Monotype de la Loire
En 1928, le régatier nantais Gaston Brunet, sociétaire du Sport Nautique de l’Ouest (SNO) fit construire par les chantiers Aubin, sur les plans de l’architecte naval Talma Bertrand, originaire de Trentemoult, un petit quillard de 5,50 mètres baptisé Ou-Ké-Ti. Le succès de ce plan fut tel que Ou-Ké-Ti fut le premier exemplaire d’une série connue sous l’appellation Monotype de la Loire. Un bateau de régate pur beurre nantais, petit par la taille mais grand par la réputation dont il ne reste plus un exemplaire naviguant. Mais sa renaissance est pour bientôt…
Le succès du yachting à Nantes
Il est difficile d’imaginer la passion qui s’empara des Nantais, au milieu du 19e siècle, avec l’apparition des sports nautiques que l’on désignait alors sous le terme de yachting. Selon François Puget, la première régate officielle fut organisée à Nantes par la municipalité le 17 août 1851 à l’occasion de l’inauguration de la gare dite d’Orléans. Trois bateaux, transportés par le train depuis la région parisienne, y participèrent et remportèrent les premiers prix, ce qui ne manqua de piquer au vif et de stimuler les premiers régatiers nantais. L’engouement fut tel que Nantes devint en quelques décennies la première place française après Paris pour le yachting. Des bateaux de tous types y furent construits dans les nombreux chantiers de cette époque, en bois et, très tôt, en fer, spécificité nantaise.
Avec l’adoption de la jauge internationale (JI) ou Metre Rule en 1906, les bateaux commencèrent à obéir à des spécifications communes qui permettaient à ces quillards de régater en temps réel par série telles que les 12 m JI, les 8 m JI et les 6m JI (des chiffres qui ne correspondent pas à la longueur du bateau : ainsi un 6 m JI mesure environ 9 mètres de long et un 8 m JI environ 12 mètres). Il s’agissait donc de bateaux prestigieux mais coûteux qui nécessitaient, outre des moyens conséquents, la mobilisation d’équipages aguerris. De plus, ces bateaux dotés de tirant d’eau assez fort évoluaient au large, loin des yeux du public – alors nombreux - qui venait assister aux courses.
Ou-Ké-Ti, le premier d’une série née en 1928
Les sportifs nantais qui régataient en mer mais aussi, très souvent, sur l’Erdre et sur la Loire exprimèrent assez tôt le besoin de bateaux plus économiques, plus légers, ne nécessitant que deux équipiers et accessibles aux jeunes. C’est ainsi que l’on vit apparaître les séries nationales, les 6,50 et 8,50 qui devinrent séries internationales en 1920. Plusieurs Nantais en possédèrent. Plus tard, en 1928, Gaston Brunet passa commande à Talma Bertrand, architecte naval déjà réputé, d’un petit bateau de régate, élégant, vif et racé qui devint le premier d’une série que l’on désigna ensuite comme celle des Monotypes de la Loire.

Lettre de Gaston Brunet à Talma Bertrand
Date du document : 04/12/1928
En effet, le succès de ce plan fut tel que beaucoup de régatiers inscrits au SNO réclamèrent aux instances nationales la reconnaissance d’une classe monotype permettant à des bateaux semblables techniquement de s’aligner sur la même ligne de départ. C’est ainsi que naquit la série des Monotypes de la Loire que la revue de référence Le Yacht du 23 mars 1929 présenta comme telle, en précisant que les plans appartenaient au SNO. Sans doute, les dirigeants du SNO les avaient-ils acquis auprès de Talma Bertrand pour faciliter la création de la série... Un autre numéro de la revue fait le compte-rendu de régates organisées par le Cercle de la Voile de Nantes (CVN) à Gachet sur l’Erdre les 5 et 9 mai 1929 avec le commentaire suivant : « Ce fut l’occasion d’admirer la superbe tenue par brise forte de la nouvelle création de T. Bertrand, soigneusement exécutée par les chantiers Aubin ».

Plans de forme du monotype de la Loire
Date du document : 23/03/1929
On ne sait pas exactement combien d’exemplaires furent construits – une quinzaine vraisemblablement – mais ils passèrent entre les mains des meilleurs régatiers de l’époque : outre les Brunet père et fils, les Tiriau, Lory, Binet et Lefièvre, Lory, Thubé, Guillet, Biette… La plupart des Monotypes de la Loire furent construits par les chantiers Aubin installés alors sur l’Erdre, en contrebas du pont de la Tortière, à Nantes, à part deux ou trois exemplaires construits à Angers.

