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Les déporté.es nantais.es du camp d’Auschwitz


Dès son arrivée au pouvoir, le parti nazi allemand met en œuvre un régime de terreur. Il interne ses opposants dans des prisons et des camps de concentration, où bientôt des déportés de tous les pays sont enfermés à leur tour. L’assassinat systématique des Juifs d’Europe se met en place. Les populations juives des territoires envahis sont assassinées sur place, ou sont déportées vers des centres de mise à mort : Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka, Auschwitz-Birkenau, Majdanek. Auschwitz-Birkenau est à la fois un camp de répression et un centre de mise à mort : c’est un cas exceptionnel dans le système concentrationnaire, qui est pourtant devenu emblématique.

Le plus grand complexe concentrationnaire créé par l’Allemagne nazie

Auschwitz est d’abord un camp de concentration, créé en 1940 en Pologne. Les premiers prisonniers sont des opposants politiques polonais, surtout communistes ou socialistes. En 1941, les prisonniers de guerre soviétiques y seront également enfermés. Les détenus sont une main d’œuvre gratuite : un accord est passé avec le groupe chimique IG Farben, qui exploiter ces prisonniers dans le camp d’Auschwitz III – Monowitz. 

Dès 1942, Rudolf Höss, responsable du camp, est chargé de « préparer à Auschwitz une installation destinée à l’extermination en masse », d’après son autobiographie.  Birkenau devient Auschwitz II. Les nazis font construire quatre unités de mise à mort, les chambres à gaz et les crématoires. C’est vers ce camp que sont déportés, en vue de leur assassinat, non seulement les Juifs polonais, mais encore ceux de France, de Belgique, des Pays-Bas, de Slovaquie, de Grèce, de Hongrie…

Selon le Mémorial de la Shoah, « au moins 1,3 million de personnes ont été déportées à Auschwitz dont 1,1 million de Juifs. Parmi ces derniers, près d’un million y ont été assassinés dont 69 000 Juifs de France. La moitié des 400 000 déportés (dont 200 000 Juifs) enregistrés et soumis au régime concentrationnaire sont morts. Les Juifs morts à Auschwitz constituent à eux seuls 90 % de toutes les victimes du camp. Viennent ensuite les Polonais (74 000), les Tsiganes (21 000) et les prisonniers de guerre soviétiques (15 000) ».

Le camp d’Auschwitz est libéré par l’Armée rouge le 27 janvier 1945 : il y a 80 ans. 7 000 déportés, qui n’avaient pas été conduits vers d’autres camps dans les marches et les transports de la mort, ont survécu jusqu’à la libération.

La déportation et l’assassinat à Auschwitz des Juifs de Nantes

121 personnes nées à Nantes, ou qui habitaient à Nantes au moment de leur arrestation, ou qui ont été arrêtées à Nantes, ont été déportées à Auschwitz parce que juives. Deux seulement sont revenues. Notons cependant qu’il n’est pas toujours évident de distinguer entre les déportations dites génocidaires et les déportations dites de répression, notamment dans le cas des Juifs arrêtés comme otages, ou ayant participé à des actes de résistance. 

Dès 1941 la police française procède à des arrestations de Juifs à Nantes. Michel Fresco, Samuel Koutchouk, Schliome Tcharny, Passak Weinstein, Isaac Hodara, sont arrêtés à l’été 1941 et déportés à Auschwitz en 1942. David Eifermann, Simon Glückstein, Jonas Silber, Abraham Tarnaroutsky sont arrêtés comme otages suite à l’attentat contre le colonel Hotz le 21 octobre 1941 : ils sont déportés en 1942 et 1943. Jonas Silber survit : affecté comme médecin au Revier d’Auschwitz III, il est évacué à Buchenwald où il est libéré le 11 avril 1945 mais reste encore trois mois, pour s’occuper des enfants. 

Durant l’année 1942, la collaboration entre l’État français et l’occupant s’accentue. Sur l’ensemble de l’année 1942, plus de 50 personnes sont arrêtées à Nantes pour motif génocidaire. Le 13 juillet 1942 le préfet régional informe le préfet de Loire-Inférieure que tous les Juifs apatrides de 16 à 45 ans doivent être arrêtés, avec la collaboration de la gendarmerie française, puis dirigés sur Angers « pour être ensuite envoyés vers une destination inconnue ».

À Nantes une première rafle a lieu les 15, 16 et 17 juillet. Environ 30 hommes, femmes et enfants sont arrêtés dans la ville. Presque tous sont déportés par le convoi numéro 8 qui quitte Angers le 20 juillet 1942 pour Auschwitz. Dès fin juillet 1942, la préfecture de Loire-Inférieure établit de nouvelles listes des Juifs encore présents à Nantes et dans les villes alentour. Le 09 octobre 1942, une deuxième rafle a lieu : 18 personnes sont arrêtées, déportées et assassinées à Auschwitz. La plus jeune, Arlette Aptovici, a 6 ans. Elle est déportée avec sa mère, Nanette, par le convoi numéro 40 qui part de Drancy. Son père, Joseph, avait été arrêté le 15 juillet. Ils sont assassinés à Auschwitz. 

Après les rafles de 1942, la population juive de Loire-Atlantique est décimée. La dernière rafle, le 26 janvier 1944, est aussi meurtrière. À Nantes, 19 personnes sont raflées, déportées, et assassinées à Auschwitz.

