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Nantes la bien chantée : La jardinière de Nantes Tableau Le Christ entre Moïse et Saint-Jean-Baptiste

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Rue Lamoricière


Au 18e siècle, Nantes s’étend vers l’ouest en même temps que les activités portuaires et commerciales continuent de glisser vers l’aval. L’exemple de la réussite de Graslin va pousser des promoteurs à se lancer dans des opérations similaires.

La création du quartier de l'Entrepôt

Le quartier de Gigant occupe une place particulière dans le développement de la ville. Jusque dans les années 1780, il n’y a là que des champs et un vaste marécage, mais la proximité du port ne peut qu’encourager des spéculateurs à les urbaniser.

Les continuateurs de Graslin

En 1779, un premier projet porté par l’avocat au parlement Guellard du Mesnil, commissaire des poudres et salpêtres de la province de Bretagne est fraîchement éconduit par la municipalité. Le sieur du Mesnil cède alors ses droits trois années plus tard à Jean François Duparq, commissaire aux vivres de la Marine, associé au négociant François Mellinet.

Plan des terrains situés sur les rives droite et gauche de la Chézine, écrin du futur quartier de l'Enterpôt

Plan des terrains situés sur les rives droite et gauche de la Chézine, écrin du futur quartier de l'Enterpôt

Date du document : 1781

Homme d’affaires, François Mellinet (1741-1793) est un spécialiste de la minoterie. Il est l’inventeur d’un procédé de conservation de la farine par étuvage. Favorable à la Révolution, puis à la République, il fera partie des huit élus de Loire-Inférieure à la Convention où il se positionne parmi les modérés proches des Girondins. Il est le père du général Anne François Mellinet et le grand-père de l’éditeur Camille Mellinet et du général Emile Mellinet.

Un plan signé Crucy

Les nouveaux aménageurs confient à l’architecte Mathurin Crucy le soin de dessiner le plan du nouveau quartier, organisé autour d’un axe central, une large avenue plantée d’arbres, partant d’une place située en arrière des quais et desservant un lotissement en damier. L’avenue aboutit à une large place circulaire (l’actuelle place Beaumanoir), reliée directement à la rue de Gigant, ainsi qu’au quartier Graslin par une nouvelle voie dont la Ville envisage le percement (qui ne sera jamais réalisée) et au parc de Launay, alors propriété privée mais dont on peut déjà prévoir l’aménagement comme une extension logique.

Extrait du plan de la ville de Nantes dressé par l'architecte Coulon et représentant le nouveau quartier de l'Entrepôt

Extrait du plan de la ville de Nantes dressé par l'architecte Coulon et représentant le nouveau quartier de l'Entrepôt

Date du document : 1795

L’opération promet d’être extrêmement coûteuse : il va falloir drainer et remblayer les terrains marécageux pour les rendre constructibles et y tracer les rues qui doivent desservir les lots. Ce qui explique l’extrême réticence de la municipalité. Elle accepte cependant le 16 septembre 1786 d’inclure le plan de ce nouveau quartier au plan général de la ville, mais à la condition expresse qu’elle ne sera chargée d’aucune dépense, le terrain des rues et des places, leurs remblais et pavés, les chaussées, ponts, aqueducs étant à la charge exclusive des lotisseurs.

Un entrepôt pour les cafés

Pour marquer le démarrage de l’opération par un signal fort, Duparq, Mellinet et Crucy décident dès 1784 d’édifier un grand entrepôt des cafés, denrée coloniale dont le trafic est alors en plein essor sur le port de Nantes. Cet emblématique entrepôt, qui va donner son nom à l’avenue centrale du lotissement (chaussée puis rue de l’Entrepôt avant d’être nommée rue Lamoricière en 1874) et à l’ensemble du nouveau quartier.

Lorsqu’éclate la Révolution de 1789, qui vient considérablement ralentir les quelques travaux déjà entrepris, le lotissement est encore à l’état embryonnaire. Mis à part l’entrepôt, on n’y compte que quelques édifices le long des rues Chevert et Fabert et au début de la future rue Lamoricière. Il faudra tout le 19e siècle pour que l’urbanisation de l’ensemble du quartier se fasse

Le vieux projet prend forme

Pour les associés, l’affaire s’avère financièrement désastreuse. Au décès de Mellinet en 1793, Duparq obtient ses parts de l’entrepôt et l’entière propriété des terrains destinés au lotissement. En 1828, les héritiers Duparq vendent à leur tour leurs parts au raffineur Alcide Lemercier. En 1839, est approuvé un nouveau plan d’ensemble de la ville de Nantes, qui apporte, pour le quartier de l’Entrepôt, des modifications au plan de 1786 : quelques rues sont supprimées, d’autres déplacées ou réduites en largeur. Le cours de la Chézine lui-même est détourné et régularisé. Deux ans plus tard, le 29 octobre 1841, la mairie de Nantes, représentée par son premier magistrat Ferdinand Favre, et MM. Lemercier et Crucy trouvent enfin un terrain d’entente. On se félicite de « l’établissement d’un nouveau quartier à l’Entrepôt au moyen de transactions amiables entre des particuliers et l’administration ». Une ordonnance royale de 1844 avalisera cette transaction.

À partir de cette date, le vieux projet de valoriser la basse vallée de la Chézine va pouvoir prendre forme. L’aménagement du nord-ouest du lotissement sera fonction de l’urbanisation du parc de Launay et de la création de la place Canclaux : percement de la rue Alfred-Riom (anciennement rue Canclaux), aménagement à la fin des années 1850 de la place Catinat, qu’on appelait auparavant « la Queue de Morue »…

Malgré sa gestation laborieuse, il est frappant de constater que le quartier de l’Entrepôt s’est bon an mal an développé selon un plan assez proche de celui imaginé par Crucy à la fin de l’Ancien Régime.

Un quartier d’industries

Extrait du plan de la ville de Nantes

Extrait du plan de la ville de Nantes

Date du document : 1877

Dans la deuxième moitié du 19e siècle, le quartier va prendre sa double caractéristique de quartier résidentiel et surtout industriel. Il va accueillir les entreprises de plusieurs grands capitaines d’industrie nantais : la fonderie Voruz, la savonnerie Serpette, la fabrique de machines agricoles Lotz, ou encore les Papeteries Léon Clergeau reprises par la suite par l’usine de vêtements féminins Tricosa. Une centrale électrique va s’y installer dans les premières années du 19e siècle, et, palais de l’industrie automobile, un grand garage Citroën dans les années 1920. Dernier symbole de cette imprégnation ouvrière, une grande centrale syndicale aura ses locaux pendant plusieurs décennies rue Lamoricière, à proximité de la bourse du travail.

Philippe Bouglé
Groupe mémoire
2016

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En savoir plus

Bibliographie

Archives de Nantes, Du quai de la Fosse vers Mellinet-Canclaux, Ville de Nantes, Nantes, 2016 (coll. Quartiers à vos mémoires)

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Entrepôt des cafés

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Dervallières - Zola Lotissement Rue

Contributeurs

Rédaction d'article :

Philippe Bouglé

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