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Hôtel d’Aux


Cet hôtel particulier du 18e siècle domine la place Maréchal-Foch. Il fut un témoin privilégié de l’histoire militaire de Nantes aux 19e et 20e siècles.

Un hôtel particulier du 18e siècle

L’hôtel d’Aux est construit à l’emplacement des fortifications, progressivement détruites au cours du 18e siècle. Il doit son nom à son premier propriétaire, René-Louis d’Aux, nommé marquis d’Aux en 1777. Ce dernier achète le terrain à la communauté de ville en 1770, accompagné par Vincent Robinault de Bourgon. Les deux hommes souhaitent construire une ou des habitations sur ce terrain de 77 000 mètres carrés. Le plan et la façade, conçus par l’architecte Jean-Baptiste Ceineray, doivent être approuvés par la Ville. Le chantier s’étale entre 1771 et 1774. L’hôtel d’Aux donne alors sur les récents cours Saint-Pierre et Saint-André. Ces nouvelles promenades publiques, dont l’aménagement prend fin dix ans auparavant, attirent en effet des hôtels particuliers et autres demeures de prestige. Ils témoignent ainsi de l’urbanisation et de la transformation du quartier.

Façade de l’Hôtel d'Aux par Jean-Baptiste Ceineray

Façade de l’Hôtel d'Aux par Jean-Baptiste Ceineray

Date du document : 1773

En 1780, René-Louis d’Aux décède. Son fils, qui porte le même nom, hérite de l’édifice et en modifie le mode d’occupation : l’étage est loué. Trois ans plus tard, l’hôtel d’Aux est vendu aux frères Douault, mais ces derniers sont expulsés durant la période révolutionnaire. À partir de 1794, l’édifice accueille l’institut National, qui remplace le collège des Oratoriens en tant qu’établissement d’enseignement. 

L’hôtel d’Aux s’installe ainsi sur une vaste parcelle de forme irrégulière. La façade principale, donnant sur la place Maréchal-Foch, est composée d’un corps de bâtiment central surmonté d’un fronton. Ce corps de bâtiment est par ailleurs celui qui est le plus décoré. L’encadrement des fenêtres est soigné et quatre pilastres à chapiteaux corinthiens rythment la façade. De son côté, le fronton présentait en son centre les armes de la famille d’Aux, depuis effacées. Il garde néanmoins son décor sculpté d’origine : deux hommes vêtus de ceintures composées d’éléments végétaux, qui portent des massues et ce qui semble être des carquois. Des branches de chêne encadrent le tout. De part et d’autre de ce corps de bâtiment central, deux ailes encadrent la cour d’honneur de l’édifice. 

Le rez-de-chaussée est surélevé et divisé en 2 espaces d’habitation de part et d’autre d’un passage couvert donnant sur une cour intérieure et centrale. Un premier appartement, situé à l’angle de la place Maréchal-Foch et des cours Saint-Pierre et Saint-André, comporte 13 pièces. Ces dernières sont réparties sur 3 niveaux. Un escalier monumental dessert les différents étages : les 3 volets de marches prennent place dans une cage d’une hauteur de 15 mètres.

De logement des préfets à Palais impérial

En 1800, l’hôtel d’Aux change une nouvelle fois de destination. Jusqu’en 1828, il accueille en effet la résidence des préfets de Loire-Inférieure. Du 9 au 11 août 1808, Napoléon Ier et l’impératrice Joséphine, de passage à Nantes, y logent. Les archives de l’époque désignent alors le bâtiment sous le titre de « Palais impérial ». La Ville de Nantes est chargée de meubler le logement pour l’occasion. Les meubles du préfet sont enlevés et entreposés à l’hôtel de Bellevue, où sa famille déménage temporairement. L’hôtel d’Aux est remis à neuf pour l’occasion et redécoré. Peintures, plafonds, lambris, rideaux ou encore parquets sont ainsi l’objet de remplacement ou de petits travaux. Un riche mobilier en marbre, bois précieux et soie est mis en place.

Gardes d'honneur en grand costume

Gardes d'honneur en grand costume

Date du document : 1808

Lors du départ de Napoléon Ier et de l’impératrice Joséphine, près de 20 000 Nantais seraient venus assister au cortège. Pendant longtemps, le salon du second étage a gardé l’appellation « Chambre de l’empereur ». En réalité, il accueillait la chambre de l’impératrice, tandis que Napoléon Ier disposait d’une chambre au premier étage. 

Un édifice militaire

À partir de 1828, l’hôtel d’Aux devient l’hôtel et le siège de commandement de la 12e division militaire. Cette dernière, fondée en 1791, couvre les « Côtes de l’Ouest », allant de Nantes jusqu’à La Rochelle. L’Administration de la Guerre est alors locataire de l’édifice. En 1837, l’édifice est acheté par Charles de Tinguy de Nesmy, qui le vend au Ministère de la Guerre le 6 juillet 1848.