La déportation de répression à Auschwitz 

Un pan de l’histoire du camp d’Auschwitz est peu connu. Des personnes non juives ont été déportées de France dans ce camp par trois convois bien distincts :

> celui du 6 juillet 1942, qui comprenait 1175 hommes, dit « convoi des 45000 » ;
> le convoi du 24 janvier 1943, qui comprenait 230 femmes, dit « convoi des 31 000 » ;
> et le convoi du 27 avril 1944 de 1655 Français dit « des tatoués ».

Les femmes et les hommes des convois des 31 000 et des 45 000 sont des militant.es antifascistes engagé.es dans le combat social et politique. Les « 45 000 » sont en majorité communistes, ils ont en commun la lutte contre l’occupant et le régime de Vichy. 119 hommes de ce convoi rentrent en France. Les femmes « 31 000 » marquent leur entrée à Auschwitz par une puissante « Marseillaise » et leur combat continue à l’intérieur du camp. Seules 49 d’entre elles rentrent en France. 

Parmi les 45 000 figurent dix Nantais (nés et/ou arrêtés et/ou habitant Nantes), tous désignés comme otages communistes, ils sont arrêtés en 1941 pour leur activité politique et résistante : Alphonse Braud, Eugène Charles, Victor Dieulesaint, Paul Filoleau, André Forget, Edouard Lechevalier, André Lermite, Antoine Molinié, Jean Raynaud et François Stephan. Seul Eugène Charles revient vivant, libéré à Dachau en avril 1945.

Parmi les 31000 se trouvent deux femmes nantaises, Marguerite Lermite et Fernande Laurent, toutes deux arrêtées en 1942. Marguerite Lermite est arrêtée en raison de son action syndicale et de son adhésion au parti communiste : elle est membre du Front National de lutte pour la libération et l'indépendance de la France. Elle meurt à Auschwitz. Fernande Laurent est arrêtée pour « Menées antiallemandes », dénoncée pour ne pas avoir secouru un jeune homme membre de la Légion des volontaires Français (LVF), blessé par un résistant. Fernande Laurent est libérée à Mauthausen par la Croix Rouge Suisse.

Le convoi « des tatoués » est composé en grande majorité de résistants. Ils entrent à Auschwitz le 30 avril 1944 et sont tatoués. Leurs matricules atteignent alors les nombres situés entre 184 936 et 186 591. On parle de la série des «185 000 ». Ils restent dans le camp jusqu’au 12 mai 1944 puis sont redirigés vers le camp de Buchenwald ou Flossenbürg. 28 Nantais figurent dans ce convoi, dix d’entre eux décèdent dans les camps nazis.

Les déportés à Auschwitz depuis Mauthausen, Dachau, Buchenwald

Neuf déportés nantais sont transférés à Auschwitz depuis les grands camps centraux, en passant pour certains par Lublin : Claude Le Poul, Yvan Poirier, Noël le Coze, François Blandin, Paul Beilvert, Maurice Le Gallo, André Pin, Edgard Chauvin et François Kerdal. 

Paul le Goupil, déporté et historien du convoi des « tatoués », explique le motif de ces transferts : « On peut être étonné qu’un convoi de 1120 détenus, dont aucun Juif, ait quitté Mauthausen pour Auschwitz le 2 décembre 1944 alors que ce dernier camp allait être évacué quelques semaines plus tard. La raison en était, comme pour les deux convois partis de Dachau en novembre, un besoin de main-d’œuvre, essentiellement destinée à Monowitz, pour combler les vides dus aux évacuations vers l’Ouest et aux décès ». 

Deux déportés, Elisée Rousseau et Adrien Blanchard, du camp de Dora, sont transférés à Lublin-Majdanek. Lorsque les SS décident d’évacuer Majdanek dès février 1944, les déportés de Dora sont transférés au camp d’Auschwitz. Adrien Blanchard y meurt le 22 avril 1944.

Au total 172 personnes nées et/ou arrêtées et/ou habitant Nantes ont été déportées à Auschwitz. Pour la plupart elles y ont été immédiatement assassinées, parce que juives. Moins de 30 sont revenues, deux seulement parmi celles qui avaient été déportées dans le cadre de la déportation génocidaire. 

80 ans nous séparent de la « libération » des déportés. Si ces derniers ne sont aujourd’hui, pour la plupart, plus de ce monde, leur mémoire ne s’efface pas. Ils et elles nous ont parfois laissé des écrits, des témoignages oraux, certain.es sont même devenu.es des historien.nes de la déportation. Les années passées n’effacent pas l’histoire de la déportation, le temps qui s’écoule est un allié pour l’Histoire. Les archives s’ouvrent pour les historien.nes, les chercheur.euses et les fondations qui œuvrent pour une meilleure compréhension et connaissance de ce phénomène unique de l’Histoire qu’est la déportation nazie. 

L’ensemble de cet article est rédigé à partir des sources disponibles sur le Mémorial virtuel des déporté.es de Loire-Inférieure.

Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation
2025

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En savoir plus

Bibliographie

CARDON-HAMET Claudine, Triangles rouges à Auschwitz : Le convoi politique du 6 juillet 1942, Editions Autrement, 2005, Paris

CLOGENSON Henry, LE GOUPIL Paul, Mémorial des Français non-juifs déportés à Auschwitz, Birkenau et Monowitz, publication à compte d’auteurs

HÖSS Rudolph, Le Commandant d'Auschwitz parle, La Découverte, 2004, 268 pages

Webographie

Pages liées

Seconde Guerre mondiale

Juillet 1942 : rafles et déportations à Nantes

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Rédaction d'article :

Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation

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