
Caserne Mellinet
En 1911, le 51e régiment d’artillerie s’installe sur le site de l’Éperonnière, désormais caserne Mellinet. Les militaires restent sur ce site jusqu’en 2010, après un siècle d’occupation. D’un manoir médiéval à un nouveau quartier d’habitation, ce site eut de nombreux usages au cours du temps.
Le domaine seigneurial de l’Éperonnière
D’après les différentes campagnes de fouilles archéologiques menées, le site de l’Éperonnière, situé près de la route reliant Nantes à Angers et Paris, est occupé depuis l’Antiquité. Ce dernier est alors situé à l’extérieur de la ville et à environ 2 kilomètres de ses limites symbolisées par les murailles.

Plan cadastral parcellaire centré sur l’Éperonnière
Date du document : 1835
Au Moyen-Âge, le site est un domaine seigneurial qui comporte entre autres un manoir, qui fait son apparition dans les sources en 1469. La famille Chauvin, propriétaire du domaine, dispose d’une chapelle privative dans la basilique Saint-Donatien et Saint-Rogatien, située à proximité. Le manoir connaît de nombreux propriétaires et est agrandi à plusieurs reprises jusqu’au 18e siècle.
En 1793, le comité révolutionnaire investit les lieux pour y incarcérer jusqu’à 600 prisonniers. Le niveau d’hygiène de la prison est préoccupant : la mortalité des femmes enceintes et des enfants est très importante. L’année suivante, le site est reconverti en hôpital. Au vu de sa localisation en surplomb, le site est également aménagé pour contribuer à la défense de Nantes.
Le pensionnat de la Société du Sacré-Cœur de Jésus
En 1836, la Société du Sacré-Cœur de Jésus achète le site pour fonder une branche nantaise et se consacrer à l’éducation de jeunes filles issues de la bourgeoisie. De lourds travaux sont menés, entraînant notamment la destruction du manoir médiéval. Un couvent, un pensionnat et une chapelle sont ainsi construits. L’établissement accueille jusqu’à 300 élèves, encadrées par 74 religieuses.

Ancienne chapelle du Sacré-Cœur
Date du document : Début 20e siècle
Suite à la promulgation de la loi du 7 juillet 1904 interdisant l’enseignement aux congrégations religieuses, les religieuses sont sommées de quitter les lieux. Mais ces dernières n’entendent pas céder malgré les avis d’expulsion. Elles sont soutenues par les pères de famille qui sont inquiets à l’idée de voir leurs filles étudier dans les établissements publics, et par les commerçants riverains qui craignent une baisse de leur chiffre d’affaires. Néanmoins, les religieuses abdiquent et organisent leur départ pour l’Angleterre en 1909. Avant cela, elles mettent à sac le bâtiment, emportant avec elles meubles, éléments de décoration, pièces d’escaliers et même lames de parquet. Les riverains sont invités à venir se servir en arbres fruitiers, en pierres ou encore en bois de chauffage. Ces destructions volontaires sont monnaie courante dans le contexte de l’époque. La Maison Mère de la Société du Sacré-Cœur de Jésus, située à Paris, subit le même traitement.
L’installation des militaires
Dès le milieu du 19e siècle, l’est de Nantes est peu à peu dévolu à l’armée. Les besoins militaires et les effectifs deviennent plus importants compte tenu la guerre franco-prussienne de 1870 et le service militaire rendu progressivement obligatoire et universel à partir de 1872. Une loi promulguée le 24 juillet 1909 crée également de nouveaux régiments d’artillerie. Plusieurs casernes sont ainsi aménagées dans toute la France.
Le maire de Nantes, Gabriel Guist’hau, souhaite qu’un nouveau régiment d’artillerie s’installe à Nantes pour favoriser le commerce en augmentant la quantité de produits importés. Il veut également éviter la spéculation immobilière engendrée par la libération d’un tel espace à proximité du centre-ville.
Une convention est ainsi passée entre la Ville de Nantes et l’État. En contrepartie de l’installation d’un régiment d’artillerie, la Ville s’engage à participer financièrement à la construction de la caserne. Elle doit, avant l’achèvement des travaux, étendre son réseau d’égouts, de distribution d’eau et d’éclairage. Ce document précise également que le matériel militaire entreposé au château doit déménager pour cette nouvelle caserne.
L’installation d’une caserne ne réjouit cependant pas les riverains qui signent une pétition pour se faire entendre. Ces derniers craignent que les arbres fruitiers qui poussent contre les murs d’enceinte de l’ancien couvent n’invitent les jeunes soldats « à la maraude ». Les signataires exigent du Ministère de la Guerre qu’un chemin de ronde soit installé et que les murs d’enceinte soient surélevés. Seul ce dernier point est accepté. De la même façon, en 1911 un maraîcher nommé Monsieur Bruneau, prétend que l’installation des latrines de la caserne pollue le cours d’eau avoisinant, empêchant son utilisation pour l’arrosage de ses cultures. L’affaire est portée devant la justice et plusieurs experts se déclarent en faveur de Monsieur Bruneau. L’affaire est cependant étouffée.
En attendant la construction de cette nouvelle caserne, le 51e régiment d’artillerie s’installe dans la caserne Bedeau en 1910. Il compte alors presque 1 000 hommes. Au début de l’année 1911, il déménage pour la désormais « Caserne Mellinet », nommée en l’honneur du général nantais Émile Mellinet.
La première phase des travaux prend fin en 1924, retardée par la Première Guerre mondiale, alors que le 51e régiment d’artillerie change de matériel et devient le 355e régiment d’artillerie lourde portée. Ce dernier est dissous le 5 juin 1940. Durant le second conflit mondial, Mellinet est occupé par les Allemands. En novembre 1944, les casernes Mellinet et Cambronne deviennent des centres d’instruction et de repos.

