Née le 10 mars 1942 à Sainte-Rose en Guadeloupe, Marlène Canguio rêve de faire la rencontre de son père. Parti au combat durant la Seconde Guerre mondiale en France hexagonale, ce dernier vit à Nantes depuis la fin de la guerre. À seulement 9 ans, elle embarque seule sur un navire pour la Métropole et finit par le rencontrer. Au début des années 1960, à 17 ans, elle vient s’installer à Nantes, intègre le Racing Athlétic Club et Cheminot (RACC), où elle s’entraîne avec Roger Boué et Jacqueline Kaoult jusqu’en 1967. 

Ses premières victoires

Le 16 juillet 1960, à 18 ans, Marlène Canguio participe au match France-Belgique à Boulogne-sur-Mer. Elle arrive première au 80 mètres haies et au saut en hauteur. Deux ans plus tard, elle est sélectionnée pour les championnats d’Europe de Belgrade en 1962. Elle est la seule femme noire de la compétition. Elle se classe 4e en demi-finale du 80 mètres haies ainsi qu’en 4 x 100 mètres en série. 

« En 1962, quand j’ai participé au championnat d’Europe à Belgrade, j’étais la seule noire participante et je prenais conscience que je représentais quelque chose. Je suis rentrée sur la piste, on avait les applaudissements. Ils n’étaient pas que pour moi mais je les prenais pour moi. » - Propos recueillis par Outre-mer la 1ère en 2023

Du 26 au 28 juillet 1963, les championnats de France au stade Yves-du-Manoir à Colombes marquent un tournant dans sa carrière. En finale du 80 mètres haies, face à sa grande rivale Denise Guénard, elle parvient à lui prendre le titre de championne avec une performance de 11 secondes. Il s’agit de son premier titre national. Elle décroche un second l’année suivante et établit le record de 10,8 secondes sur le 80 mètres haies. En 1965, il est égalé par Denise Guénard.

Première ultramarine aux Jeux Olympiques 

Le 14 octobre 1964, Marlène Canguio devient la première Guadeloupéenne et même Ultramarine à être sélectionnée pour les Jeux Olympiques à Tokyo. Âgée de 22 ans, elle travaille en parallèle dans un établissement bancaire comme sténodactylographe. Elle prend un congé pour se rendre au Japon. Aux 80 mètres haies, elle ne parvient pas à se hisser au classement. Elle participe à la finale du relais 4x100 mètres et se classe 8e aux côtés de Denise Guénard, Danielle, Guéneau, Christiane Cadic, Michèle Lurot et Évelyne Lebret. 

« Faire les jeux, c’était quelque chose de formidable. Je ne savais pas trop ce que cela voulait dire, quand je me suis retrouvée avec les garçons sur la piste habillés du maillot français. J’étais très fière d’être là. »
Propos recueillis par Outre-mer la 1ère en 2023

De retour à Nantes, elle fête sa participation au café du Ralliement avec l’association des Antillais de Nantes dont son père, Aristide Canguio, est membre. Le président de l’association M. Languedoc lui remet une coupe et des bouquets de fleurs. C’est un très grand moment pour les membres, fiers d’avoir une athlète antillaise aux JO.

Premier record de France au 100 mètres haies

À partir de 1965, elle se tourne vers d’autres disciplines, notamment le saut en longueur, où elle devient championne de France en 1967. Elle pratique aussi le sprint plat et le pentathlon. Le pentathlon tient son origine des Jeux de la Grèce antique, il est introduit dans sa version moderne par Pierre de Coubertin aux Jeux Olympiques de Stockholm en 1912. Il rassemble les disciplines de la natation, l’escrime, l’équitation (saut d’obstacles), le tir au pistolet et la course à pied.

En 1968, elle rejoint le Racing Club de France (RCF) de Paris. Sélectionnée pour les Jeux Olympiques de Mexico la même année, elle doit malheureusement y renoncer à cause d’une blessure. 

En juillet 1969, elle établit le tout premier record de France du 100 mètres haies à Middlesbrough en Angleterre, réalisant une performance de 13,6 secondes. À partir des Jeux Olympiques de 1972 à Munich, il remplace le 80 mètres haies dans les grandes compétitions. Marlène Canguio est aussi la dernière détentrice du record de France du 80 mètres haies. 

En 1970, une maladie orpheline l’oblige à se retirer de la compétition sportive. Elle retourne en Guadeloupe auprès de sa famille et y reste jusqu’à son décès, le 25 janvier 2025 à 83 ans.

Christine Bulver
2025