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Groupe scolaire Jean Zay Statue du Général Mellinet

1933

Ancienne église Saint-Médard de Doulon


L’église Saint-Médard est un lieu sensible de l’histoire doulonnaise. Plus ancien bâtiment du village, elle est détruite en 1972 après plusieurs années d’atermoiements pour réparer des dégâts occasionnés par une tempête. Son histoire et toujours dans les mémoires dans anciens Doulonnais.

La naissance de Saint-Médard

Durant le 8e siècle ou au début du 9e siècle, des moines bénédictins provenant de l’abbaye Saint-Médard de Soissons, l’une des plus puissantes abbayes du royaume carolingien, fondent un monastère dédié à Saint-Médard sur le futur territoire de Doulon. En 936, Alain Barbe Torte, récemment devenu premier duc de Bretagne, donne à Jean, abbé de Landévennec, le monastère Saint-Médard.

Durant les 10e et 11e siècles, le monastère doit composer avec les seigneurs locaux car le territoire de Doulon est morcelé en de multiples petites seigneuries dont le fief a généralement été alloué à des particuliers par les ducs. L’un d’entre eux, le seigneur de Chamballan, fonde, sans doute au 11e siècle, une église au bourg de Doulon pour le bien des habitants. En tant que fondateur, il est propriétaire de cet édifice : il en possède les murs mais également (et surtout) les dîmes qui lui sont dues, les dons qui lui sont faits, etc. Cette fondation tend à prouver que le monastère ne remplissait pas de service religieux auprès des habitants et que ceux-ci n’avaient pas de lieu dédié où enterrer leurs morts.

Cette fondation de l’église par un seigneur est un fait courant jusqu’au 11e siècle et il est fréquent que les familles nobles les lèguent ou les donnent de leur vivant à des monastères pour le salut de leur âme. Ce fait explique que l’église ainsi que le cimetière et les dîmes appartiennent encore au début du 11e siècle à un « homme riche et puissant du nom d'Harscouët qui, c'est vrai, possédait par droit héréditaire la susdite église ».

À partir du début du 12e siècle, l’évêque de Nantes décide de récupérer ces possessions laïques pour en capter les biens et les rentes à son bénéfice. C’est ainsi qu’il obtient la concession de la propriété d’Harscouët en 1105 en échange de l’établissement de la règle de Saint-Augustin dans le monastère. Harscouët donne également aux nouveaux chanoines de Saint-Médard « toute cette terre, qui est entre le château de Saint-Loup et la terre Cummel ».

Le nouvel établissement recrute rapidement de nouveaux membres dans la noblesse locale désirant entrer en religion. C’est ainsi qu’il reçoit « Marin de Chesail, Raginondus de Capella et Pierre fils de Gerault le Noir ». Selon la coutume, ces hommes amènent avec eux des possessions qu’ils donnent au monastère. Marin donne à Saint-Médard une nouvelle église, celle de Chesail, un lieu-dit aujourd’hui situé sur la commune de Sainte-Luce avec la moitié de la dîme. L'évêque qui possède l'autre moitié la cède aux chanoines. Raginondus offre également une église, celle de « Capella », qui désigne vraisemblablement La Chapelle-sur-Erdre, ainsi que « le tiers de la dîme avec tout ce qu'il avait dans la chapelle ». À cette époque, le monastère est suffisamment riche pour acquérir en outre l’île « qui est appelée Chasteilon ».

Cette nouvelle prospérité explique le retournement de l’évêque de Nantes qui après avoir confié le monastère à l’abbaye de Marmoutier, près de Tours, en 1109, récupère les possessions doulonnaises pour suppléer à la baisse de ses revenus. Quinze plus tard, il confie Saint-Médard aux chanoines de la cathédrale de Nantes : l’ancien monastère devient alors un édifice paroissial. À cette époque, l’église de Saint-Médard est un bâtiment rectangulaire d’environ 20 mètres sur 11 mètres.

Une datation difficile du premier édifice

En 1892, Léon Maître, archiviste de la Loire-Inférieure, effectue des fouilles à la base des murs de l’ancienne église de Doulon et se persuade qu’il a identifié des substructions gallo-romaines. Il étudie l’édifice et, à la suite du décapage du crépi du pignon oriental, le date de l’époque carolingienne par comparaison avec l’appareil mixte de l’abbatiale Saint-Philbert-de-Grand-Lieu sur lequel il réfléchit depuis une dizaine d’années. Cette datation a été par la suite  reprise, sans tenir compte des nouvelles analyses sur cet édifice emblématique et de sa chronologie complexe entre les deux phases de construction du chevet carolingien et la reconstruction de la nef, sans doute au 11e siècle, avec une utilisation de l’opus mixtum tuffeau/brique.

