Cimetière Saint-Jacques
Situé le long du boulevard Joliot-Curie, le cimetière Saint-Jacques est créé en 1794, ce qui en fait l’un des plus anciens cimetières nantais encore ouvert.
La création d’un cimetière en question
Avant la création d’un cimetière durant la période révolutionnaire, le faubourg Saint-Jacques comptait plusieurs lieux d’inhumation, principalement situés près de l’église du prieuré Saint-Jacques de Pirmil. Il était alors de coutume d’enterrer les défunts dans des cimetières paroissiaux près des églises, au cœur de la cité, et même dans les édifices pour les plus privilégiés. Au 18e siècle, la pensée hygiéniste entraîne une évolution des rapports des vivants aux morts. Le 10 mars 1776, le roi de France Louis XVI interdit d’enterrer les défunts dans les églises pour des raisons de salubrité publique. Il incite également à agrandir ou à éloigner les cimetières paroissiaux des habitations.
À partir de 1789, la Révolution française entraîne son lot de réformes. Le 7 janvier 1790 paraît un décret créant les communes. Dans la continuité de cette décision, les faubourgs Saint-Jacques, Pirmil, Dos d’âne et Vertais quittent le giron de la commune de Saint-Sébastien-sur-Loire pour être rattachés à Nantes en mars 1790. L’église Saint-Jacques et ses cimetières sont ensuite vendus aux enchères dans le cadre de la nationalisation des biens du clergé à un dénommé Guyot. L’année suivante, les autorités municipales procèdent à un nouveau découpage des paroisses nantaises. La paroisse Saint-Jacques est créée à cette occasion.
En 1792, les délibérations du conseil municipal rapportent que M. Guyot demande à ce qu’il soit interdit aux habitants de la paroisse d’entrer dans sa propriété pour accéder aux cimetières. Le conseil exige que la vente des cimetières à M. Guyot soit annulée et évoque la création d’un lieu d’inhumation « de grandeur convenable à la population et située à la distance prescrite par la loi ».
En mars 1794, le projet de nouveau cimetière pour la paroisse Saint-Jacques est relancé. Une pétition dénonce les mauvaises odeurs provoquées par la saturation des cimetières de la paroisse. Cette pétition préconise la fermeture des sites funéraires et l’installation d’un nouveau cimetière hors des murs de la ville. Le Comité de surveillance des travaux publics approuve cette suggestion et propose d’installer le cimetière sur un terrain « situé à environ 50 toises du fort de Saint-Jacques du côté de Saint-Sébastien […] lequel terrain à une position tellement avantageuse que le vend de sud ne sera pas dans le cas de porter les exhalaisons qui en pourraient sortir ».
Un cimetière déjà saturé et manquant de sécurité
L’inhumation de défunts est attestée au cimetière Saint-Jacques à partir de cette période. Cependant, le nouveau cimetière n’est pas immédiatement cerclé de murs. En mars 1804, le conseil général de la fabrique de Saint-Jacques demande au maire de Nantes de faire construire des murs autour du cimetière situé route de Clisson afin d’empêcher les animaux d’y paître et de déterrer les êtres humains pour s’en nourrir : « Il est de la plus grande indécence de voir tous les jours les bestiaux y pacager, et même les animaux voraces se repaître des tristes débris de notre existence ». En 1808, un rapport alerte le maire de Nantes sur l’état de saturation des cimetières Miséricorde, Bouteille et Saint-Jacques suite à la fermeture des anciens cimetières paroissiaux en vertu du décret impérial sur les sépultures du 12 juin 1804. Malgré cette alerte, le projet d’agrandissement et de clôture du cimetière envisagé par la municipalité pour répondre à cette problématique n’aboutit pas.
Projet de porte d’entrée pour le cimetière de la route de Clisson
Date du document : 1810
Un premier agrandissement et une entrée digne de ce nom
En 1815, le site n’est toujours pas entouré de murs. Dans une lettre adressée au maire de Nantes, une personne signale que le cimetière est « ouvert de toutes parts aux personnes et aux animaux, et offre ainsi un champ libre à des accidents » et qu’il est régulièrement inondé. Le document précise qu’il devient d’autant plus nécessaire de le clore qu’un dépôt de mendicité a ouvert sur le site de l’ancien prieuré Saint-Jacques de Pirmil et que les personnes qui y décéderont seront vraisemblablement enterrées dans le cimetière de la route de Clisson.
Finalement, en mars 1816, la municipalité nantaise acte l’agrandissement du lieu d’inhumation qui accueille alors environ 100 dépouilles par an. Des terrains privés voisins sont achetés au mois de mai suivant. Cette extension doit permettre d’accueillir plus de 2 200 fosses, y compris celles creusées depuis la création du cimetière en 1794.
Félix-François Ogée fils, architecte de la ville de Nantes, dresse les plans pour le projet de clôture du cimetière. Outre l’élévation de murs, il est prévu de faire construire deux pavillons donnant sur la route de Clisson :
- Le premier sert de résidence au concierge,
- Le second d’abri accueille les convois funèbres en cas de mauvais temps.
