du Parti, mais elle est suivie d’une perte d’influence du socialisme nantais jusqu’à la guerre.
Brunellière n’est pas qu’un dirigeant de parti politique. Il est très lié aux mouvements syndicaux auxquels il apporte un appui intellectuel, administratif et parfois financier. Il soutient activement les syndicats ouvriers nantais regroupés dans la Bourse du travail. Il apporte aussi son soutien aux marins et aux paysans. En juillet 1898, il est élu secrétaire général de la Fédération des inscrits maritimes et joue un rôle dans l’adoption de plusieurs lois les concernant.
Son action peut-être la plus désintéressée est celle qu’il mène sans discontinuer, de 1891 à 1915, aux côtés des vignerons nantais. Ceux-ci, liés par un contrat ancestral de « bail à complant », risquaient de perdre leur vigne à la suite de la crise du phylloxéra. Il réussit à les organiser en syndicats et à conduire un combat de longue haleine pour assurer la défense de leurs droits, n’hésitant pas à faire jouer ses relations politiques nationales pour tenter d’obtenir des gouvernements successifs des dispositions législatives qui leur soient favorables. Il disparaît avant d’avoir obtenu « l’émancipation des colons » qui correspond, pour eux comme pour lui, à l’accession à cette petite propriété liée au travail dont le capitalisme voulait les exclure.
Partisan de l’union sacrée en 1914, il meurt le 12 février 1917. Son cercueil est « accompagné d’une foule immense » de Nantais reconnaissants. Guesde lui reconnaissait « plus les qualités d’un pilote que celle d’un capitaine ». Serait-ce de nos jours une critique ou un éloge ?
René Bourrigaud
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d'auteur réservés)
En savoir plus
Bibliographie
Bourrigaud René, Lettres nantaises : correspondance Brunellière-Hamon, CDMOT, Nantes, 1989
Guin Yannick, Itinéraires du socialisme en Loire-Atlantique. Tome I, Exister, 1820-1920, Éd. du Petit Véhicule, Nantes, 2012
Pageot Auguste, Le Chantier "Karl Marx" et les "chevaliers du travail", Impr. Jagueneau, Nantes, 1940
Willard Claude, La correspondance de Charles Brunellière, socialiste nantais 1880-1917, C. Klincksieck, Paris, 1968
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René Bourrigaud
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