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Nantes la bien chantée : La statue en balade


En 1927, une statue commémorative fait scandale à Nantes et subit plusieurs mésaventures. Finalement, il faudra près d’un siècle pour qu’elle retrouve la place qui lui était initialement assignée.

Paul Bellamy (1866-1930) n’est pas seulement le nom d’une des principales artères nantaises. Cette longue ligne droite, premier tronçon de la « route de Rennes » porte le nom d’un avocat qui fut maire de Nantes de 1910 à 1928. Son œuvre politique semble assez méconnue des Nantais, pourtant cet auguste personnage est le premier concerné par cette chanson.

Tribulations Nantaises

La municipalité avait déjà érigé le monument aux morts de la Première Guerre Mondiale, au nord du cours Saint-André. Sous l’égide de Bellamy, elle vota en 1927 l’ajout d’une statue, comme pour faire écho au monument aux morts de la Guerre de 1870, situé au sud du cours Saint-Pierre. Le choix fut porté sur l’un des onze exemplaires de La Délivrance, qui fut installée puis inaugurée au mois de juillet de cette même année en présence du ministre de la Guerre, le sieur Paul Painlevé, cité au premier couplet. A partir de là, les choses se sont un rien compliquées au fil des semaines, voire des années suivantes mais pour bien comprendre les faits, une description succincte de l’œuvre s’impose.

Cachez ce dos que je ne saurais voir

La sculpture est l’œuvre d’Emile Oscar Guillaume (1867-1942) et représente une femme nue brandissant les mains vers le ciel, la main droite tenant une épée. Elle portait auparavant le nom de La Victoire. Elle fut installée devant le monument aux morts où figurent les noms des milliers de soldats nantais tués lors du conflit, le dos tourné au dit monument. La polémique éclata sitôt l’inauguration. Les milieux que l’on qualifierait aujourd’hui de « conservateurs » s’offusquèrent de ce choix qu’ils jugeaient indécent et peu respectueux à l’encontre des « morts pour la France », à plus forte raison, si l’on peut dire, parce que symboliquement, la statue montrait aux poilus la partie de son anatomie que l’on montre ordinairement pour exprimer le mépris ou la moquerie.
La campagne fut violente au point, comme le précise le second couplet, qu’il fallut affecter des agents à sa surveillance, pour ne pas dire à sa protection. Malgré cela, la statue fut l’objet de vandalisme, parfois potache comme le fait de la vêtir d’une chemise de nuit. Sérieusement endommagée lors d’un attentat nocturne, elle fut retirée et ne fit sa réapparition qu’en 1937, restaurée cela va sans dire. Cette fois, elle fut placée sur un socle de 6 mètres de haut afin de la protéger de l’extrémisme pudibond de certains habitants de la cité. Mais les mésaventures de La Délivrance n’en étaient pas encore à leur terme.

Un retour inespéré

Pendant l’Occupation Allemande, elle fut cette fois menacée d’être recyclée par l’industrie militaire Allemande, aidée en cela par la bienveillante couardise du gouvernement de Vichy. Retirée en 1942, elle disparait de façon définitive. Du moins, pouvait-on le croire.
C’est en 1950 qu’elle réapparait à Paris. Sauvée presque miraculeusement des fonderies militaires, elle était toutefois amputée de ses bras et ce n’est qu’en 1987 qu’elle réapparut, cette fois à proximité immédiate du Conseil régional. On sera heureux d’apprendre qu’elle fit son retour au square du Maquis de Saffré en 2018, à l’occasion des commémorations du 11 novembre. Quant à savoir si ce retour est définitif, l’avenir nous le dira. La Délivrance aurait-elle finalement obtenu la victoire ?

Hugo Aribart
Dastum 44
2019

A Nantes, c’est pas marrant
Mes enfants
On avait élevé une statue que Painlevé
Inaugura un jour
Tout autour
Admirant, c’est flatteur
Le chef-d’œuvre du sculpteur
Mais soudain la chose se corse
Et dans beaucoup de milieux
Cette femme montrant son torse
Apparut d’un goût trop scandaleux

REFRAIN
Ils ont renversé la statue
D’la femme nue (bis)
Qui faisait d’un geste ingénu
Voir son dos au pauvre poilu
Qu’est-ce qu’on pourrait bien mettre maint’nant
A sa place, sur la place
Qui tout en étant  plus décent
Coût’rait moins de cent mille francs ?

Déjà, depuis longtemps
Les agents
Devaient la nuit, le jour, empêcher d’rôder autour
Un tas de malicieux
Qui, morbleu !
Avait même une fois mis
A la femme une ch’mise de nuit
Mais trompant la surveillance
Cette fois des braves gardiens
Sans pitié, la Délivrance
Fut jetée en bas de ses gradins

Placée où elle était
Il parait
Que même l’agent d’planton
Lui t’nait pas d’conversation
Comme elle se morfondait
S’ennuyait
Elle avait résolu de faire un tour dans la rue
Aidée de quelques complices
Et désirant défiler
Pour la fête de l’Armistice
En sautant, elle se brisa les pieds

REFRAIN 2
Quand reverrons-nous la statue
D’la femme nue (bis)
Maintenant le pauvre poilu
Se désole et pleure tant et plus
Qu’est-ce qu’on pourrait bien mettre maint’nant

A sa place, sur la place
Qui tout en étant  plus décent
Coût’rait moins de cent mille francs ?

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En savoir plus

Bibliographie

Collectif, Du sentiment de l’histoire dans une ville d’eau, Nantes, Editions L’Albaron, 1992

Discographie

Couton Patrick et Fischer Georges, Nantes en chansons, Dastum / Dastum 44, 1998, plage N° 13

Enregistrement

Barberine Blaise (chant) et Frédérik Bouley (violon) le 22 août 2018, à Nantes, d’après la chanson publiée en 1927 sur l’air de Le trompette en bois (musique de Vincent Scotto)

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Musique Nantes dans la chanson

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Rédaction d'article :

Hugo Aribart

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