D’ailleurs, dans les Pays de la Loire, les études récentes menées par Jean-François Nauleau ont montré que la majorité des édifices qui utilisent la brique dans leur appareillage date des 10e et 11e siècles. Ces analyses encouragent à plutôt situer la construction de l’ancienne église de Doulon durant les 150 années où le monastère fut confié à l’abbaye de Landévennec.

Des modifications successives

Du Moyen Âge au 18e siècle, aucun document d’archives ne fait état de reconstruction ou de modifications importantes.

Au 13e ou au 14e siècle, l’édifice est carrelé de carreaux de terre cuite décorés et vernis. Une datation qui s’accorde avec les analyses des carreaux retrouvés en place.

Puis à la fin du 15e siècle ou au début du 16e siècle, elle est repeinte et reçoit un décor historié. En 1526, un nouveau lambris est posé et le seigneur du Ponceau appose à cette occasion ses armes sur les murs. C’est peut-être à cette époque qu’une tribune reposant sur deux piliers est mise en place le long du mur occidental.

Jusqu’au 18e siècle, l’église conserve son style et son décor médiéval avant d’être très transformée grâce à l’intervention du père Baudry qui sera recteur de la paroisse pendant 36 ans. En 1714, l’ancienne porte percée dans le mur nord pour permettre au seigneur de Chamballan d’entrer dans l’édifice via le presbytère est murée ; en 1721 le grand autel est peint et doré tandis que les petits autels sont ornés de boiseries, les crucifix sont refaits ; en 1747, une armoire peinte est faite par le menuisier Peigé pour abriter les nombreux ornements de l’église et placée près de l’autel Sainte-Catherine.

Malgré cette phase de reprise de la décoration, l’église subit de multiples petits désordres structurels (carrelage et lambris fatigués) qui sont amplifiés par la tempête du 14 mars 1751. Les dégâts de toiture sont alors si considérables que la fabrique est obligée de planifier les travaux sur cinq ans. François Busson et Pierre Deshulliers, couvreurs, sont engagés à faire « une avancée tous les ans le mieux qu’il leur sera possible et d’y faire un tour de latte chaque année à commencer par le haut de la couverture jusqu’au bas ».

Quelques années plus tard, en 1768, il est nécessaire de refaire le grand vitrail et de rétablir une partie de la charpente ; en 1769, la tribune appuyée sur le mur occidental courant le long du mur nord, à côté des fonds baptismaux est réédifiée. Deux piliers en bois de buis montés sur des socles en pierre soutiennent le nouvel ouvrage.

La plus grande modification apportée par le 18e siècle concerne le clocher. En effet, le curé Baudry fait remplacer le mur-peigne de la façade par un clocher-tour. Dès 1769, la structure charpentée de ce clocher donne des signes de faiblesse et doit être stabilisée. La même opération doit être refaite en 1819. Un demi-siècle plus tard, en 1862, le marteau de la cloche tombe pendant l’office. Il est donc proposé de descendre la cloche et de construire un nouveau clocher en charpente pour la replacer, en attendant que la question de la reconstruction de l’église soit tranchée.

La reconstruction du clocher se superpose à la question du transfert de l’église vers le quartier de Toutes-Aides, en discussion depuis 1844. En effet, l’église du bourg est trop petite pour la population totale du village et trop éloignée du quartier de Toutes-Aides, limitrophe de Nantes qui regroupe la majorité de la population doulonnaise. Cette question qui divise le conseil municipal et la population est finalement réglée par la création d’une seconde paroisse permettant à la municipalité de doter le quartier de Toutes-Aides de sa propre église.

Le projet de construction d’une tour de clocher en façade occidentale de Saint-Médard de Doulon est acté en 1866 et le chantier est lancé en 1867.

La destruction de l’église

Au début du 20e siècle, l’église fait l’objet de plusieurs projets de travaux : en 1900, il est proposé de refaire la voûte en lambris ; en 1909, la toiture doit être rétablie ; en 1936 la paroisse envisage le ravalement des façades, le remplacement du carrelage du chœur et la reprise des soubassements. Mais une grande partie de ces projets reste lettre morte à cause du manque d’argent.

