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Nantes la bien chantée : La Marine de Loire


Remonter la Loire en chanson ou, pour mieux dire, le temps d’une chanson, pose le problème des très nombreuses communes qu’il conviendrait de citer. L’auteur de cette chanson, peu charitables envers les mariniers de canaux, n’a bien-sûr pas oublié de citer Nantes, qu’il situe un peu grossièrement à l’une des extrémités. Les nazairiens apprécieront…

Nantes, dans le texte

En sa qualité de première grande cité du parcours, la ville de Nantes apparaît dès le premier couplet. Au-delà du choix de commodité qui a incité l’auteur à partir de Nantes plutôt que Saint-Nazaire, cette mention d’apparence modeste a toutefois le mérite de rappeler le lien intime, voire viscéral, entre la cité des ducs et le fleuve qui la traverse et qui prend d’ailleurs en ces lieux, le surnom de « Rivière de Nantes ». En mentionnant dès l’entame la ville de Roanne, le texte pose également d’entrée le décor qui sera celui de l’ensemble du récit.

De bas en haut

Cette chanson fut écrite à la gloire des mariniers de Loire où qu’ils puissent œuvrer sur le fleuve. On peut imaginer que le slogan qui fait office de refrain - et réciproquement - peut prêter à sourire chez les marins de haute mer mais qu’importe. Laissons à tous ces marins d’eau douce la liberté de s’auto-flagorner dans la joie. Mais plus encore qu’une chanson à la gloire des mariniers qui la parcour(ai)ent dans les deux sens, c’est avant tout une chanson sur la Loire elle-même.

Ce qui, à mon sens, constitue le principal intérêt de ce texte, qui n’est certes pas un chef-d’œuvre de littérature, c’est qu’il porte l’idée, le souvenir d’une Loire comme essentielle voie de communication pour l’ensemble de la France, notamment sous l’ancien régime et jusqu’au milieu du 19e siècle. La Loire communiquant avec la Seine par le Canal de Briare, les mariniers permettaient et entretenaient donc la circulation des hommes et des marchandises dans une grande partie du royaume, de l’Atlantique aux frontière de l’est, ou peu s’en faut. Ici comme ailleurs et, osons le dire, aujourd’hui comme hier, les échanges commerciaux motivaient aussi les échanges culturels, et réciproquement !

Si la contribution des marins à la circulation des chansons n’est plus discutée, on oublie trop souvent de créditer les mariniers qui ont largement contribué aux échanges culturels, traditions et usages qui accompagnaient leurs chansons. La Loire fut donc aussi et pendant des siècles, une voie de transmission d’un répertoire qui fait aujourd’hui la joie de biens des musiciens et chanteurs à « casquette-en-drap-foulard-autour-du-cou-pantalon-de-velours-côtelé-et-roule-Simone ! ». Vous savez, de ces groupes de braillards qui fotn la joie et le cauchemar de nos soirées moules-frites.

Cela dit en passant, La Garonne ou le Rhône peuvent en dire autant, mais assumons la liberté d’exprimer un raisonnable chauvinisme, somme toute bien innocent.
Les mariniers formant eux-mêmes une puissante corporation – notamment aux 17e et 18e siècles -, ils côtoyaient d’autres travailleurs au cours de leurs périples qui, eux-mêmes étaient détenteurs de traditions et coutumes, donc de chansons et il y a fort à parier que la transmission connut ainsi de grandes heures lors des étapes.

La chanson semble datée du milieu du 19e siècle, 1880 au plus tard. Elle est construite sur le principe d’une énumération de villes et régions que les navigateurs avaient tout le loisir de contempler depuis leurs embarcations. Précisons au passage que cette énumération n’est pas toujours géographiquement correcte si l’on pose le principe qu’il s’agit d’une remontée de la Loire, mais enfin, passons.

En mentionnant Nantes et Roanne dès le premier couplet, le texte souligne fort logiquement les deux ports commerciaux qui se situaient à chacune des extrémités. Celui de Roanne est peut-être moins connu mais il fut d’une importance capitale et d’ailleurs son activité commerciale ne s’arrêta qu’au tout début des années 1990.

On trouve aussi dans le premier couplet une expression assez mystérieuse pour le néophyte que je suis mais il semblerait bien qu’elle évoque un type de voyage à plusieurs embarcations, navigant

bord à bord (de couple ou couplage) ou à la file (de train), dans les deux cas liées entre elles par des amarres. Je ne doute qu’il se trouvera parmi les lecteurs de ces chroniques quelque amateur fort éclairé qui partagera ses connaissances sur ce sujet.

Le deuxième couplet comporte également une coquetterie, notamment au 4e vers. Ce vers pose question sur son sens véritable, à plus forte raison parce qu’il n’apparaît pas toujours sous cette forme selon les versions auxquelles nous sommes confrontés. On peut entendre cette expression comme une altération de « la bourde », perche de bois qui permettait de faire avancer le navire. Dans ce cas, le plus probable à mon sens, il faut entendre : « A la toile, à la bourde, en avant ! ». Raoul Toscan se remémore cette chanson en retranscrivant ainsi ce vers : « La toue à la berne en avant »

Là encore, je laisse le soin aux spécialistes d’apporter leur arbitrage et me laver de mes doutes…

Hugo Aribart
Dastum 44
2019

(remerciements à Guy Bienassis)

Partant des deux extrémités
De Roanne ou de Nantes
La Loire est toute sillonnée
D’nos équipes bruyantes
Soit de couplage, soit de train
Amis, chantons ce refrain

REFRAIN
Non, non, y’a pas de marine
Dans tout l'pays assurément
Qui vaille la marine
De la Loire, vraiment

À Nantes, à Ancenis, Oudon
On voit nos belles flottes
Surtout lorsque le vent est bon
Cela nous ravigote
A toile, à bourine, en avant
Les balises vont, nous dirigeant

De Saint-Florent aux Ponts-de-Cé
Une grande distance
Saumur, Chapelle-Blanche et Couzé1
L'plus beau pays de France
Et aussi la ville de Tours
Amboise et ses alentours

Passé Pouilly, Cosne et Neuvy
On arrive à Briare
Saint-Brice-en-Gien, et puis Sully
Châteauneuf2 c'est la gare
Sans oublier Jargeau
Pays agréable et beau

À Briare, y’a les deux marines
Du canal et d'la Loire
Ceux d'la Loire ont leurs bonnes mines
Ceux du canal la gueule noire

 

 

 

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En savoir plus

Bibliographie

Sénotier Annick et Villiers Patrick, Une histoire de la marine de Loire, éditions Grandvaux,1998

Toscan Raoul, L’épopée des mariniers de la Loire, Ortès, édition Pyrémonde, 2006
 

Discographie

Le Vraux, Denis et Garret, Bernard, Chants des marins Nantais, Ar Men - Le Chasse-Marée, 1994, plage N° 16

Vent de Galerne, Vire au guindas, autoproduction, 1996, plage N° 14

Cabestan, Chants des mariniers, Le Chasse-Marée, 1996 ou 1997, plage N° 8

Enregistrement

Jad’Hisse, le 21 août 2018 à Pornic, assemblage de plusieurs versions

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Tags

Loire Musique Nantes dans la chanson

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Rédaction d'article :

Hugo Aribart

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