Entrée de la caserne Mellinet
Date du document :
Les guerres d’Indochine et d’Algérie
Après les deux conflits mondiaux, la durée du service militaire est diminuée. Il reste néanmoins nécessaire pour l’Armée de former de jeunes appelés susceptibles de faire carrière. Ce besoin est accru par le déclenchement de la guerre d’Indochine (1946-1954) et de la guerre d’Algérie (1954-1962). Dès 1947, le Service de l’Entraînement Préparatoire et des Réserves (SEPR) s’installe ainsi à Mellinet. Le 8e bataillon d’infanterie coloniale est également posté à la caserne Mellinet, remplacé en 1954 par le 2e régiment d’infanterie coloniale. Ces deux derniers assurent entre autres la formation des jeunes appelés pour ces deux conflits.
Les accords d’Évian du 18 mars 1962 mettent fin à la guerre d’Algérie. Le Gouvernement français et le Gouvernement provisoire de la République algérienne s’engagent sur le principe de non-représailles. Néanmoins, ces engagements ne sont pas tenus des deux côtés de la Méditerranée. Les Harkis, terme générique désignant tous les Français musulmans qui ont combattu au sein de l’armée française dans des formations supplétives, font l’objet de représailles en Algérie.
Dès le mois d’avril 1962, Louis Joxe, secrétaire d’État aux Rapatriés, envisage d’acheminer « les Harkis, les Moghaznis et les engagés » en métropole, malgré la réticence de certains membres du gouvernement. Le rapatriement des Harkis et de leurs familles commence finalement en juin 1962. Le 19 septembre 1962, le Premier ministre George Pompidou ordonne finalement le rapatriement des supplétifs en France. Ce départ tardif oublie un certain nombre d’entre eux, qui embarquent clandestinement pour la France.
Afin de loger ces milliers de personnes, des espaces d’hébergement et de transit ouvrent leurs portes en métropole. Dans un premier temps, 6 camps situés dans le sud de la France ouvrent. Puis, à ceux-ci, s’ajoutent trois prisons désaffectées :
> la citadelle d’Amiens,
> la prison de Cognac
> la prison de Nantes, à la caserne Mellinet qui était alors utilisée comme prison militaire.
Finalement, des dizaines de structures sont aménagées. Pour autant celles-ci ont été pensées pour être temporaires, elles ne suffisent pas et offrent des conditions de vie et d’hygiène précaires et indignes. 160 personnes dont 72 enfants issus de 34 familles sont ainsi logées à Mellinet de 1962 à 1966. D’autres camps restent ouverts plus longtemps : leur fermeture est officialisée en 1975.
Le décret du 18 mars 2022 crée une commission nationale et indépendante pour « la reconnaissance et [la] réparation des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d’Algérie […] et les membres de leurs familles ».
Le départ des militaires
Jusque dans les années 2000, la caserne Mellinet est occupée par différents régiments et connaît de nombreuses phases de chantiers, d’agrandissements voire de transformations. La caserne Mellinet comporte alors d’anciens bâtiments de casernement du début du 20e siècle, mais également des garages ou espaces de stockage contemporains.

Plan cadastral parcellaire du quartier de la caserne Mellinet
Date du document : 1970
Le dernier régiment à être basé à Mellinet est le 22e bataillon d’infanterie de marine, dissous en 2010. En effet, l’Armée est en cours de professionnalisation. La suppression du service militaire, la diminution conséquente du nombre de formateurs et des réorganisations successives de la défense entraînent une baisse des effectifs. De nombreux régiments sont ainsi dissous et l’Armée libère plusieurs casernes, dont le quartier Mellinet.
En 2009, Nantes Métropole se positionne rapidement quant au devenir des 13,5 hectares de la caserne Mellinet. La localisation du site et son ampleur le rendent en effet particulièrement intéressant dans le cadre de l’urbanisation de l’est de Nantes. En 2014, Nantes Métropole achète le site à l’État pour 6, 3 millions d’euros. Des études préalables sont confiées à ses services et à des agences externes afin de déterminer la valeur patrimoniale de chaque édifice, de mener des fouilles archéologiques mais également pour réfléchir à la transformation de la caserne en un espace public avec ses espaces verts ou encore ses contraintes de pollution.

Fouille de la caserne Mellinet par les archéologues de Nantes Métropole
Date du document : 31-07-2018
L’objectif est alors d’y mettre en place un véritable quartier d’habitation, comportant 1 700 logements et de nombreux équipements, de l’école au cabinet médical. À partir de 2013, les riverains et futurs habitants sont invités à s’exprimer sur le devenir et le réaménagement du site dans le cadre d’un dialogue citoyen. Les travaux commencent en 2016. 20 bâtiments de l’ancienne caserne sont sélectionnés pour être conservés dans la réhabilitation du site.

Visite du chantier de l'ancienne caserne Mellinet
Date du document : 20/06/2023
Les autres sont détruits, laissant la place à de nouveaux édifices dont les premiers sont achevés en 2018 et habitées dès 2020. Le chantier devrait être achevé à l’horizon 2030, laissant place à une nouvelle page de l’histoire du site de l’Éperonnière.
Léa Grieu
Direction du patrimoine et de l’archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2024
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Rédaction d'article :
Léa Grieu
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