Mur de l’église du couvent des Cordeliers
L’immeuble du 10 rue Saint-Jean présente sur son pignon sud un précieux vestige de l’ancienne église du couvent des Cordeliers de Nantes.
Un vestige unique de l’église du couvent des Cordeliers
Un immeuble du centre de Nantes, au 10 rue Saint-Jean, présente sur son pignon sud, la seule construction en élévation complète restante d’un des deux murs gouttereaux de la grande nef de l’église des Cordeliers de Nantes.

Dessin schématique de l’emplacement de la nef de l’église du couvent des Cordeliers
Date du document : 01/2025
Cette église du couvent fut construite vers le milieu du 13e siècle ; le plan de l’édifice est visible aux Archives de Nantes. Le mur dont il est question fut élevé sur l’enceinte fortifiée du Bas-Empire (fin du 3e-début du 4e siècle) qui entourait la ville antique de Nantes, et dont on retrouve les fondations dans une cave de cet immeuble du 10 rue Saint-Jean.
Le mur gouttereau nord de cette église présente une hauteur de 10,40 mètres, une largeur de 15 mètres et une épaisseur de près d’1 mètre (3 pieds) ; il correspond au bas de la nef côté intérieur. Ce vestige a fait l’objet d’une restauration en 2005 (architectes E. Gouesnard et A. Potiron, agence AGP) sous le contrôle de la Direction régionale des affaires culturelles des Pays de la Loire (DRAC), mettant à jour une élévation en moellons de schiste. Ce mur présente des éléments architecturaux très anciens.

Mur gouttereau nord de l’église du couvent des Cordeliers
Date du document : 21/01/2025
La baie romane (1)
À l’est de ce mur se trouve une grande baie romane du 13e siècle de 6,60 mètres de hauteur et de 1,15 mètre de largeur, réalisée en tuffeau blanc. Elle présente un arc en plein cintre et des pieds droits en carreaux et boutisses. Cet arc a été reconstitué lors de la restauration de 2005. Cette percée est l’une des huit ouvertures du mur gouttereau nord ; les assises des sept autres ont été redécouvertes par l’archéologue Maïlys Lallauret sur l’enceinte du Bas-Empire. L’extérieur de cette baie se voit dans sa partie supérieure, à l’intérieur d’un appartement de l’immeuble au 10 rue Saint-Jean.

Extérieur de la partie supérieure de la baie vu depuis l'intérieur d'un appartement
Date du document : 21/01/2025
Cette baie présente une mouluration romane à double rouleau. Du fait du manque d’épaulement (partie du mur qui permet de maintenir une baie), son cintre s’est légèrement brisé. Un fragment de la baguette de sertissage en plomb du vitrail qui fermait par le passé la baie a été retrouvé dans la feuillure de la baie. Cette dernière a par la suite été murée par de la maçonnerie pour ne laisser qu’une petite ouverture.
L’enfeu de Pierre d’Aubigné (2)
On remarque sous cette baie, au niveau du sol, une niche creusée au 15e siècle dans le rempart gallo-romain présentant une arcade en anse de panier sculptée de fines cannelures. Il s’agit d’un enfeu, un terme utilisé du Moyen Âge au 18e siècle pour désigner un tombeau. Celui-ci est aménagé dans une cavité creusée dans le mur du bâtiment.

Enfeu de Pierre d’Aubigné
Date du document : 21/01/2025
Dans cet enfeu se trouvait le tombeau d’un écuyer nommé Pierre d’Aubigné, seigneur de Beauchène et de Doué, mort en juillet 1401 à Paris. Son corps fut déposé dans cet enfeu en mars de l’année suivante. Son tombeau était surmonté d’une lame en marbre noir sur laquelle reposait un gisant de marbre blanc en tenue de combat.
On peut observer à l’est de cet enfeu, creusé également dans le rempart, des chapelles et ouvertures très dégradées.

