
Caserne Cambronne
Aménagée à la fin du 19e siècle et destinée à accueillir plusieurs milliers de soldats, la caserne Cambronne est représentative de l’importance croissante de l’Armée à Nantes.
La naissance de la caserne de Barbin
En 1875, les conditions de vie et d’hygiène très précaires de la caserne d’infanterie de la Visitation remettent en question son existence. En effet, cette année-ci, trois épidémies touchent cet ancien bâtiment surpeuplé. De plus, Nantes cherche depuis plusieurs années à pérenniser la présence militaire dans la ville. En 1873, elle devient le siège du XIe Corps d’Armée. Une caserne dans un tel état de vétusté n’est plus acceptable. Deux solutions sont alors possibles :
> Réaliser de lourds travaux à la Visitation, en prenant le risque qu’ils soient insuffisants,
> Construire une nouvelle caserne en investissant une somme bien plus importante.
Fin 1875, le conseil municipal débat au sujet de l’éventuelle construction d’une nouvelle caserne d’infanterie sur un terrain abordable, situé à l’est. Néanmoins, ce chantier demanderait à la Ville une participation d’un million de francs, sous la forme d’une subvention et d’un emprunt au profit du Ministère de la Guerre. Certains membres du conseil municipal s’appuient sur l’indécision du Ministère pour affirmer que des travaux à la Visitation suffisent. Les diverses enquêtes sanitaires menées par la municipalité prouvent pourtant l’inverse.
Afin de faire accepter cette importante somme au conseil municipal, le faible impact de la guerre de 1870-1871 sur Nantes est mis en avant. Peu touchée par la guerre, la ville aurait un « devoir de générosité » envers l’Armée.
L’augmentation des recettes liées au commerce suite à l’installation de cette nouvelle caserne, la possibilité de récupérer la Visitation, ainsi que l’annulation d’une partie des frais de casernement payés par la Ville achèvent de convaincre le conseil municipal. Ce dernier vote pour la construction d’une nouvelle caserne pouvant accueillir 3 000 hommes en septembre 1876. Le Sénat vote un budget de 500 000 francs en 1879 pour participer à ce chantier.
Le 5 septembre 1877, la Ville de Nantes et l’État signent une convention pour « la création d’une Caserne d’Infanterie en remplacement de la Visitation » dans laquelle la municipalité s’engage à participer financièrement à la construction de cette nouvelle caserne qui doit respecter les « conditions désirées d’hygiène et de salubrité ». En contrepartie, l’État s’engage à rendre à la Ville l’ensemble de la Visitation, d’ici au 31 décembre 1880. Le décret d’utilité publique du 3 août 1878 autorise ainsi la Ville de Nantes à exproprier 1, 43 hectares de terrains.

Plan d’ensemble de la caserne Cambronne
Date du document :
De Barbin à Cambronne : la transformation de tout un quartier
La caserne de Barbin doit ainsi s’installer dans un quartier rural de Nantes, qui est adapté à sa nouvelle destination. Le pont de Barbin, appelé depuis 1891 pont Général de la Motte Rouge, est reconstruit en 1886. L’ancien pont était en effet vétuste et ne permettait pas l’utilisation fréquente des soldats, qui doivent l’emprunter pour rejoindre le champ de manœuvres du Petit-Port aménagé par la ville en 1875. La construction de cette caserne est, plus généralement, l’occasion de revoir l’urbanisme du quartier dans son entièreté, et notamment du tracé des rues. De nombreuses voies sont ainsi créées dont les actuelles avenue Chanzy, quai Henri Barbusse ou encore rue Desaix.
Néanmoins, les travaux créent parfois des tensions avec les riverains. Pour dégager et former les voies d’accès et d’isolement à la caserne, on emploie ainsi de la mine qui fait beaucoup de dégâts ! Les habitations alentours sont endommagées, dont celle d’un certain Monsieur Sauvaget . L’ « affaire Sauvaget » occupe pendant des mois le conseil municipal qui parvient finalement à une solution avec le principal intéressé en lui versant une indemnité de 1 000 francs.
Vers 1880, la caserne de Barbin sort de terre. Elle prend la forme d’un vaste bâtiment de trois étages, un pour chaque bataillon, surplombant une vaste place d’armes. Les bâtiments utilitaires sont implantés à la périphérie de l’enceinte de la caserne : cuisine, poste de police, infirmerie… La construction de cette vaste caserne souligne la place croissante de l’Armée à Nantes, dont les effectifs deviennent considérables. En effet, au début du 20e siècle, 6 500 à 7 000 soldats sont postés dans la ville.
À la toute fin des années 1870, le 64e régiment d’infanterie s’installe à Barbin. En 1880, il est remplacé par le 65e régiment d’infanterie, surnommé le « Six-Cinq ». La caserne Barbin change également de nom pour Cambronne. Les plus anciennes archives l’appelant ainsi datent de 1897. Cette dénomination est un hommage à Pierre Cambronne, né à Nantes en 1770 et décédé dans la même ville en 1842. La carrière militaire de ce général est marquée par les différents conflits de la période révolutionnaire et du Premier Empire, notamment la bataille de Waterloo qui participe à sa célébrité.
Dès 1898, la caserne Cambronne est agrandie. On souhaite en effet y installer le quatrième bataillon du 65e régiment d’infanterie.

