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Ancien couvent de la Visitation et caserne Bedeau


L’ancien couvent de la Visitation et son terrain ont accueilli, du 18e au 21e siècle des espaces militaires : quartier de la Visitation, cercle de garnison ou encore caserne Bedeau.

Le couvent de la Visitation Sainte-Marie

Durant la première moitié du 17e siècle, de nombreux couvents féminins sont fondés en France, en accord avec les directives du concile de Trente de 1542 qui interdit aux religieuses de s’installer en dehors des villes. Parmi ces nouveaux convents, plusieurs sont liés à l’ordre de la Visitation de Sainte-Marie, fondé par François de Sales et Jeanne de Chantal à Annecy en 1610, et qui connaît une expansion fulgurante.

Dans les années 1620, trois Nantaises aisées et influentes contactent les fondateurs de la Visitation afin d’obtenir la création d’une branche nantaise. L’évêque de Nantes et la municipalité donnent leur accord en mai 1630, à condition que les religieuses ne soient pas à la charge de la Ville et s’installent dans les faubourgs. En juin, l’établissement est confirmé par lettres patentes royales. 

Après deux années passées dans l’ancien et vétuste couvent des Capucins, les Visitandines achètent à François Miron en 1632 une demeure du 16e siècle, la Mironnerie. Huit Visitandines s’y installent et agrandissent progressivement leur domaine. Elles font construire une église qui est inaugurée en 1645 et un monastère de 1654 à 1679. En 1700, la Visitation atteint son expansion maximale. Le couvent s'étend sur 1,85 hectares et accueille 40 Visitandines. Pour faire face à ces travaux coûteux et assurer un revenu à la communauté, un pensionnat de jeunes filles est ouvert au sein du couvent en 1690. 

L’évolution des usages durant la période révolutionnaire

En 1791, durant la période révolutionnaire, les Visitandines refusent de prêter serment à la nation et de verser aux autorités les richesses du couvent. Elles sont expulsées en 1792 et l’édifice est confisqué. Certaines d’entre elles sont emprisonnées. 

La Visitation devient alors une prison féminine qui compte 155 détenues en juillet 1793. L’ancien couvent est ensuite reconverti en hôpital militaire, où René Laennec, médecin et inventeur du stéthoscope, fait ses débuts. La Visitation sert finalement de magasins, des lieux de stockage, à l’Armée.

En 1803, la Visitation s’organise autour d’un cloître quadrangulaire délimité par 4 corps de bâtiment à deux étages. L’architecture de l’ancien couvent est décrite comme sobre.

Cloître de la caserne de la Visitation

Cloître de la caserne de la Visitation

Date du document : Vers 1890

En 1804, les Visitandines souhaitent reconstituer leur couvent nantais. Elles adressent à Letizia Bonaparte, la mère de Napoléon Ier, une demande d’autorisation qui leur est accordée en 1806. Néanmoins, elles ne retrouvent pas leur ancien couvent, devenu une caserne militaire.

La reconversion militaire de l’ancien couvent

Durant la première moitié du 19e siècle, les effectifs militaires qui passent et stationnent à Nantes se font plus nombreux. L’ancien couvent de la Visitation, dont la ville est propriétaire depuis un décret de 1810, est ainsi reconverti en caserne afin de loger les troupes en limitant le logement chez l’habitant. L’édifice abrite aussi des magasins des hôpitaux militaires ainsi que pour l’habillement des soldats.

Néanmoins, dès 1810, la vétusté de l’ancien couvent est mise en cause. Cette année-là, un violent ouragan endommage la caserne, ainsi que l’ancien collège Saint-Clément. Problèmes d’humidité, de sécurité ou encore manque de place sont également souvent cités. En effet, la Visitation voit des centaines d’hommes s’installer dans ses locaux. Malgré ses limites, l’ancien couvent s’impose comme la caserne d’infanterie de Nantes. Des cuves d’eau permettant son alimentation sont installées en face de la caserne, à l’emplacement de l’actuel musée d’Arts.

Plan de la caserne d’infanterie de la Visitation

Plan de la caserne d’infanterie de la Visitation

Date du document : 1867

La caserne Bedeau

Vers 1842, un nouveau bâtiment de casernement est construit à proximité immédiate de la Visitation. Ce nouveau bâtiment prend le nom de caserne Bedeau au cours du 19e siècle. Marie-Alphonse Bedeau nait en 1804 à Vertou. Sa carrière militaire est essentiellement attachée à la colonisation de l’Algérie. En 1847, il est brièvement gouverneur d’Algérie. Par la suite, il entame une carrière politique. Il est notamment député sous la Deuxième République. Il décède en 1863 à Nantes et est inhumé au cimetière de la Bouteillerie. 

Malgré les fréquentes confusions, la Visitation et Bedeau sont deux espaces militaires distincts. Néanmoins, il semble que le terrain sur lequel est construite cette nouvelle caserne ait pu faire partie de la propriété des Visitandines. Bedeau semble avoir essentiellement accueilli des services administratifs de l’Armée comme les 11e sections des infirmiers militaires, des secrétaires d’état-major et des commis et ouvriers militaires d’administration.