Dessin du tombeau de Pierre d’Aubigné
Date du document : 1695
Une baie à l’usage inconnu (3)
Au centre du mur se présente une grande baie de 8,50 mètres de hauteur et de 6 mètres de largeur, construite en tuffeau blanc, et dont l’arc plein cintre montre une fine cannelure alors que les pieds droits sont biseautés. D’après Maïlys Lallauret, cette ouverture daterait soit du 16e siècle, soit du 17e siècle. Elle a été murée en tuffeau gris avec à sa base un arc de décharge lors de la destruction partielle de l’église dans le premier tiers du 19e siècle. Nous ignorons encore aujourd’hui pour quelle raison précise cette baie a été ouverte.
La porte romane (4)
Cette porte romane à l’ouest du mur de base granitique et d’élévation en tuffeau date de la construction de l’église (13e siècle). Cette ouverture, creusée sur près de 4 mètres dans l’épaisseur du rempart, débouchait sur un petit bâtiment appelé parloir dans les textes anciens, situé au nord de ce rempart. Le parloir était composé d’une chambre pour le frère gardien et d’une salle destinée à l’accueil de la population souhaitant rendre visite aux Cordeliers. Ce bâtiment marquait l’entrée du couvent (porterie), située rue Saint-Jean.
La porte de l’orgue (5)
Cette ouverture au-dessus de la précédente a été découverte lors de la restauration de ce mur en 2005. Elle est citée dans les textes anciens comme une ouverture pour accéder à l’orgue. Elle est située au même niveau que la partie supérieure de l’enceinte du Bas-Empire sur laquelle les frères cordeliers firent construire une galerie ouverte décrite par Dubuisson-Aubenay. Elle permettait à l’organiste (et ses souffleurs) de se rendre du dortoir à cet orgue à l’abri des intempéries. Cet orgue fut acheté en 1623 par la mairie pour le couvent. Cette date pourrait correspondre à la construction de cette ouverture. Une tribune devait se trouver près de cette porte (peut-être sous la grande baie) sur laquelle était installé cet orgue qui, d’après les textes anciens, sonnait fort, et participait activement aux messes « à chants » que scandaient les frères cordeliers depuis le chœur.

Porte de l’orgue et porte romane du mur gouttereau de l'ancienne église du couvent des Cordeliers
Date du document : 21/01/2025
D’après le premier plan cadastral de Nantes de 1834, visible aux Archives départementales de Loire-Atlantique, le bas de la nef a dû être amputé à la limite est de ce mur dans le premier tiers du 19e siècle ce qui a permis au propriétaire de l’immeuble du 10 rue Saint-Jean d’acquérir ce pan de mur pour agrandir le bâtiment.
Ainsi, ce mur avec ses éléments d’architecturaux particuliers, est l’un des rares témoins d’une église dépendante du couvent des Cordeliers qui participa pendant plus de cinq siècles à la vie active de la cité.
Jean-François Michel
2024
En savoir plus
Bibliographie
Brault Ferdinand, « Le couvent des Cordeliers de Nantes, étude historique », Bulletin de la Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Atlantique, tome 65, 1925, p. 165-193
Croix Alain (dir.), La Bretagne d'après l'itinéraire de monsieur Dubuisson-Aubenay, Presse Universitaire de Rennes, 2006
Lallauret Maïlys, « Étude du bâti de l’église des Cordeliers de Nantes : nouvelles données sur l’évolution structurelle du site », Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Atlantique, tome 151, 2016, p. 107-126
Lallauret Maïlys, L’église des Cordeliers de Nantes : étude du bâti du mur gouttereau nord et apports de récentes opérations archéologiques à la connaissance de l’établissement mendiant, Mémoire de master 2 d’archéologie, Henigfeld (dir.), Université de Nantes, 2015
Ressources Archives de Nantes
II157/7 – Vue n°10 : Plan de la ville de Nantes par Nicolas Portail, 1739
Ressources Archives Départementales de Loire-Atlantique
H 289 : Cordeliers de Nantes – Aliénation de diverses parcelles de terre, consentie aux sieurs Le Lubois, Desprez et Bouyer (1789)
AD044-7P4344F062 : Cadastre ancien – Section X de Saint-Pierre, 1834
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Rédaction d'article :
Jean-François Michel
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