Cimetières
Occupant souvent des sites funéraires païens, établies hors les murs selon un usage qui tenait les morts éloignés des villes, des nécropoles de l’Antiquité tardive et des débuts de l’époque mérovingienne ont fait à Nantes l’objet de fouilles à la fin du 19e siècle et au tout début du 20e : au-devant de la porte Saint-Pierre et, plus à l’est, à l’emplacement de l’ancienne chapelle Saint-André et à Saint-Donatien, sans oublier Saint-Similien, sur la rive droite de l’Erdre.
Des nécropoles aux cimetières
Sur ces deux derniers sites, l’hypothèse de basiliques martyriales datant du 6e siècle est le plus souvent avancée. La présence de nombreux sarcophages tendrait à confirmer une inhumation ad sanctos permettant aux défunts de bénéficier de la protection des saints martyrs. Ces basiliques sont peu à peu englobées dans leur faubourg tandis que deviennent elles-mêmes lieux de sépultures les églises intra-muros et leur cour attenante appelée « aître », « charnier » puis « cimetière », mot savant qui devient d’un usage courant au 17e siècle.
Tombeau de la famille David, cimetière de la Miséricorde
Date du document : 31-10-2012
Selon l’historien Nicolas Travers, un grand cimetière, « probablement celui de la ville avant la division des paroisses », aurait existé près de la cathédrale là où, en 1617-1618, deux cimetières distincts sont transformés pour créer la place Saint-Pierre. Au début du 17e siècle, outre la cathédrale, la collégiale Notre-Dame, les couvents et les paroisses extra-muros de Saint-Donatien, Saint-Similien, Saint-Clément et Saint-Jacques, les églises des dix paroisses intra-muros – dont huit existent depuis le 12e siècle au moins – accueillent les sépultures. Malgré l’interdit martelé par les conciles, les églises sont, jusqu’au 18e siècle, des nécropoles.
Détail du tombeau de la famille David, cimetière de la Miséricorde
Date du document : 31-10-2012
Les paroissiens inégaux devant la mort
L’historien Alain Croix rapporte comment, en 1642, l’évêque de Nantes, tout en réservant a priori l’inhumation dans l’église aux élites, « en prévoit la possibilité pour tous les paroissiens qui feront legs d’au moins un écu ». Mais l’emplacement de la sépulture en conditionne le coût et c’est dans le chœur qu’il est le plus élevé. Le même historien souligne comment la sépulture dans les couvents, strictement aristocratique au 15e siècle, le reste encore majoritairement au 17e siècle, les plus aisés choisissant le couvent des cordeliers et les plus modestes celui des carmes, tandis que se développe une individualisation de la sépulture qui va de pair avec la propriété d’une fosse familiale dans l’église.
Les pauvres, eux, n’ont d’autre choix que le cimetière. Dans celui créé pour eux, en 1411-1412, à Sainte-Croix, Nicolas Travers constate qu’à son époque encore – vers 1750 – « on n’enterre guère que ceux qui n’ont pas laissé de quoi payer à la fabrique l’ouverture d’une fosse à l’église ». Au début du 18e siècle, les habitants ont conservé l’habitude d’y faire paître leurs animaux et d’y jeter leurs déchets. Nicolas Travers signale aussi comment, le 21 octobre 1591, la Ville décide de créer un « charnier» – une fosse commune – pour les pauvres dans le cimetière de l’hôpital Sainte-Catherine. En 1655 et en 1665, les protestants, privés des cimetières qui leur ont été accordés au début du siècle (à Richebourg et à la Ville-Neuve, outre celui de la motte Saint-André) ne se voient proposer qu’un terrain situé près de ce cimetière des pauvres qui jouxte lui-même celui des suppliciés…
Tombe de Serge Danot, cimetière de la Bouteillerie
Date du document : 04-11-2012
18e siècle : considérations d'hygiène
C’est encore Nicolas Travers qui relate comment, en 1583, le bureau de Ville décide que les victimes de l’épidémie en cours ne pourront être enterrées dans les églises. Mais c’est au 18e siècle que l’église-nécropole en tant que telle est mise en cause pour des raisons d’hygiène. En 1719, un arrêt du Parlement de Bretagne y interdit les sépultures, tout comme la déclaration royale de 1776 qui prévoit aussi le transfert des cimetières à l’écart des habitations. Si les résistances sont vives, ce sont les paroissiens de six paroisses intra-muros qui, en 1760 et avant la déclaration royale, demandent eux-mêmes la création d’un cimetière commun car ils manquent d’espace pour enterrer leurs morts. D’où l’ouverture, en 1774, de celui de la Bouteillerie. Tandis que les anciens cimetières paroissiaux intra-muros disparaissent, trois lieux d’inhumation sont ouverts pendant la Révolution : près de la chapelle de Miséricorde en mai 1793, puis près de la route de Rennes et près de celle de Clisson. Le cimetière de Saint-Donatien, vendu comme bien national en 1796, est racheté en 1802 par les paroissiens. Sa chapelle Saint-Étienne, édifice datant partiellement du haut Moyen Âge, sera inscrite au titre de Monument historique en 1984.
Quinze lieux d'inhumation : une particularité nantaise
Le 19e siècle est marqué par l’échec des tentatives faites pour créer, en conformité avec le décret du 12 juin 1804, un cimetière général en périphérie urbaine et à distance des habitations, d’où d’incessantes et problématiques extensions des cimetières existants, de plus en plus incrustés dans le tissu urbain. L’ouverture de celui de Saint-Joseph-de-Porterie, en 1846, et de ceux de Sainte-Anne, en 1849 et 1898, est liée à la création de nouvelles paroisses. Les deux cimetières de Doulon et les trois de Chantenay intègrent l’espace communal nantais lors de l’annexion de ces communes en 1908. Dans l’entre-deux-guerres, deux nouveaux cimetières sont créés au nord de la ville : celui de la Chauvinière en 1934 et celui du Pont du Cens en 1936. Dans le premier sont inhumés les victimes des bombardements de septembre 1943, des résistants, des militaires morts au combat… Un monument y fait mémoire des morts de la Seconde Guerre mondiale privés de sépulture. Le second contient un carré militaire britannique.
La suppression, en 1980, des concessions à perpétuité au profit de concessions temporaires et surtout l’installation en 1989 d’un crématorium dans le cimetière-parc d’environ 50 hectares, ouvert en 1979 au nord de la ville, résolvent l’épineux problème des espaces disponibles. En 2012, un Nantais sur deux choisit la crémation, et Nantes Métropole projette la réalisation d’un autre crématorium, dans le Sud-Loire, à Saint-Jean-de-Boiseau, tandis que le développement des obsèques civiles s’accompagne d’une forte demande de construction de Maisons des adieux. Face à des villes comme Rennes ou Angers qui disposent de trois cimetières, Nantes affiche sa singularité avec ses quinze lieux d’inhumation, dont deux des plus grands – la Bouteillerie et Miséricorde, en quelque sorte le Père Lachaise nantais – sont toujours implantés au cœur même de la ville.
André Péron
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2013
(droits d'auteur réservés)
En savoir plus
Bibliographie
Des lieux de mémoire : les quinze cimetières de Nantes, Ouest-éd., Nantes, 1990
Lassère Madeleine, « Les cimetières de Nantes au 19e siècle : un impossible transfert », Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, n°101/4, 1994, p. 59-71
Webographie
Page de la Ville de Nantes sur ses cimetières
Registre des inhumations des Archives de Nantes
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Rédaction d'article :
André Péron
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