Entrée de la caserne Cambronne
Date du document :
Les conflits mondiaux
Le 20 juin 1914, un mois avant le début de la Première Guerre mondiale, l’ambiance est à la fête à Cambronne. En effet, le « Six-Cinq » commémore les victoires de Magenta et de Solférino auxquelles il prit une part importante en juin 1859. En présence du maire de la ville, Paul Bellamy, et de plusieurs généraux, le programme festif est dense : retraite aux flambeaux, revue des troupes par le colonel Paul Balagny, cérémonie des drapeaux, défilé des voitures fleuries, concours de tir, carrousel à pied et à bicyclette, courses, danse, jeux, pantomime… Cependant, on n’oublie pas de rendre hommage aux soldats du régiment tombés au combat au cours d’une cérémonie simple, mais touchante.

Fête du 65e Régiment d'Infanterie (20 juin 1914)
Date du document : 20/06/1914
Lors de la Première Guerre mondiale, Nantes devient une véritable ville de cantonnement. Près de 240 000 soldats séjournent à Nantes, dont en tout 99 000 à Cambronne.
Après la Première Guerre mondiale, le 65e régiment d’infanterie regagne Nantes, amputé d’une de ses compagnies qui s’installe à Vannes, et meurtri par un lourd bilan. 1900 soldats sont ainsi tombés au combat, ainsi que 112 officiers, dont Desgrées du Lou, qui donne son nom à un pavillon situé rue Gambetta.
Le 31 août 1939, le « Six-Cinq », composé en majorité de Bretons, Vendéens et Ligériens, repart pour le front en Lorraine, puis prend la direction de Dunkerque en novembre et passe l’hiver à Desvres. Le 22 mai 1940, le régiment subit une attaque de panzers de l’armée allemande. 200 hommes venus de Nantes sont faits prisonniers. Deux compagnies du 65e régiment d’artillerie tentent de reprendre le contrôle de Desvres, sans succès. Le drapeau du régiment est incinéré à Boulogne sur Mer. Ce geste fort rappelle le poids symbolique d’un drapeau régimentaire : à la fois identité et cœur du régiment, il constitue un trophée de guerre particulièrement important…

Fête du 65e Régiment d'Infanterie (20 juin 1914)
Date du document : 20/06/1914
En novembre 1944, des bataillons des Forces Françaises de l’Intérieur se mobilisent à Nantes pour lutter contre la poche de Saint-Nazaire. Les casernes Mellinet et Cambronne deviennent des centres d’instruction et de repos.
L’action du « Six-Cinq » à Desvres durant la Seconde Guerre mondiale a marqué cette commune, qui y inaugure un monument en leur souvenir en 1946 puis donne le nom du 65e régiment d’infanterie à une de ses rues.
Le départ progressif de l’Armée
Le 65e régiment d’infanterie est dissous en 1945. Son drapeau est alors confié à plusieurs régiments et musées. Dans les années 1960, le « Six-Cinq » voit de nouveau le jour sous la forme d’une unité de réserve affiliée à la 33e division militaire territoriale, dont Nantes dépend. Au milieu des années 1980, le 65e régiment d’infanterie est définitivement dissous. La deuxième moitié du 20e siècle est en effet synonyme de perte d’importance pour l’Armée à Nantes. Ainsi, en 1946, la municipalité souhaite installer des écoles dans des casernes que le Ministère de la Guerre serait disposé à céder. Cambronne, qui n’est plus aux normes, est ainsi louée à la Ville. Des premiers travaux sont réalisés en juin 1946 afin d’adapter les locaux à leurs nouveaux usages. En octobre, plusieurs services municipaux et centres de formations s’y installent, comme l’Ecole d’apprentissage maritime, le Centre d’apprentissage du Bâtiment, le Service municipal du Logement et des Sinistrés, le Service des Transports Municipaux ou encore le Centre de Réparation Automobile.

École Normale Nationale d'Apprentissage
Date du document :
Dans les années 1960, l’ancienne caserne Cambronne devient un centre administratif. Depuis 2008, il accueille l’ensemble des services de l’administration fiscale. Le souvenir de son ancien usage militaire perdure dans le nom des rues, et notamment celle du 65e régiment d’infanterie, voisine de l’ancienne caserne.
Léa Grieu, d’après les recherches de Xavier Trochu
Direction du Patrimoine et de l’Archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2024
Album : Caserne Cambronne
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Bibliographie
Le Phare de la Loire, 21 juin 1914
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Rédaction d'article :
Léa Grieu
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