Dès 1960, le curé de la paroisse demande l’agrandissement de l’église en raison du développement démographique du quartier. Sa demande n’aboutit pas.

Le 7 octobre 1963, la foudre s’abat sur le clocher et en fragilise la structure. Trois ans plus tard, le 22 juin 1966, une tempête particulièrement violente fait tomber la toiture du clocher et soulève de nombreuses ardoises. À la suite de ce sinistre qui n’a pourtant pas endommagé profondément l’édifice, la destruction de l’église fait l’objet de tractations : le curé et l’évêché y voient l’occasion de détruire et d’agrandir l’église du bourg tandis que la Direction Régionale des Affaires culturelles (DRAC) soutenue par la Société Historique et Archéologique refuse la démolition du plus ancien édifice de Nantes.

À la fin de l’année 1970, après quatre ans de statu quo, la Ville de Nantes acte avec l’Évêché  la destruction et la reconstruction de l’église tout en conservant le mur de chevet. En 1971, elle engage l’architecte Pierre Joëssel qui propose de réaliser une église de 650 mètres carrés pouvant accueillir 450 personnes. Mais le projet est mal construit et ne convainc pas le service instructeur de l’État qui s’interroge sur l’intérêt qu’offrira un mur ancien au milieu d’un édifice contemporain.

Pour empêcher la destruction de l’église, la DRAC lance une procédure de classement au titre des Monuments Historiques en urgence. Le 13 janvier 1972, l’église est détruite mais le mur de chevet est conservé. Le 7 avril 1972, afin d’accélérer la reconstruction et de surseoir à la procédure, la Ville détruit le mur de chevet et fait définitivement disparaître un édifice millénaire.

La nouvelle église

La destruction de l’ancienne église en 1972 permet de lancer des fouilles de sauvegarde sur le terrain et de retrouver des substructions qui font l’objet d’une procédure de classement.

Celle-ci suspend toute velléité municipale et épiscopale de reconstruction de l’église sur cet emplacement. Le projet proposé par Pierre Joëssel est abandonné : il ne donne pas assez de garantie pour la conservation des vestiges.

Pendant plus de treize ans, aucun nouveau projet n’est présenté.

Puis, en juin 1985 – presque 20 ans après la tempête – la Ville réactive le projet et lance un concours d’architecte. Quatre équipes candidatent et, au terme de la procédure, l’agence Pierre et Pascal Prunet est engagée. Le projet séduit également le jury par sa capacité à répondre à la notion de village : l’équipe propose de créer un ensemble de trois bâtiments (église, porche, bâtiment paroissial) reliés par un patio, en écho au module architectural des fermes et écarts locaux.

Afin de protéger le sol archéologique, le projet doit s’élever à la place de l’ancien jardin du presbytère, à l’est de l’ancienne église. La Ville achète en outre une nouvelle parcelle pour s’assurer que le terrain sera assez vaste.

Le 17 janvier 1988, le nouvel enclos paroissial est inauguré. Il se compose d’une église de plan carré à laquelle on accède par un porche hors-œuvre et d’un bâtiment paroissial comprenant une chapelle de semaine, une sacristie, deux salles de réunion. Les trois bâtiments s’organisent autour d’un patio triangulaire.

Julie Aycard
Dans le cadre de l’inventaire du patrimoine du quartier de Doulon
2021

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En bref...

Localisation : Pontereau (rue du), NANTES

Date de construction : 1988

Auteur de l'oeuvre : Prunet, Pierre et Pascal (architectes)

Typologie : architecture religieuse

En savoir plus

Bibliographie

Groupe de recherches historiques de la maison de quartier de Doulon, Une paroisse au quotidien. Histoire de Saint-Médard-de-Doulon des origines à nos jours, Saint-Sébastien, ACL, 1988

Héry Edmond, « La paroisse de Doulon sous l’Ancien Régime », dans Annales de Nantes et du pays nantais, n°141, 2e trimestre, 1996, p. 16-18

Lotton Anne-Marie, « L’ancienne église Saint-Médard de Doulon (Loire-Atlantique) », dans Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Atlantique, 2007, t. 142, p. 99-111

Maître Léon, « Considérations sur les origines de Doulon et de son église », dans Société archéologique de Nantes, 1904, p. 225-245

Russon Jean-Baptiste, « Aux origines de Doulon », dans Mémoires de la société archéologique de Nantes, t.100, 1961, p. 191-200

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Rédaction d'article :

Julie Aycard

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