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Séminaire École du Chêne d’Aron

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Arsène Leloup (1803-1876) et René Bouhier (1842-1893)


Leloup-Bouhier. Deux patronymes attribués en 1935 à l’École professionnelle de commerce et d’industrie, implantée au 11, boulevard de Launay, pour honorer la mémoire de deux de ses anciens directeurs : Arsène Leloup et René Bouhier, les deux fondateurs de l’institution nantaise. Devenu lycée professionnel, l’établissement a fermé ses portes en 2014 pour être transformé en école primaire à la rentrée 2020. Afin de transmettre la mémoire de cet ancien haut lieu de la formation professionnelle locale, sa dénomination a été conservée.

Arsène Leloup, premier directeur de l’école primaire supérieure (EPS)

Premier directeur de l’école primaire supérieure de 1834 à 1853, Arsène Leloup est une personnalité importante de l’histoire scolaire de Nantes.

Portrait en buste d’Arsène Leloup

Portrait en buste d’Arsène Leloup

Date du document : sans date

Des études à Paris

Né à Avranches (Manche) le 11 février 1803, Arsène Leloup obtient son baccalauréat en 1821 à l’issue de ses études secondaires au lycée de Rennes. Cinq ans plus tard, il sort diplômé de l’école de pharmacie de Paris puis s’inscrit en 1829 à la faculté de médecine parisienne.

En 1832, il participe activement à la lutte contre l’épidémie de choléra qui sévit dans la capitale (18 402 victimes dont Casimir Périer, le chef du gouvernement), ce qui lui vaut une médaille du gouvernement. Deux ans plus tard, il est recruté par la municipalité nantaise pour exercer les fonctions de professeur de chimie et de directeur de la toute nouvelle école primaire supérieure (EPS), la première ouverte en France le 2 novembre 1834.

L’ouverture de la première école primaire supérieure en France

Instituées par la loi Guizot du 28 juin 1833 et obligatoires dans les villes de plus de 6000 habitants, les EPS dispensent un enseignement primaire de second degré orienté vers les sciences appliquées et destiné aux enfants de la classe moyenne émergente.

Ville portuaire, industrielle et commerciale, Nantes est dirigée à partir des années 1830 par des bourgeois libéraux sensibles à l’idée qu’une main d’œuvre qualifiée contribue au développement économique. Aussi, le programme des cours rédigé par Adolphe Billault, alors conseiller municipal nantais, est orienté vers un enseignement technique : « Considérant (…) qu’entre l’instruction primaire et la haute instruction des collèges, il existe une immense lacune au détriment de cette nombreuse classe d’hommes laborieux qui (…) ne trouve pas de lumières suffisantes dans les simples éléments de l’éducation primaire, et ne rencontrerait dans les collèges que des enseignements à peu près inutiles pour la carrière beaucoup plus mathématique que littéraire qu’elle parcourt. (…) Une école primaire supérieure, où l’on professerait la morale appliquée à la vie sociale, l’histoire et la géographie appliquées à l’industrie; les mathématiques, la physique, la chimie, l’histoire naturelle appliquée aux arts, etc. remplirait merveilleusement cette lacune. »

À son ouverture, l’école dispense, en trois ans, un enseignement reparti en cinq catégories. Un professeur unique est dédié à chacune d’entre elles et l’un d’eux est également directeur.

Le 6 janvier 1834, Arsène Leloup est nommé professeur de chimie et directeur le 12 mai suivant.

Affiche annonçant l’ouverture de l’École primaire supérieure dont Arsène Leloup est le premier directeur

Affiche annonçant l’ouverture de l’École primaire supérieure dont Arsène Leloup est le premier directeur

Date du document : 1834

Un directeur actif

Inaugurée le 2 novembre 1834, l’école primaire supérieure ouvre ses portes le lendemain dans un local loué au 49, rue Saint-Léonard. Établissement sans internat, l’EPS recrute ses élèves à partir de 12 ans. En 1838, 138 jeunes suivent les cours.

