
Rues de Nantes, du 15e siècle à nos jours
15e siècle : dédale urbain
Le plan de la vieille ville reflète le rôle joué par la confluence de la Loire et de l’Erdre dans la constitution de l’espace urbain nantais. La diagonale formée par la route d’Angers-Paris prend la ville médiévale en écharpe, de la cathédrale située au nord-est du quadrilatère de l’enceinte romaine jusqu’à la place du Change près de l’Erdre. Là, elle rejoint les routes Nantes-Vannes et Nantes-Poitiers qui franchissent respectivement l’Erdre et la Loire. Cette diagonale est formée des Haute et Basse Grande Rue (les actuelles rues de la Marne et de Verdun) où, au 15e siècle, un équipage passe difficilement sans mettre les piétons en danger. Et pourtant ce sont des «maîtresses-rues » ! On imagine ce qu’il en est dans le reste du dédale urbain… Saillies et encorbellements du bâti accentuent encore l’étroitesse de voies dans lesquelles usages privés et publics se mêlent dans une promiscuité permanente.

Place Royale
Date du document : 1910
18e siècle : embellissement et ouvertures
Répondant à la poussée démographique, et grâce à la prospérité issue du grand commerce colonial, de profondes transformations urbanistiques bouleversent une ville d’aspect encore médiéval au début du 18e siècle. Entre 1720 et 1729, sous l’administration du maire Gérard Mellier, l’alignement des maisons de la Fosse est réalisé et le lotissement de l’île Feydeau est lancé. En 1742, l’ingénieur Charles-François Touros de Million redresse plusieurs rues des quartiers intra-muros. La démolition des murailles entamée en 1755 est poursuivie selon le plan d’embellissement dressé, entre 1761 et 1766, par l’architecte voyer Jean-Baptiste Ceineray et la ville close s’ouvre alors sur le fleuve et les quais. Mathurin Crucy, son successeur, articule le théâtre dont il est l’auteur avec l’espace urbain dans le nouveau quartier voulu par Jean-Joseph Graslin et conjugue, à travers un urbanisme aéré et des rues rectilignes, habitat, circulation, loisirs et affaires.
19e siècle : omnibus et trottoir
Les transformations de la rue au 19e siècle ne sont pas liées seulement aux élargissements conduits au nom des principes hygiénistes. L’éclairage au gaz, à partir de 1846, puis à l’électricité la sécurise et repousse les limites de la vie urbaine au-delà de la tombée du jour. Les omnibus, ces transports en commun hippomobiles inventés en 1826 par le Nantais Stanislas Baudry, disputent la rue aux piétons. Apparaissent alors des trottoirs et quelques panneaux de signalisation routière. En 1879, le tramway à air comprimé supplante l’omnibus et côtoie, sur les quais de la Loire, le train qui coupe la ville en deux d’est en ouest depuis 1853. Entre 1868 et 1877, la rue de Strasbourg est la seule percée « haussmanienne » réalisée parmi les voies prévues par l’architecte voyer Henri Driollet pour traverser la vieille ville et former, à leur jonction, une vaste place centrale.

Huile sur toile,  Place du Pilori 
Date du document : 1943
20e siècle : la rue comme espace urbain
Les années 1920 sont marquées par l’ouverture de la rue à l’automobile tandis que le plan d’extension, d’aménagement et d’embellissement relatif à l’application de la loi du 1er septembre 1919 insiste sur la création de « larges voies de communication pour permettre de satisfaire aux exigences d’une circulation toujours plus grande et plus rapide ». Mais, réduire la rue à une voie de circulation, c’est morceler l’espace urbain et oublier ses autres fonctions : habiter, échanger, partager un espace commun. Cet enjeu traverse le siècle, du traitement réservé aux espaces comblés jusqu’aux défis posés par le développement des banlieues en passant par ceux de la Reconstruction dans l’après-guerre. Il est au cœur de la campagne électorale de 1983, lorsque s’affrontent partisans du tout automobile et tenants du tramway. Dans un tout autre contexte il est présent, à la charnière des 20e et 21e siècles, à travers un aménagement de l’Île de Nantes entrepris à partir du traitement de ses « espaces publics ».
Se remémorant l’adolescent qu’il était, Julien Gracq dit de Nantes « qu’aucune ville n’était mieux faite pour désancrer de bonne heure une jeune vie, pour décloisonner le monde d’avance au-devant d’elle ». Désancrer et décloisonner : n’est-ce pas, par excellence, le rôle de la rue qui tient ensemble la mouvante diversité d’une « grande ville » et ouvre sur l’ailleurs en affranchissant le citadin de tout enracinement trop étroitement local ? Faut-il s’étonner qu’au moment où la ville fait le deuil de son port, l’écrivain retrouve dans ses rues un « air de liberté pareil à celui qui souffle dans une voile » ?
Jean-Pierre Branchereau, André Péron
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d'auteur réservés)
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Rédaction d'article :
Jean-Pierre Branchereau, André Péron
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