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15 juin 1944 : la cathédrale sous les bombardements


La mémoire de la plupart des Nantais n’a retenu que les terribles bombardements du mois de septembre 1943 détruisant une partie du centre-ville et du quartier Decré, faisant de très nombreux morts et blessés. Pourtant d’autres journées tragiques ont endeuillé la ville comme celle du 15 juin 1944 dont furent victimes plusieurs personnes parmi lesquelles l’archiprêtre de la cathédrale et plusieurs paroissiens. La sacristie fut complètement anéantie et les chapelles du déambulatoire sud terriblement endommagées.

Le début du mois de juin

Du 28 mai à la fin du mois de juillet 1944, la ville de Nantes connut plusieurs bombardements. Le 28 mai, dimanche de la Pentecôte, les quartiers Dalby et Malakoff furent touchés par des bombes. Les 86 morts furent rassemblés au musée des Beaux-Arts, transformé en chapelle ardente. On déplora, par ailleurs, plus de cent blessés. Pour éviter des rassemblements prolongés et par mesure de sécurité, l’absoute fut donnée sur le parvis de l’église Saint-Clément.

Plan de la ville de Nantes et de sa banlieue et des zones sinistrées par les bombardements du 15 juin 1944

Plan de la ville de Nantes et de sa banlieue et des zones sinistrées par les bombardements du 15 juin 1944

Date du document : 1944

Au lendemain du débarquement en Normandie, les 7 et 8 juin, des bombes tombèrent sur Saint-Sébastien faisant 34 morts. Le vicaire de la paroisse, Raimbert, et sa domestique furent tués sous les décombres du presbytère ; le chevet de l’église et la sacristie furent en partie démolis. Les Nantais avaient certes appris l’arrivée des Alliés en Normandie mais les informations « officielles » diffusées par les journaux comme Le Phare de la Loire, insistaient sur les lourdes pertes « ennemies ». Ceux qui avaient pris le risque d’écouter « Londres » n’étaient pas dupes de ce type d’informations imposées par l’Etat-Major allemand, mais que savaient-ils exactement ? 

Le bombardement du 15 juin 1944

En ce début du mois de juin, l’Eglise de Nantes s’apprêtait à accueillir l’une des quatre statues de Notre-Dame de Boulogne, appelée aussi Notre-Dame du Grand-Retour. Ce mouvement de prière avait été organisé au niveau national pour demander le retour des prisonniers de guerre et le rétablissement de la paix. Le 4 juin, la statue arriva par la Loire à Ancenis ; elle fut accueillie par des milliers de personnes en présence de monseigneur Villepelet, de nombreux membres du clergé dont le curé Léon Poupard, archiprêtre de la cathédrale, natif d’Herblon, commune toute proche. La statue parcourut, par la suite, le diocèse et trouva refuge dans l’église Notre-Dame de Lourdes à Nantes, le 25 juin. Les ordinations furent célébrées dans cette même église, le 29 juin, dès 8 heures du matin. 

Ferveur au passage de l’une des quatre statues de Notre-Dame de Boulogne, dans un village entre Ancenis et Mauves-sur-Loire, le 4 juin 1944

Ferveur au passage de l’une des quatre statues de Notre-Dame de Boulogne, dans un village entre Ancenis et Mauves-sur-Loire, le 4 juin 1944

Date du document : Juin-Juillet 1944

Malgré la venue de cette statue, qui chemina à travers tout le diocèse, le climat était très pesant. La Fête-Dieu fut célébrée sans le moindre faste le 11 juin. Le matin du 15 juin, de bonne heure, les sirènes hurlèrent à nouveau. Chacun se dirigea vers des abris… Monseigneur Villepelet, l’évêque de Nantes s’apprêtait à célébrer la messe dans son oratoire à l’évêché. 

« Je prends le Saint Ciboire et descends dans la cave avec les deux religieuses de l’évêché. Sans retard les bombes commencent à tomber. Leur sifflement strident laisse croire qu’elles sont autour de nous. Un moment je crois même que l’évêché est touché : bruit de carreaux cassés, ébranlement, poussière noire. Dès l’accalmie je remonte et constate que si les bombes ne sont pas tombées sur la maison, ce fut tout près. […] Puis j’aperçois de la fumée en direction de la sacristie de la cathédrale. J’apprends aussitôt dans la rue que celle-ci est touchée, la sacristie en feu et M. le chanoine Poupard, archiprêtre, tué sous les décombres. Quelle émotion ! »

En effet, le chanoine Léon Poupard, curé de la cathédrale, se préparait à célébrer la messe quand la DCA, la lutte anti-aérienne allemande, se déchaîna contre les bombardiers alliés. L’archiprêtre attendit quelques instants dans sa chambre au presbytère, puis se risqua à aller se réfugier sous la cathédrale. Mais, au lieu d’aller comme d’habitude sous la crypte, il resta avec ses vicaires dans les sous-sols de la sacristie. Une bombe tomba juste sur la sacristie défonçant la voûte et souleva un des vicaires qui s’en tira avec quelques légères blessures. Malheureusement, elle déchiqueta le corps de l’infortuné archiprêtre en le projetant au bas de l’escalier. Trois paroissiens qui se rendaient aller à la messe furent tués au même instant : Marie Rivard, 46 ans, Jean Rivard, 17 ans et Michel Schwarz, 22 ans. La sacristie de la cathédrale était anéantie, ainsi que les voûtes des chapelles du déambulatoire. L’ensemble des vitraux furent pulvérisés sauf une partie de la verrière de la fin du 15e siècle, située derrière le grand orgue. Il ne reste que quelques vitraux de Merson et Pâris-Reby qui ont été reposés dans la chapelle du Sacré-Cœur.
 

La cathédrale en partie détruite par les bombardements

La cathédrale en partie détruite par les bombardements

Date du document : Juin 1944

Il y eut 19 morts dans le quartier de la cathédrale, notamment rue D’Aguesseau. Les obsèques des victimes du 15 juin eurent lieu dans l’église Saint-Similien, la seule grande église du centre de Nantes qui n’était pas endommagée. Il y avait quatorze cercueils alignés dans le bas de la grande nef. D’autres morts avaient été emmenés directement dans leurs paroisses d’origine ; et d’autres n’étaient pas encore retirés des décombres. Presque tous les prêtres de la ville étaient présents à la cérémonie mais « aucun de la campagne » n’avait pu venir. Les moyens de communication étant supprimés, les déplacements étaient devenus très dangereux.

Portrait du chanoine Léon Poupard

Portrait du chanoine Léon Poupard

Date du document : Juin 1944

Une plaque de rue rappelle le rôle du curé Léon Poupard, fondateur de la paroisse Notre-Dame de Lourdes. Une plaque sera prochainement apposée dans la cathédrale pour rappeler cet épisode si douloureux. 

Jean-François Henry
Association des Amis de la Cathédrale et de la chapelle de l’Immaculée
2025

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En savoir plus

Bibliographie

Roy Bernard, Les grandes heures de Nantes et de Saint-Nazaire, Paris, 1951.

Mgr. Villepelet, Jean-Joseph, Carnets de guerre, Archives Historiques du diocèse de Nantes.

Semaine religieuse du diocèse de Nantes, Novembre 1945, N°46.

Pages liées

Dossier : La Seconde Guerre mondiale à Nantes

Bombardements

Dossier : La cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul

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Decré - Cathédrale 2e GM

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Rédaction d'article :

Jean-François Henry

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