Plan de l’Hôtel d’Aux en 1848

Plan de l’Hôtel d’Aux en 1848

Date du document : 1848

Après la défaite de Sedan en 1870, l'Armée est profondément remise en question et réorganisée afin d’être plus opérationnelle et efficace. La loi du 12 juillet 1873 divise ainsi la France en régions militaires, chacune d’entre elles accueillant un Corps d’Armée qui constitue une véritable unité opérationnelle. Ainsi, Nantes devient le siège du XIe Corps d’Armée, dont l’état-major s’installe à l’hôtel d’Aux. Le nom du XIe Corps d’Armée est fièrement inscrit sur le fronton de l’édifice et lui donne son nom : l’hôtel du XIe Corps d’Armée. Son général est le responsable territorial de la garnison, du recrutement, de l'instruction, de l'entraînement ou encore de la mobilisation des réserves. Le général Lallemand, le premier commandant du XIe Corps d’Armée, s'installe à l'hôtel d'Aux.

L’occupation allemande

Dès le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Nantes devient une base de débarquement pour les soldats anglais. En août 1939, les troupes en garnison à Nantes partent rejoindre les fronts à l’est et au nord de la France. La ville n’est alors plus défendue que par un bataillon du 111e régiment régional, qui dispose de peu de moyens et qui est constitué de rappelés âgés de 40 à 45 ans, ayant souvent connu la Première Guerre mondiale. Sa mission est alors de défendre et d'assurer l'ordre dans la ville. Cependant, ce dernier se replie en mai 1940. Des soldats venus de toute la France, de la Belgique ou encore des Pays-Bas trouvent alors refuge dans les casernes nantaises. Le 14 juin 1940, les troupes anglaises quittent la ville. Le 18 juin, les troupes allemandes entrent à Nantes. Deux jours plus tard, elles prennent possession des casernes et notamment de Mellinet et Richemont. La Feldkommandantur (littéralement, commandement militaire de terrain) s’installe à l’hôtel d’Aux. Son dirigeant, le lieutenant-colonel Karl Hotz, y loge.

Obsèques du Feldkommandant Karl Hotz

Obsèques du Feldkommandant Karl Hotz

Date du document : 24/10/1941

L’hôtel d’Aux subit alors de lourdes modifications. Un tunnel est notamment creusé sous l’édifice pour permettre l’évacuation de Karl Hotz et de son entourage. Un bateau est en effet amarré en permanence dans ce tunnel. Les connaissances de Karl Hotz, qui a travaillé sur les comblements de la Loire et de l’Erdre à Nantes en 1929, ont peut-être aidé à la réalisation de ce tunnel. Néanmoins, celui-ci n’est jamais utilisé. Karl Hotz est abattu le 20 octobre 1941 par trois résistants, rue du Roi-Albert.

Le 12 août 1944, les Alliés entrent à Nantes. Les troupes des Forces françaises de l'intérieur (FFI) occupent les bâtiments publics de la ville dont les casernes et l'hôtel d'Aux. Leur priorité est de libérer la poche de Saint-Nazaire, ou du moins de la contenir. Le 14 janvier 1945, le général De Gaulle remet la Croix de la Libération à la Ville de Nantes.

Façade de l'immeuble du XI ème Corps d'Armée

Façade de l'immeuble du XI ème Corps d'Armée

Date du document : 09/03/1945

Le départ des militaires

Après la Seconde Guerre mondiale, l’hôtel du XIe Corps d’Armée retrouve son rôle de poste de commandement. Néanmoins, les réformes de l’Armée amoindrissent l’importance militaire de Nantes. Pour autant, à partir de 1986, l’hôtel d’Aux sert de logement au général et à l’état-major de la 9e division d’infanterie de marine, créée en 1976 et devenue en 1999 la 9e brigade légère blindée de marine. Cette dernière se trouve alors au quartier Richemont et constitue l’une des principales unités postées à Nantes. En 2010, la 9e brigade légère blindée de marine déménage pour Poitiers. En effet, au tournant des années 2010, presque tous les effectifs militaires quittent Nantes : de nouvelles réformes entraînent la suppression de plusieurs places d’armes. 

L’État vend ainsi l’hôtel d’Aux au groupe Histoire et Patrimoine en 2012. Ce dernier divise l’édifice en 41 appartements. Peu de décors d’origine ont pu être conservés. Quelques cheminées et certains parquets d’origine sont encore en place. Le salon d’angle du deuxième étage, dit la « Chambre de l’empereur », conserve un plus grand nombre de décors : le sol à compartiments « à la Versailles », un plafond décoré en son centre d’une rosace en plâtre, quelques glaces et consoles, 5 dessus de portes qui sont constitués de scènes galantes et d’éléments sculptés. L’édifice est partiellement protégé au titre des Monuments Historiques.

Léa Grieu
Direction du Patrimoine et de l’Archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2024

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En savoir plus

Bibliographie

Maria del Carmen Maquez Gomez et Hélène Rousteau-Chambon, L’architecture privée à Nantes au 18e siècle, Demeures de prestiges, PUR, 2023

Ressources Archives de Nantes

1PER98 n° 87

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Dossier : Casernes militaires à Nantes

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Hôtel particulier 18e siècle

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Rédaction d'article :

Léa Grieu

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