Sous sa direction, l’école développe une pédagogie originale axée sur l’enseignement de la chimie et ses applications à l’industrie, répondant ainsi aux objectifs de débouchés professionnels fixés par la municipalité. Cette préférence pour la chimie tient non seulement à sa trajectoire personnelle mais aussi à sa conviction que cette science favorise les progrès de l’industrie, sentiment partagé par de nombreux scientifiques de l’époque. Cette conception des applications de la chimie est par ailleurs tout à fait adaptée au contexte industriel nantais : raffinage de sucre, noir animal, conserveries, métallurgie, etc. sont autant d’industries qui utilisent les savoirs de cette science dans leurs procédés de fabrication.

L’EPS devient école professionnelle communale

En 1840, l’école est déplacée au 19, rue des Coulées (actuelle rue Arsène-Leloup) dans les locaux laissés vacants par l’École normale d’instituteurs transférée à Rennes. Après la promulgation de la loi Falloux le 15 mars 1850, dont aucun article n’évoque les écoles primaires supérieures, Arsène Leloup s’assure de la garantie d’existence de l’école auprès de la municipalité et insiste pour que le caractère professionnel de son enseignement soit mis en relief. Le 6 septembre 1850, l’école primaire supérieure devient alors l’école professionnelle communale.

Vue de la cour et des ateliers de l’école professionnelle communale installés dans l’actuelle rue Arsène-Leloup

Vue de la cour et des ateliers de l’école professionnelle communale installés dans l’actuelle rue Arsène-Leloup

Date du document : sans date

Il quitte ses fonctions au cours de l’année scolaire 1852-1853. Pendant ces presque 20 années à la tête de l’EPS, il reçoit le soutien sans faille du maire Ferdinand Favre qui le nomme directeur honoraire de l’établissement à partir de 1853, ce qui lui permet de continuer à jouer un rôle important sur les orientations de l’école. Devenu une personnalité locale, Arsène Leloup entame une carrière politique et devient un acteur majeur de la propagation de l’enseignement professionnel.

Président fondateur de l’Association polytechnique nantaise en 1865

Cette association fondée sur le modèle de celle de Paris a pour but la propagation de l’enseignement professionnel et l’instruction gratuite des ouvriers. Autorisée le 28 octobre 1865, elle a pour siège l’école professionnelle, rue des Coulées, mais des cours sont aussi donnés dans diverses succursales réparties dans la ville. Premier président, Arsène Leloup doit néanmoins se démettre de ses fonctions pour raisons de santé mais reste sociétaire.

Une personnalité insérée dans les milieux dirigeants locaux

Membre de la Société académique à partir de 1835 et de la Société industrielle, Arsène Leloup a un parcours assez semblable à ces hommes de la Monarchie de Juillet (1830-1848) qui, sans être industriels, tirent parti du mouvement des affaires et des découvertes scientifiques pour faire carrière.

Aussi, à partir du milieu des années 1860, il commence une carrière politique aux côtés des républicains nantais. Conseiller municipal à partir de 1865, il est élu conseiller général du 4e canton en 1870. C’est à partir de cette date qu’il s’illustre comme premier adjoint à l’instruction publique en défendant l’idée d’un programme de constructions scolaires primaires publiques dont Nantes est encore assez dépourvues.

Le 19 juillet 1871, il est nommé maire de Nantes. Installé le 25 juillet, il fait voter au cours de son bref mandat un emprunt scolaire qui ne sera débloqué qu’en 1875 mais qui marque le début d’une nouvelle politique municipale relative à l’instruction primaire publique. Le 17 décembre 1872, il est démis de ses fonctions pour n’être pas intervenu lors d’une manifestation anti-cléricale qui visait des pèlerins de retour de Lourdes.

Après ce bref mandat de maire, il poursuit pendant quelques temps ses activités nantaises, en faveur de l’enseignement professionnel notamment. Mais il se retire fréquemment dans sa propriété du Port-Launay à Couëron où il décède le 17 février 1876. Inhumé dans un premier temps dans cette commune, son cercueil est ensuite transféré à Nantes au cimetière Miséricorde.

Hommage

Le 28 octobre 1884, le maire Georges Colombel donne lecture d’une lettre d’Eugène Orieux, agent-voyer en chef honoraire, président de la Société amicale des anciens élèves de l’école professionnelle municipale, demandant que le nom d’Arsène Leloup soit donné à une rue avoisinant l’ancienne école. Son nom est alors attribué à la rue des Coulées en bordure de laquelle l’établissement était implantée entre 1840 à 1882.