Le Ou-Ké-Ti et le Ben Hur en régate sur l’Erdre
Date du document :
Le coup d’arrêt de la guerre
Toutefois, la Seconde Guerre mondiale, avec son cortège d’horreurs et de souffrances, mit un coup de frein brutal au développement de la série, comme de la plupart des constructions de plaisance. De plus, durant l’Occupation, les bateaux en état de naviguer furent réquisitionnés par les Allemands, les Monotypes de la Loire ne durent pas échapper à la règle… Sans doute, les contrecoups de la crise économique de 1929 eurent-ils aussi quelques effets.
Quoi qu’il en soit, on sait qu’un Monotype de la Loire régatait encore en 1948, le Marmotte barré par M. Lachartier aux Régates de Saint-Brieuc. Et une photographie datée des années 1970 montre Marmiton (n°8 de la série) sous gréement bermudien et avec un équipage de quatre jeunes gens ! Du côté de Crozon, peut-être…
L’association Erdre Voiles Passion redonne vie au Monotype de la Loire
Il semble bien qu’en 2025, aucun exemplaire de cette série purement nantaise ne navigue plus alors qu’elle a marqué une étape importante dans l’histoire de la construction navale de plaisance et de la navigation sur l’Erdre, la Loire et sur l’océan. C’est pourquoi l’association Erdre Voiles Passion (Sucé-sur-Erdre – Nantes) s’est lancée dans la production d’une réplique qui est en cours de construction par le centre de formation en charpenterie navale Skol ar Mor (École de la Mer) dans son atelier du Bois-Joalland à Saint-Nazaire. Depuis octobre 2024, les étudiants en CAP de charpente navale (niveau 3) sont à pied d’œuvre. L’objectif est de mettre à l’eau le Talma (il portera le prénom de son architecte, en hommage au talent de son créateur) à la fin du mois de juillet 2025 pour une présentation officielle dans le cadre des Rendez-vous de l’Erdre, samedi 30 août 2025 à Nantes.
Caractéristiques techniques du Monotype de la Loire
• Longueur hors-tout : 5,50 mètres
• Largeur au maître-bau : 1,70 mètres
• Tirant d’eau maxi : 0,80 mètres
• Déplacement : 875 kilogrammes
• Gréement houari
• Voiles : 21,86 mètres carrés au près (grand-voile : 16,16 mètres carrés ; foc n°1 : 5,70 mètres carrés ; foc n°2 : 2,54 mètres carrés ; spinnaker : 9,15 mètres carrés)
• Poids du lest de quille : 300 kilogrammes
Franck Barrau
Association Erdre Voiles Passion
2025
Album « Le Monotype de la Loire »
En savoir plus
Webographie
Financement participatif du projet de reconstruction du Monotype de la Loire
Page Facebook « Talma : la renaissance du Monotype de la Loire »
Site internet du Centre international de transmission des savoir-faire traditionnels maritimes
Pages liées
Tags
Contributeurs
Rédaction d'article :
Franck Barrau
Vous aimerez aussi
Veuves de maîtres dans les corporations nantaises au 18e siècle
Société et cultureAu 18e siècle, les femmes sont en théorie exclues des corporations masculines, et seules les veuves de maîtres détiennent une place à part entière qui leur confère des droits que leurs...
Contributeur(s) :Gillian Tilly
Date de publication : 08/12/2022
853
Entrepôt des cafés
Architecture et urbanismeLe quartier de l'Entrepôt tient son nom du premier édifice construit en bordure de son axe principal : l'entrepôt des cafés.
Contributeur(s) :Philippe Bouglé
Date de publication : 05/06/2019
2927
21 septembre 1817 : Ascension en aérostat de Sophie Blanchard à Nantes
Événement historiqueParmi les premières ascensions en aérostat réalisées à Nantes, on compte celle de Sophie Blanchard le 21 septembre 1817, une pionnière nommée « ministre des ballons » par Napoléon...
Contributeur(s) :Léa Grieu
Date de publication : 07/10/2024
147