Fêtes aérostatiques
Entre 1875 et 1900, on enregistre une quinzaine d’ascensions à Nantes. Cette tradition perdure jusque dans les années 1930. L’emploi des ballons dans un but scientifique laisse peu à peu la place à une utilisation festive, qui se diversifie à la fin du 19e siècle.
Des propositions créatives
Alors qu’à la fin du 18e siècle, chaque envol de ballon constitue un véritable évènement et un spectacle extraordinaire, le public exprime une certaine lassitude à la fin du 19e siècle. Cette manifestation, devenue courante, ne suffit plus. Les aéronautes redoublent d’imagination et élaborent plusieurs programmes, qu’ils envoient aux maires des communes dans lesquelles ils souhaitent se produire.
Dessin de la fête générale du grand aérostat
Date du document : 14-06-1784
À Nantes, une des villes pionnières de l’aérostation, chaque fête est une occasion de proposer un spectacle aérostatique. Ainsi, il ne se passe pas une fête nationale sans qu’un ballon ne s’envole de Nantes. Certains aéronautes proposent leurs services pour venir en aide aux plus pauvres. De grandes fêtes de Charité sont ainsi organisées du 18 au 21 mai 1856, appelant les riches citoyens à la générosité. La participation à ces festivités est payante et les recettes qui en découlent sont versées à des œuvres de bienfaisance. Au milieu des concerts, tombolas et illuminations, des vols d’aérostats sont organisés pour éblouir les spectateurs.
Affiche des fêtes de Charité
Date du document : 25 avril 1856
Le maire reçoit ainsi régulièrement des propositions d’aéronautes. Ainsi, on peut lire dans
une lettre d’un aéronaute nommé Huard, adressée au maire en 1835, ses différentes propositions :
• L’élévation d’un ballon de 30 pieds de hauteur pour le prix de 220 francs,
• Ou bien l’ascension de petits ballons précédant celle d’un grand aérostat de 40 pieds de hauteur, de 180 pieds de circonférence et de 2600 pieds de surface, avec une nacelle garnie de drapeaux et d’inscriptions pour 525 francs.
Par ailleurs, Huard met l’accent sur le fait que son ballon s’appelle « Ville de Nantes », afin de faire pencher le maire en sa faveur. En réalité, il s’agit d’une simple banderole qu’il modifie selon le nom de la ville.
Les aéronautes et les constructeurs de ballons rivalisent également d’imagination pour offrir un spectacle original. Parmi eux, les entreprises Brodin Jeune et Delousteau Frères et Cie travaillent ensemble pour proposer des fêtes égayées par leurs ballons grotesques et caricaturaux. Leurs publicités et les courriers qu’ils adressent au maire promettent des ballons de couleurs vives et ressemblant à leurs modèles. Aux côtés de nombreux animaux et des gladiateurs figurent des personnages de fiction tels que Robert Macaire ou la mère Michel et son chat. Ils proposent de véritables spectacles comiques aériens ! Leurs ballons, mesurant 30 centimètres à 8 mètres de hauteur, sont accompagnés de feux d’artifice, d’une distribution de jouets ou encore d’essais scientifiques.
Publicité des entreprises Brodin Jeune et Delousteau Frères et Cie
Date du document : 1887
Même si chaque fête aérostatique se présente comme un spectacle orignal, leurs programmes varient peu d’un aéronaute à un autre. François Lhoste et Gabriel Mangin proposent tous deux des services similaires au maire : démonstration du gonflement d’un petit ballon, départ d’une flottille aérienne pour étudier les vents, envol de ballons comiques, ascension de la montgolfière principale avec, lors de son départ, la distribution de jouets pour enfants, un lâcher de pigeons voyageurs, puis une pluie de fleurs et de banderoles, lancées par l’aéronaute depuis sa nacelle. La fête aérostatique est un évènement qui s’étale sur plusieurs heures, dont l’entrée est souvent payante. Les retombées financières sont néanmoins souvent décevantes puisque l’envol du ballon est visible depuis toute la ville. Tous les spectateurs ne jugent pas utile de payer pour entrer dans l’enceinte de la fête.
Néanmoins, le public est invité à participer à ces évènements aérostatiques. Quelques privilégiés prennent part aux vols et d’autres sont invités à concourir pour atteindre le plus rapidement possible le lieu d’atterrissage en vélo !
La concurrence entre les aéronautes
Face au développement de l’offre et au succès des fêtes aérostatiques, on constate une véritable compétition entre les aéronautes. Le maire de la ville doit ainsi étudier de nombreuses demandes pour chaque festivité et choisir avec soin le spectacle qui aura le plus de succès. Propositions grandioses et prix cassés sont autant de moyens utilisés par les aéronautes pour faire pencher la balance de leur côté.
Kermesse au Jardin des Plantes sous le Second Empire
Date du document :
Ainsi, pour le passage de l’empereur Napoléon III prévu à Nantes en 1858, la municipalité nantaise reçoit une abondance de demandes d’ascensions. Le premier à offrir ses services est le fameux Louis Godard. Il propose de réaliser plusieurs ascensions dont certaines avec des trapèzes, rendant l’évènement toujours plus périlleux et encore plus fascinant. D’un autre côté, Roussiot se propose de réaliser un spectacle aérostatique, qu’il complète par la distribution de dragées, de bouquets de fleurs ou encore d’un ballon portant une couronne de feu, un aigle ou encore un N couronné, en l’honneur de l’empereur. Cette concurrence effrénée à laquelle se sont livrés les aéronautes prête à sourire quand on sait qu’elle n’a pas eu de suite. Napoléon III ne vient finalement pas à Nantes, annulant la fête aérostatique.
La concurrence ne touche pas que les aéronautes. Les villes françaises souhaitent se montrer la plus innovante et la compétente en la matière ! En 1904 a lieu l’Exposition Internationale de Nantes, destinée à valoriser les nouvelles technologies et inventions industrielles. De nombreux vols de ballons ont lieu, une façon de montrer le dynamisme de la ville dans le développement des transports aériens. Un Village Noir est également proposé, comme une attraction. Il retenait 120 captifs essentiellement sénégalais.
Ascension du ballon « L’Exposition »
Date du document : 1904
Un tradition qui perdure
La région nantaise reste particulièrement appréciée des aéronautes. En 1983, à l’occasion du bicentenaire du premier vol humain, se tient le 6e Championnat du Monde de Montgolfières.
Championnat de montgolfières de 1983
Date du document : 1983
Du 26 août au 4 septembre 1983, la ville de Casson accueille ainsi 85 concurrents représentant 22 nations différentes, de l’Espagne au Japon ou encore du Canada au Brésil ! Au total, ce ne sont pas moins de 50 000 spectateurs qui se pressent pour assister aux diverses épreuves et festivités, une preuve s’il en fallait une, que les montgolfières nous font toujours rêver.
D’après les recherches d’Adeline Biguet, Archives de Nantes.
Léa Grieu
Direction du patrimoine et de l’archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2024
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Léa Grieu
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