Rue du Chêne d'Aron
Les registres paroissiaux de Saint-Nicolas mentionnent de temps en temps une naissance, un décès, « sous le chêne », à la Fosse. La rue du Chêne, avant d’être coupée par la rue Dauphine de Monsieur Graslin, est une étroite ruelle particulièrement tortueuse qui part de la rue de la Fosse, grimpe sur le coteau et redescend au quai par la rue Lévêque. On y trouve une placette dite Sous le chêne. Ce chêne, c’est aussi un lieu de rencontre pour la jeunesse du quartier, ce qui agace fort les mères de famille qui craignent pour la vertu de leurs filles.
La famille Daron
Vers 1740, les frères Daron s’installent à Nantes, Jacques, Adrien, Louis… Ils arrivent de Fismes, située aujourd’hui dans le département de la Marne, à la limite de l’Aisne. Fismes est arrosée par la Vesle et son affluent l’Ardre. La ville a connu bien des malheurs : elle a été ruinée pendant la Guerre de Cent ans, et entièrement détruite par l’armée allemande lors de sa retraite en 1918. Les Fismois ont dû souvent émigrer. C’est la ville natale d’Albert Uderzo, bien connu des amis d’Astérix. Pourquoi ces gens du nord avaient-ils choisi Nantes comme point de chute ?
Fismes, au bord de l’Ardre
Date du document : début du 20e siècle
Un tourneur sur bois
Le 24 septembre 1743, le recteur de Saint-Nicolas marie un des trois frères, Jacques Daron, maître tourneur, chaisier, fils d’Antoine et de Barbe Lor, ou Delor. Une partie de son travail doit être consacrée au tournage des barreaux de chaises ; travaille-t-il aussi pour la marine ? Les tourneurs sur bois sont nombreux, à Saint-Nicolas ; les rôles de la capitation nous disent que cette profession ne conduit pas à la grande fortune ; lorsqu’ils sont soumis à cet impôt, les tourneurs du quartier paient le minimum : une livre par an, une livre et demie… Avec ses 2 livres et demie d’imposition en 1750, l’entreprise de Jacques Daron semble être une des plus rentables de la profession. Jacques Daron est né à Fismes le 29 octobre 1712, où il a été baptisé sur les fonts de l’église Sainte-Mâcre. À Nantes, il épouse Louise Châtelain, fille de Pierre Châtelain, lui aussi tourneur, et de Louise David ou Douaud selon les actes. Louise Châtelain a-t-elle pour ancêtre ce Guillaume Douaud, tourneur, signalé dans le quartier en 1697 ?
Rue du Chêne
Date du document : 06-07-2016
Généalogie
La famille Daron a souvent eu les honneurs du registre paroissial de Saint-Nicolas. Le 20 décembre 1750, on baptise leur fille Jeanne. Le 10 octobre 1751, Jacques Daron, domicilié sous le chesne, est parrain de Jeanne, fille de Jacques Boissière et de Jeanne Delaunay. Le 29 novembre 1755, il est parrain de Jacques Dubuisson, né rue du Chesne. Le 7 mars 1756, on baptise Marguerite, fille de Jacques Daron et de Louise Châtelain, à la Fosse. Le parrain et la marraine sont Jacques et Louise Daron, frère et sœur de l’enfant. Le 19 juin 1761, c’est le baptême de Claude-Casimir, fils de Jacques Daron et de Louise Châtelain, domiciliés à la Fosse. Le 8 avril 1787, une Jeanne Daron, qui a épousé Jean Seguin, tourneur, rue du Chêne, met au monde Claude ; le parrain et la marraine sont Claude et Marie Daron. Le 15 août 1787, un vicaire de Saint-Nicolas enregistre la sépulture de Jacques Daron, 75 ans, maître tourneur, époux de Louise Châtelain. Sa veuve le suit peu après dans la tombe ; Louise Châtelain est inhumée le 21 janvier 1788.
Claude-Casimir va succéder à son père. Le 13 avril 1790, il est témoin du mariage de Michelle Marchaisse, il y est dit tourneur ; le 1er juin 1790, il est à nouveau témoin d’un mariage, celui de Pierre Benoist, tourneur. Le 18 juillet 1790, il a 29 ans ; il épouse Guillemette-Jacqueline-Hélène Gouais-Lanaud, de Morlaix. Le 9 juillet 1792, la sœur de Claude-Casimir, Jeanne Daron, épouse de Jean Seguin, tourneur, met au monde François, né rue Duchesne. Le parrain est François Daron, oncle de l’enfant.
Les registres de Saint-Nicolas permettent aussi de suivre la trace d’Adrien, un des frères de Jacques. Adrien est pannereux (vannier), rue de la Clavurerie. Il a épousé Luce Vitet, et le 27 novembre 1750, on baptise leur fille Marguerite-Luce.
Rue du Chêne-d’Aron
La famille Daron a donc tellement marqué sa présence dans cette rue ? Le 6 octobre 1792 apparaît pour la première fois dans le registre de Saint-Nicolas un domicile situé « rue du Chêne d’Aron ». Un plan de Nantes de 1795 (plan Coulon) la nomme « rue d’Aron ». Mais c’est la dénomination « rue du Chêne d’Aron » que cette voie (le peu qu’il en reste) conservera jusqu’à nos jours. Elle a été coupée par la rue Dauphine, devenue la rue Jean-Jacques-Rousseau. « Sous le Chêne », nous dit le registre de la capitation de 1788, il ne reste plus que sept contribuables, dont le tourneur Jean Seguin. La partie située entre la rue Jean-Jacques-Rousseau et la rue de la Fosse s’est nommée « rue Geslin » ; elle est encore visible : un étroit couloir en équerre, fermé à ses deux extrémités par des grilles, dominé par de hauts immeubles. De la rue du Chêne-d’Aron, il ne reste qu’une courte portion, donnant accès à l’école maternelle. En effet, elle est surtout connue aujourd’hui par son école publique, programmée en 1874, ouverte en 1883.
École publique du Chêne d’Aron
Date du document : 28-05-2016
L’architecte Antoine Demoget en avait dessiné le plan, un élégant bâtiment de trois niveaux ; les niveaux 1 et 2 abritaient chacun deux classes, et le troisième était composé d’une cinquième classe et d’un vaste appartement destiné au directeur de l’établissement. Détruite par les bombardements pendant la Seconde Guerre mondiale, l’école a été reconstruite sur ses ruines. Pendant de nombreuses années, elle a été une « école d’application », où les jeunes enseignants venaient apprendre le métier auprès de leurs aînés.
Louis Le Bail
2018
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Bibliographie
Macé François , Les écoles primaires de Nantes : petite histoire événementielle et illustrée des créations scolaires depuis 1800, ACMENELA, 2015
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Rédaction d'article :
Louis Le Bail
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