Projet de clôture pour le cimetière de la route de Clisson
Date du document : 1816
Le cimetière est fermé par une grille, et la croix existante est mise au milieu du cimetière. C’est l’entreprise Perrodeau fils qui se charge des travaux, achevés au début de l’année 1817. Toutefois, une lettre de l’architecte-voyer de la ville, M. Ogée, signale au maire de Nantes certains problèmes de gestion liés au nouveau cimetière Saint-Jacques : les fosses n’étant pas délimitées par un remblai ou signalées par la présence d’une pierre tombale, la terre foulée fait émerger des cadavres. Il demande à ce qu’un gardien soit recruté rapidement pour entretenir les allées.
Une extension conséquente du cimetière Saint-Jacques
Dans les années 1840, le cimetière Saint-Jacques devient trop petit pour accueillir les corps des défunts : plus de 700 personnes y sont inhumées chaque année. En 1843, l’inspecteur-voyer de la ville interpelle le maire de Nantes : la situation du cimetière ne respecte pas les textes légaux en vigueur, un nouveau lieu d’inhumation doit être aménagé à proximité du cimetière actuel afin de suivre ces obligations. La translation du cimetière Saint-Jacques est actée afin de faire face aux besoins croissants de la paroisse. L’architecte de la ville Henri-Théodore Driollet dresse les plans du lieu d’inhumation projeté.
Ce projet tarde toutefois à se réaliser face aux résistances de quelques propriétaires riverains. Le 5 juin 1846, une ordonnance royale déclare la translation du cimetière Saint-Jacques d’utilité publique. La Ville de Nantes peut alors avoir recours à l’expropriation et l’achat afin d’acquérir plusieurs terrains voisins.
Plan du cimetière Saint-Jacques dans les années 1870
Date du document : Années 1870
Le nouveau cimetière ouvre ses portes vers 1850. De plan orthogonal, il est relié à l’ancien par une allée plantée. En son centre est érigé un calvaire en granit et pierre de Crazannes dessiné par Driollet. Le monument est sculpté en 1851 par Guillaume Grootaërs afin de remplacer l’ancien calvaire en bois qui tombait en ruine.
Calvaire du cimetière Saint-Jacques
Date du document : 08/04/2024
En 1932, une dalle mémorielle en marbre marque l’emplacement d’une tombe collective où sont enterrés les corps de 70 victimes non-identifiées du naufrage du Saint-Philibert. En 1937, les corps des victimes inhumés dans d’autres cimetières nantais et qui n’ont pas été réclamés par les familles pour être placés en concession sont transférés dans la tombe collective de Saint-Jacques.
Depuis 1850, le cimetière est agrandi à plusieurs reprises jusqu’à atteindre sa taille actuelle dans les années 2000 avec l’installation d’un funérarium au 39 boulevard Joliot-Curie. Depuis 1998, le cimetière est doté d’un colombarium dans lequel sont disposées des urnes funéraires.
Un lieu de recueillement propice à la biodiversité
Depuis 2022, la Ville de Nantes réalise de nouveaux aménagements au cimetière Saint-Jacques dans le cadre de son programme de végétalisation des cimetières, des espaces souvent très minéralisés. Ce projet participe à la lutte contre les îlots de chaleur urbains en profitant de la tranquillité et de la faible présence du bâti que ces lieux de recueillement clos offrent pour en faire des espaces de promenade au calme favorables à l’épanouissement de la biodiversité.
Dans la partie nord-est du cimetière Saint-Jacques, une mare a été créée dans un espace dont la typologie empêche l’installation de nouveaux caveaux. Une haie composée d’essences locales ainsi que des arbustes ont également été plantés. Ces aménagements ont vocation à devenir des zones d’accueil pour la faune, notamment les oiseaux (ex : rougequeues noirs), les amphibiens ou encore les insectes.
Comme dans d’autres cimetières nantais, plusieurs parcelles ont été plantées de bulbes et de fleurs des champs pour permettre aux visiteurs de cueillir une fleur pour son recueillement.
Espace libre cueillette de fleurs du cimetière Saint-Jacques
Date du document : 08/04/2024
Depuis les années 1980, Saint-Jacques possède plusieurs essences d’arbres peu communes dans les cimetières : un houx à feuilles de châtaigner, un tulipier de Virginie, un lilas de Perse, un oranger des Osages ou encore un arbre aux mouchoirs. Cette démarche de diversification se poursuit avec la plantation de nouveaux arbres.
Enfin, des plantes mellifères locales et spontanées (ex : trèfle, pissenlit, centranthe) ou encore des plantes résistantes à la sécheresse et au piétinement (ex : plantain corne-de-cerf) s’épanouissent dans le cimetière. Les prairies végétales accueillent des orchidées sauvages, des coquelicots ou encore des abeilles solitaires.
Noémie Boulay, Cécile Ayhan-Alexandre
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole ; Direction Nature et Jardin, Ville de Nantes
2025
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Noémie Boulay, Cécile Ayhan-Alexandre
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