René Bouhier, instigateur de la reconstruction de l’école professionnelle

Ancien élève de l’école professionnelle, René Bouhier est considéré comme son second fondateur. Grâce au nouvel essor qu’il donne à l’établissement, la municipalité finance un nouveau bâtiment au 11, boulevard de Launay.

René Bouhier, un ancien élève nommé professeur...

Fils d’un forgeron, René Bouhier naît à Nantes en 1842. En 1848, ses parents s’établissent à Luçon où il suit les cours du collège. À leur retour à Nantes en 1855, il intègre l’école professionnelle où il se fait remarquer par ses résultats brillants. Aussi, à 17 ans, il est choisi comme répétiteur préparateur de physique et de chimie au sein de l’école et montre son aptitude à l’enseignement. Directeur honoraire de l’école professionnelle communale, Arsène Leloup remarque le jeune René Bouhier.

En 1861, il obtient le brevet complet et l’année suivante, il est lauréat au baccalauréat ès sciences. Eugène Livet, directeur-fondateur d’une institution d’enseignement technique à Nantes, le recrute en qualité de professeur de sciences physiques et de mathématiques ; poste qu’il occupe de 1862 à 1871.

Lorsque Arsène Leloup devient maire de Nantes en 1871, il nomme René Bouhier professeur de mathématiques et directeur de l’école professionnelle qu’il a créée et qui, depuis son départ en 1853, est en perte de vitesse.

Portrait en buste de René Bouhier

Portrait en buste de René Bouhier

Date du document :

...et directeur

Âgé d’à peine 30 ans, René Bouhier relève le défi et redonne à l’institution communale son dynamisme et sa réputation. Sous sa direction, l’école professionnelle, qui ne comptait au début de sa gestion que 68 élèves, prospère rapidement. En 1880, l’effectif passe à 289 élèves. Cette croissance spectaculaire nécessite le déménagement de la rue des Coulées. Portée par les municipalités Lechat et Colombel, une nouvelle école, inaugurée le 15 octobre 1882, est construire boulevard de Launay. En 1884, 316 élèves sont accueillis et les cours sont dispensés par 18 professeurs.

Façade sur le boulevard de Launay des nouveaux bâtiments de l’école professionnelle municipale

Façade sur le boulevard de Launay des nouveaux bâtiments de l’école professionnelle municipale

Date du document : sans date

Lorsque l’établissement passe entre les mains de l’État en 1890, René Bouhier est maintenu dans ses fonctions. La même année, il reçoit les palmes d’officier d’Académie avant d’être nommé officier de l’instruction publique en 1892.

Gravement malade, il meurt le 15 mai 1893, à l’âge de 50 ans. L’article du Phare de la Loire paru le 18 mai 1983 rend compte de la solide réputation locale de René Bouhier : « Une foule nombreuse assiste aux obsèques du regretté directeur de l’école professionnelle, qui a su élever à un si haut degré de prospérité l’établissement à la tête duquel il était placé. Travailleur acharné, démocrate ardent, il ne s’est point contenté de faire de ses élèves des hommes instruits, il en a fait aussi des patriotes et des républicains. »

Hommage

Le 14 novembre 1922, en réponse à un vœu émis en 1913 par le comité de la société amicale des anciens élèves de l’école professionnelle, la municipalité Paul Bellamy renomme la place Lamoricière place René-Bouhier, « directeur de l’école de 1871 à 1893, digne continuateur d’Arsène Leloup, qui a rendu de grands services à la Ville de Nantes en faisant revivre l’école professionnelle (…) et en lui assurant la réputation la plus honorable par son énergie et ses efforts persévérants ».

Nathalie Barré
Archives de Nantes
2022

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En savoir faire

Bibliographie

Centenaire de l'école professionnelle devenue École pratique de commerce et de l'Industrie : historique de l'école, EPCI, 1934

Quartiers à vos mémoires – Du quai de la Fosse vers Mellinet-Canclaux, Archives de Nantes, 2016

Suteau Marc, Une ville et ses écoles : Nantes, 1830 – 1940, 1999

Pages liées

Lycée Leloup-Bouhier

Abraham Ferdinand Favre (Couvet, 1779 - Paris, 1867)

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Rédaction d'article :

Nathalie Barré

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