Charette
La rue des Sept maires Charette, dans le quartier Monselet, et la notoriété de leur lointain cousin dans la contre-Révolution témoignent de la place sans égale de cette famille dans l’histoire de Nantes.
Une dynastie de maires
Ce lignage de noblesse de robe domine la vie politique nantaise pendant quasiment deux siècles sous l’Ancien Régime. Du milieu du 16e à la fin du 17e siècle, il incarne le loyalisme monarchique en s’opposant à la rébellion ligueuse ultra-catholique incarnée par le duc de Mercoeur en 1589 - 1598, en garantissant la sûreté de la ville lors des prises d’armes nobiliaires, puis protestantes de 1614 jusqu’à la chute de La Rochelle en 1628, en écartant Nantes de la Fronde de 1648 à 1653. Les Charette entretiennent leur prépondérance grâce au monopole de l’office de sénéchal, premier juge royal à Nantes, transmis de père en fils ou d’oncle à neveu de 1586 à 1740, mais aussi par une présence à la Chambre des comptes et au Parlement de Bretagne. Ils constituent, logiquement, la plus belle dynastie municipale d’Ancien Régime avec sept maires et un échevin de 1609 à 1676.
Avec le siècle des Lumières, le positionnement politique des Charette bascule dans l’opposition. Fervent janséniste, le sénéchal et président du présidial Louis IV Charette (1699-1740) entretient aussi des rapports conflictuels avec Mellier, subdélégué de l’intendant depuis 1710 et maire de Nantes de 1720 à sa mort en 1729. Cette résistance politico-religieuse contre l’abandon du traditionnel gallicanisme du Roi Très Chrétien trouve son prolongement dans la critique du despotisme ministériel, tant aux sessions des États de Bretagne qu’au sein du Parlement. Mise en perspective avec la symbolique du patronyme laissée par la mémoire de la Révolution, cette trajectoire antérieure nantaise et bretonne est un excellent révélateur des contradictions internes portées par la perspective absolutiste de la monarchie française.
Acte de décès de François-Athanase Charette, maire de Nantes
Date du document : 14-04-1796
Le contre-révolutionnaire
François-Athanase Charette, né à Couffé en 1763, fait irruption dans l’histoire nantaise le 29 juin 1793 en se retirant le premier de l’offensive menée par les Vendéens pour prendre Nantes. Il permet ainsi la victoire des républicains. Faute de s’entendre avec les autres chefs vendéens qui suivent Jacques Cathelineau, il se retire dans un véritable fief entre Legé et Belleville, et y échappe aux offensives républicaines. Ce succès et son panache lui donnent une image exceptionnelle qui dure jusqu’à aujourd’hui, y compris en alimentant les critiques liées à la véritable cour dont il s’entoure.
Cette situation bloquée conduit les deux parties, en janvier 1795, à signer un traité de paix à la Jaunaye, à Saint-Sébastien-sur-Loire : Charette entre à cheval dans Nantes aux côtés des représentants en mission de la Convention, pour une parade spectaculaire consacrant la paix retrouvée et la dénonciation des extrémistes accusés d’avoir entretenu les hostilités.
À la tête d’une véritable région autonome, reconnu comme lieutenant général du royaume et commandant en chef par le roi en exil, Charette n’est cependant pas soutenu par les émigrés en exil. Lorsqu’il reprend la guerre, en liaison avec le débarquement des émigrés en baie de Quiberon, en juin 1795, il est victime des dissensions dans le camp royaliste, de la fatigue de ses troupes, mais aussi de la politique de pacification de Hoche. Après sa capture, il est ramené à Nantes, où il est montré dans les rues avant son exécution, le 29 mars 1796, place des Agriculteurs (l’actuelle place Viarme). Sa mort est un événement national, le chef vendéen incarnant l’illustration la plus connue de la contre-Révolution.
La mémoire de ces faits est soigneusement entretenue ensuite – un monument est inauguré place Viarme un siècle après son exécution – y compris pour résister aux municipalités républicaines de Nantes.
Jean-Clément Martin, Guy Saupin
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d’auteurs réservés)
En savoir plus
Bibliographie
Durivault Georges, « Les sept maires de Nantes de la famille Charette », Bulletin de la société archéologique et historique de Nantes et de Loire Atlantique, n°98, 1959, p. 108-114
Gallais Vincent, « Louis III Charette (1648-1702). Sénéchal et maire de Nantes », Histoire et mémoires locales, départementales, régionales, n°43, 2015, p. 4-29
Guillet Noël, Doulon-Histoire, La Colinière : une famille, les «Charette » et leur château, une maison de quartier, un lycée, Doulon-Histoire, Nantes, 2004
Guin Yannick, La bataille de Nantes, 29 juin 1793 : un Valmy dans l’Ouest, Siloë, Laval, 1993
Rumin Marcel, « Un cimetière oublié des Nantais », Les annales de Nantes et du pays nantais, n°280, 2001, p. 38-40
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Jean-Clément Martin, Guy Saupin
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