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Confluence de l’Erdre et de la Loire


Jusqu’au premier tiers du 18e siècle, la gestion de la confluence de la Loire et de l’Erdre est limitée à la surveillance des denrées transportées par les gabarres et au prélèvement des taxes. Au 19e siècle, la construction du canal de Nantes à Brest, avec ses nombreux ouvrages d’art, facilite la navigation fluviale tout en protégeant les riverains des crues. Enfin, au 20e siècle, le comblement de la Loire et le détournement de l’Erdre entraînent le déplacement de la confluence.

Le rateau de l’embouchure de l’Erdre

En 1492, deux petites tours sont construites à l’embouchure de l’Erdre, la tour Sainte-Catherine et la tour du Rateau. Entre ces tours, une structure voûtée est lancée. Elle soutient un « rateau », grande grille de fer et de bois, mesurant environ 6 mètres de large et de haut. Cette dernière est actionnée au moyen de trois câbles enroulés à force d'hommes pour laisser entrer et sortir les bateaux. Les gabarres déposaient ensuite leurs denrées sur les cales installées à proximité comme le quai de l’Erdre, proche de Sainte-Catherine. Ce rateau est fréquemment endommagé par les crues et les réparations sont régulières.

Un pont et des quais

En 1744, la transformation du front de Loire avec la construction des quais Brancas et Tremperie fait disparaître les tours et le rateau. Ils sont remplacés par un pont en bois à une seule arche batelière. Ce pont accroît la perméabilité entre les deux cours d’eau et facilite l’entrée des gabarres de Loire. Il est remplacé en 1840 par un pont métallique.

Ces changements renforcent le trafic entre l’Erdre et la Loire. En 1791, Mathurin Crucy, architecte-voyer, projette l’aménagement de quais continus et de nouvelles cales parallèles à la rivière pour remplacer les petites cales perpendiculaires qui y existaient depuis le Moyen Âge. Celles situées à l’embouchure seront bâties au début du 19e siècle.

 

La construction d’une écluse

Pour autant, l’Erdre n’est toujours pas navigable. Malgré des études lancées en 1730 pour créer le canal de Nantes à Brest, ce n’est qu’en 1753 qu’un projet de prolongation de la navigation sur l’Erdre est lancé, sans doute inspiré par le projet d’aménagement de la Loire. Pour transformer la rivière, la Ville rachète, en 1753, les moulins de Barbin, avec leurs logements et leurs pêcheries  à l’évêque de Nantes ; puis, en 1757, elle achète aux Chartreux les droits de passage et de pêche que ceux-ci possèdent dans la rivière entre la chaussée de Barbin et les moulins des halles. Malgré les travaux, le passage entre la chaussée Barbin et la Loire est toujours empêché par la topographie qui oblige à installer une écluse au niveau de la chaussée de Barbin. En 1769, Gobert de « l’académie royale de Toulouse » propose un projet d’écluse avec une passe à bateaux adaptable selon la longueur de la barge.

Mais ce n’est qu’en 1823 que l’ouverture du canal de Nantes à Brest va permettre d’installer une écluse au niveau des halles. Celle-ci se compose d’un déversoir fixe de 8 mètres de large et d’une passe à bateau. Sa chute d’eau atteint 2,30 mètres. En 1912, un barrage mobile remplace le déversoir fixe pour permettre à l’eau de s’écouler plus rapidement en période de crue et protéger ainsi les riverains.

Le projet de détournement de l’Erdre

En 1926, des dragages intempestifs dans le bras de Pirmil ont déséquilibré la Loire. Dans le bras de la Bourse et celui de l’Hôpital, l’étiage connaît une baisse drastique qui met en péril les constructions riveraines. L’État, seul gestionnaire du fleuve et de ses berges, décide unilatéralement de combler les bras nord de la Loire afin de sauver les constructions. Ce comblement va modifier radicalement la jonction entre l’Erdre et le fleuve, puisque l’État ne peut engager ses travaux que si l’Erdre ne se jette plus dans le bras de la Bourse.

Dans un premier temps, les ingénieurs du service maritime des Ponts-et Chaussées envisagent de faire déboucher l’Erdre dans le bras de l’Hôpital en traversant l’île Feydeau ou en créant un chenal dans le bras de la Bourse. Mais la décision de combler également le bras de l’Hôpital les obligent à trouver une autre solution. Ils reprennent donc à leur compte une idée proposée par deux fois au conseil municipal durant le 19e siècle : créer un grand bassin sur la place de la Duchesse Anne. Pour répondre à « l’infection des eaux de l’Erdre et les exhalaisons méphytiques en plein centre de Nantes » est évoquée l’idée de dévier l’Erdre en tunnel sous les cours Saint-Pierre et Saint-André jusqu’au pont de la Rotonde. Un nouveau point de confluence entre l’Erdre et La Loire serait alors créé, régulé par un barrage.

