Gabares
À la confluence entre Loire, Erdre et Sèvre et à la jonction entre Océan et bassin ligérien, le port de Nantes accueille jusqu’au 19e siècle une flottille de bateaux fluviaux : toues, fûtreaux, « culs-de-poule », sapines… et gabares. En effet, outre un robuste bâtiment de transport parfois utilisé pour les explorations maritimes ou un bateau de servitude en usage dans les rades et les ports, la « gabare » désigne aussi une embarcation alors employée dans les bassins fluviaux de la façade atlantique.
Elle présente les traits caractéristiques des « chalands » de Loire qui assurent l’essentiel du trafic entre la mer et Orléans : bords montés à clins, fond plat offrant un faible tirant d’eau, proue à « levée » facilitant l’échouage, mât unique portant une grande voile, et ce curieux gouvernail triangulaire – la piautre – qui stabilise l’embarcation. Tandis que les sapines non mâtées des « pays hauts » descendent le fleuve pour un unique voyage avant d’être « déchirées », les gabares peuvent naviguer « à la remonte », poussées par le « vent de galerne ». Bancs de sable, courants capricieux, piles de ponts mettent à l’épreuve les mariniers et leurs embarcations souvent reliées en « équipe », avec un chaland de tête appelé « mère » et d’autres unités de tailles et voilures décroissantes. Blé et vin, sel et poissons forment le socle d’un commerce traditionnel qui entre en crise au 17e siècle, incitant les Nantais à intégrer de nouveaux circuits d’échanges.
Nantes s’ouvre alors vers le large jusqu’à devenir, au siècle suivant, un grand port d’armement atlantique et colonial. Si les « chalands » sont nécessaires pour transporter à faible coût les denrées exotiques à l’intérieur du pays, l’appellation « gabare » est parfois réservée aux embarcations indispensables au fonctionnement du « complexe portuaire » alors formé par Nantes et Paimbœuf. C’est ainsi qu’un album de 1679 attribué à Jean Jouve précise que celles-ci, jaugeant de 30 à 50 tonneaux et adaptées au trafic fluvio-maritime, « ne servent que pour aller à Painbeuf décharger et recharger les vaisseaux tant estrangers que ceux du lieu qui ne peuvent monter pour le peu de profondeur de la rivière ».

 Saint-Jacques, pont de Pirmil 
Date du document : 1850
Au 19e siècle, le chemin de fer porte un coup fatal à la marine de Loire. Celle-ci n’ayant guère laissé de plans de ses bateaux, c’est en s’appuyant sur des travaux d’archéologie fluviale croisés avec le savoir-faire traditionnel de charpentiers et de mariniers que l’ex-écomusée de Montjean-sur-Loire, réalise, en 1989, la reconstitution d’une gabare, la Montjeannaise, visible depuis lors aux Rendez-vous de l’Erdre.
En 2009, une barge fluviale automotrice à conteneurs portant le nom de Marfret Gabare ouvre une liaison entre Cheviré et Montoir-de-Bretagne. Malgré son échec, la relance d’un transport fluvial sur l’estuaire, dans le sillage des anciennes gabares, n’a peut-être pas dit son dernier mot.
André Péron
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2013
(droits d'auteur réservés)
En savoir plus
Bibliographie
Peron André, « Gabare », Place publique Nantes Saint-Nazaire, n°19, janvier-février 2010, p. 72-73
Villiers Patrick, Sénotier, Annick, Une histoire de la marine de Loire, Grandvaux, Brinon-sur-Sauldre, 2000
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André Péron
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