Plan d’élévations et de coupes de la caserne d’infanterie de la Visitation

Plan d’élévations et de coupes de la caserne d’infanterie de la Visitation

Date du document : 1845

L’infanterie quitte la Visitation

Dans les années 1870, l’hygiène à la Visitation intéresse la municipalité. Un seul médecin est en charge des 1 500 hommes qui y logent. Malades et biens portants s’entassent dans les mêmes pièces, faute de place. En avril 1875 la fièvre typhoïde touche 75 hommes dont 18 décèdent. En novembre, la fièvre typhoïde contamine de nouveau 74 soldats dont 26 succombent. La même année, la dysenterie touche la Visitation. La surpopulation ainsi que la vétusté des locaux sont mises en cause. Fin 1875, la Ville réfléchit au transfert de l’infanterie dans une nouvelle caserne, dans le nord-est de Nantes, où les terrains sont abordables. Le 1er septembre 1876, la Ville choisit officiellement de déménager la caserne, plutôt que de payer d’importantes réparations qui resteraient insuffisantes. 

Un terrain est trouvé à proximité du pont de Barbin. Après de difficiles négociations, la municipalité accepte de participer financièrement à cette construction à hauteur de 1 million de francs. En 1879, le Sénat vote un financement de 500 000 francs pour cette nouvelle caserne. Ce vote est aidé par l’importance que prend la fièvre typhoïde sur le territoire national et notamment dans les casernes. Une convention est ainsi signée entre l’État et la Ville de Nantes. Suite à la construction de la caserne de Barbin, la Visitation doit revenir à la Ville au plus tard le 31 décembre 1880, soit un peu plus de 2 ans après le commencement des travaux. La caserne de Barbin est aujourd’hui connue sous le nom de caserne Cambronne.

Entrée de la caserne Bedeau

Entrée de la caserne Bedeau

Date du document :

D’après la presse de l’époque, le quartier de la Visitation est censé fermer ses portes après ce déménagement. Pour autant, il semble toujours utilisé à des fins militaires. 

La Visitation contre le château

Le transfert de la Visitation à Barbin réactive un ancien débat : celui de la propriété des casernes. La Ville de Nantes en profite pour appuyer son souhait de récupérer le château des ducs de Bretagne. Dès 1791, l’État a pour projet de vendre le château à la commune mais réquisitionne finalement l’édifice pour organiser la défense de la Ville. Au 19e siècle, le château est toujours utilisé par l’Armée. On y trouve :

> Une poudrière qui provoque l’inquiétude des riverains, marqués par l’explosion de la Tour des Espagnols en 1800,
> Des lieux de stockage pour des canons, pour l’artillerie et le génie, 
> Des militaires qui ne sont plus en capacité de combattre, désignés par le terme d’ « invalides ». En 1873, ils sont au nombre de 120. 

La commune a plusieurs projets pour le château : y installer l’Hôtel de Ville ainsi que « les Musées de peinture, d’Histoire naturelle et d’Archéologie », faire des douves une promenade publique… Néanmoins, l’Administration de la Guerre n’est pas disposée à se séparer du château dans les années 1870, alors que Nantes devient le siège du XIe Corps d’Armée en 1873. Les besoins de l’Armée à Nantes sont alors accrus.

La situation évolue au début du 20e siècle. Le château n’est plus adapté aux besoins de l’Armée, qui souhaite disposer du quartier de la Visitation. En 1912, une convention est signée entre l’État, propriétaire du château, qui le cède à la Ville en échange de la caserne du Collège, de la Visitation et de la caserne Bedeau. 

Du cercle de garnison aux usages civils

Dès 1912, alors que l’Armée vient de récupérer la Visitation, son usage évolue. Un cercle de garnison y est installé, où on trouve les cercles des officiers et sous-officiers, une bibliothèque, des chambres, une salle de conférence ou encore un restaurant. Durant la Première Guerre mondiale, la Visitation est utilisée comme hôpital militaire. Dès la fin de la guerre, l’ancien couvent retrouve son activité de loisirs. Dans les années 1920, on y trouve un Foyer du Soldat. Ces espaces, fondés en 1923 par l’Union des Femmes de France, rassemblent des bibliothèques, des équipements sportifs, proposent des activités (rencontres sportives, pèlerinages sur des champs de bataille…), ou encore de la vente alimentaire.

Cour intérieure de la caserne Bedeau

Cour intérieure de la caserne Bedeau

Date du document : 1914

Durant la Seconde Guerre mondiale, la Visitation est occupée par les Allemands. En 1945, les troupes qui reviennent à Nantes trouvent des casernes qui ne sont plus aux normes, comme Bedeau. De son côté, la Visitation sert de logements pour les familles de militaires. Le rez-de-chaussée semble toujours accueillir le cercle des sous-officiers. 

Entre 1970 et 1978, l’immeuble est restructuré. De 2006 à 2010, le cercle mixte du 22e régiment d’infanterie de marine occupe les locaux et dispose de 16 chambres ainsi que d’un restaurant pour le personnel du Ministère de la Défense.

En 2010, l’Armée quitte le quartier de la Visitation et la caserne Bedeau. L’ancien couvent est vendu à un promoteur qui y aménage une résidence pour personnes âgées nommée « Les Jardins d’Arcadie ». L’ancien couvent est partiellement protégé au titre des Monuments Historiques, tout comme plusieurs objets qui y sont conservés, comme des sculptures, des peintures ou encore des vêtements liturgiques. De son côté, la caserne Bedeau est détruite entre 2011 et 2015.

Léa Grieu, d’après les recherches de Xavier Trochu
Direction du Patrimoine et de l’Archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2024

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