Pour la ville, ce projet a l’avantage de supprimer un obstacle à la circulation dans le centre-ville, de libérer 4 hectares pour la création d’une artère centrale (actuelle cours des 50 Otages), et de créer un aqueduc collecteur d’égouts enterré sur environ 2 kilomètres entre le quai Ceineray et la Loire. Pour autant, l’architecte de la ville Étienne Coutan demande aux Ponts et Chaussées d’apporter les améliorations suivantes au projet :
• Supprimer l’écluse du quai Ceineray, en établissant un barrage éclusé au lieu d’un barrage simple au canal Saint-Félix,
• Créer une chaussée 21 mètres de large (15 mètres de chaussée et 6 mètres de trottoirs) au pied du monument aux morts, en remaniant les murs de quai et les cales du quai Ceineray de manière à créer un bassin en amont du souterrain.

Étienne Coutan souhaitait également que le nouveau canal puisse circuler à ciel ouvert dans le cours Saint-Pierre mais le tracé, trop proche de la cathédrale, mettait en péril la structure de l’édifice.

La création d'une nouvelle confluence

En 1926, le bras nord commence à être comblé depuis la Bourse jusqu’à l’embouchure de l’Erdre dont le flot s’écoule alors à rebours, remontant derrière l’île Feydeau pour rejoindre le bras de l’Hôpital.

Déclaré d’utilité publique le 5 mai 1927, le détournement de l’Erdre porté par l’ingénieur Mabillaud est définitivement validé en 1930 et le percement du tunnel est lancé, dans la foulée, en avril 1930. Estimé à 25 millions de francs, le détournement de l’Erdre est inclus de justesse dans le plan Dawes, plan de compensation en nature par les entreprises allemandes des dégâts subis par la France pendant la Grande Guerre. L’entreprise Carl Brandt de Düsseldorf réalise donc « gratuitement » la percée depuis l’Erdre jusqu’à l’extrémité du cours Saint-Pierre. Le reste du chantier, financé par l’État, est confié à trois entreprises nantaises :
• Eugène Duclos : l’entreprise réalise la percée depuis la place de la Duchesse Anne jusqu’à la tête aval,
• François Bernard : elle effectue les travaux des quais et du bassin Saint-Félix,
• Les Établissements Paris : ils construisent l'écluse Saint-Félix.

La Ville finance l’aménagement et la réfection des nouveaux espaces de circulation.

Le canal souterrain réalisé mesure de 740 mètres de long et 7,70 mètres de largeur. Il est équipé d’une banquette de halage de 2,30 mètres et d’un tracteur de halage. Son fond est abaissé de 0,50 centimètres par rapport à l’étiage avait d’autoriser la navigation toute l’année.

Cette réalisation a nécessité l’extraction de 123 000 mètres cubes de rocher ainsi que le déplacement des tuyaux d’aspiration de la Compagnie des eaux qui étaient alors situés à Richebourg. Elle a rencontré de nombreux points de difficultés, comme le passage sous le monument aux morts ou sous la chaussée du quai de Richebourg avec ses lignes de tramway et sa voie ferrée. Elle a nécessité d’appliquer un revêtement à peu près continu sur la cuvette du canal Saint-Félix après la découverte de failles argileuses dans le rocher, l’emploi de caissons à air comprimé pour barrer les venues d’eau importantes lors du percement sous le quai de Richebourg et la construction d’un barrage éclusé en plein fleuve.

Le tunnel Saint-Félix est inauguré le 5 avril 1934. Le détournement de l’Erdre comme l’intégralité des opérations de comblement sont mal vécus par les Nantais.

Au terme de ces travaux, les eaux qui circulaient dans les bras nord et qui constituaient le onzième du débit de la Loire sont réinjectées dans le bras sud et l’embouchure de l’Erdre se substitue à un des bras ligériens amenant à son paroxysme la transformation du fleuve : un régime hydrographique pensé et créé par l’homme, une nature indélébilement bouleversée.

Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes / Nantes Métropole ; Service du Patrimoine, Inventaire général, Région Pays de la Loire
Inventaire du patrimoine des Rives de Loire
2021 (mis à jour en 2024 par Noémie Boulay)

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Dossier : Aménagement du fleuve et des rives de Loire

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Canal de Nantes à Brest

Tunnel Saint-Félix

Tags

Canal Comblement Erdre Estuaire et confluence Loire

Contributeurs

Rédaction d'article :

Julie Aycard, Julien Huon

Enrichissement d'article :

Noémie Boulay

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