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Anciens entrepôts de la Chambre de commerce quai Saint-Louis Henry Orrion (1891 – 1971)

28 juin 1944 : l’attaque du Maquis de Saffré


Le 28 juin 1944, le Maquis de Saffré est attaqué par les Allemands et des collaborateurs français. En sous-nombre et mal équipés, les maquisards subissent de lourdes pertes : plusieurs dizaines de combattants français sont tués pendant l'attaque, fusillés à Saint-Herblain le lendemain, abattus dans la prison de Nantes ou morts en Allemagne dans un camp de concentration.

Le rôle des maquis dans la Libération

Un an avant le débarquement en Normandie, la Résistance gaulliste s'organise et cherche des points de contact et des lieux pour parachuter des armes dans le nord du département. En septembre 1943, le sous-préfet Abeille, qui avait rallié la Résistance au sein du mouvement Combat, puis rejoint Londres, est parachuté dans la région de Tours. Il doit rencontrer et fédérer les groupes en formation dans l'ouest de la France. Un mois plus tard, il est en Loire-Inférieure (aujourd'hui Loire-Atlantique), très exactement le 16 octobre, dans une petite ferme de la commune des Touches (canton de Nort-sur-Erdre) : la ferme des époux Martin, au lieu-dit « la Maison rouge ». Ce premier maquis du département est alors officiellement homologué. Ce moment est crucial pour comprendre l'enchaînement à la fois glorieux et tragique des événements qui feront entrer les maquisards de la grande région nantaise dans l'histoire : c'est de cette petite ferme des Touches que partiront les premiers résistants qui rejoindront la forêt de Saffré en juin 1944.

Le 6 juin 1944 commence le débarquement en Normandie. Il faut plus de deux mois aux Alliés pour chasser les troupes de la Wehrmacht du littoral normand. Les Américains parviennent enfin à Nantes le 12 août. Entre ces deux dates, pour ce qui concerne la région nantaise, des affrontements opposent les Allemands aux forces locales de la Résistance. Le plus important est celui de la forêt de Saffré, qui réunit en grande majorité des hommes venus du nord de la Loire-Inférieure. Il a entraîné la mort de plusieurs dizaines de combattants français, tués pendant l'attaque, fusillés à Saint-Herblain le lendemain, abattus dans la prison de Nantes ou morts en Allemagne dans un camp de concentration.

La formation d’un groupe de résistants à Saffré

Retour dans la ferme des époux Martin le 16 juin dans la soirée. Aux trois dizaines de résistants habituels se sont ajoutés des dizaines d'autres venus des communes proches, Nort-sur-Erdre surtout, mais aussi de La Meilleraye-de-Bretagne, de Joué-sur-Erdre, etc. Ils sont trop nombreux, environ 70 ; il faut qu'ils soient regroupés dans un lieu plus sûr, plus vaste et plus discret. Un terrain, déjà reconnu et apte à recevoir un parachutage d'armes, est choisi au sud de la forêt de Saffré. Profitant de la nuit, les maquisards de la Maison rouge s’y installent. D'autres les rejoignent ensuite.

Situé à près de 40 kilomètres au nord de Nantes, la forêt de Saffré est très isolée. Elle se situe à une dizaine de kilomètres de Nort-sur-Erdre au sud, de Joué-sur-Erdre à l'est, et presque autant du bourg de Saffré à l'ouest. De plus, les routes qui sillonnent cette région sont peu nombreuses et la circulation y est rare. Le risque d'être remarqué est faible. Enfin, la topographie du terrain facilite la récupération des armes larguées depuis les avions anglais que les maquisards se chargent de répartir au plus vite auprès de résistants.

Les objectifs des maquisards

Les maquisards de Saffré et d’ailleurs ont alors pour objectif d’empêcher les troupes allemandes de se rendre au plus vite, et nombreuses, vers la Normandie. Pour cela, deux conditions sont indispensables :
• Créer une situation de guérilla partout où c'est possible pour que l'occupant se sente obligé de maintenir des forces dans l’ensemble du pays,
• Rendre les routes dangereuses pour la circulation afin de ralentir au maximum l'avancée allemande vers la Normandie, où pourtant la Wehrmacht a un urgent besoin de renforts pour faire face au débarquement allié venu de l'Angleterre.

28 juin 1944 : l'attaque du Maquis de Saffré

Il est à peu près 20h le 27 juin lorsque le Jedburgh Christian Lejeune envoie un message en urgence vers leurs responsables pour signaler la situation critique dans laquelle se trouve les maquisards de Saffré. Les Jedburghs sont des groupes de trois hommes parachutés en arrière du débarquement pour épauler les résistants et user d'un contact direct avec le commandement. Le trio qui vient d'arriver en urgence constate que les maquisards ne sont pas suffisamment armés ; une soixantaine d'armes légères pour 300 hommes (dont 27 originaires de Nantes et des communes de la métropole). La situation est inquiétante. Leur campement rudimentaire n'aurait dû servir que pendant quelques jours. Des armes devaient arriver avant le 25 juin. Les avions anglais ne survolent la forêt de Saffré que le 29 dans la soirée, 24 heures trop tard.
 
Tôt le matin du 28 juin, les Allemands, bien renseignés et bien organisés, attaquent le maquis par le sud. Ils sont venus de Nantes et d'Angers, et ceux qui doivent occuper les positions au nord de la forêt viennent de Bretagne. La Gestapo et les collaborateurs français (dont des miliciens) les accompagnent. Tout le côté est de la forêt est tenu par des soldats qui ont été déployés le long du rail (ligne de Nantes à Châteaubriant). Ceux venant de Bretagne doivent occuper le nord de la forêt sur toute la longueur de la route départementale qui va de Saffré à Joué-sur-Erdre.

Le rapport de force est complètement disproportionné. Cinq fois plus nombreux, les assaillants remportent la victoire en quelques heures. Certes il leur a fallu mobiliser momentanément des forces importantes qui leur auraient été plus utiles en Normandie ; mais pour les résistants, la défaite est amère et le bilan est lourd : 42 morts, 13 abattus au moment de l'attaque, 27 prisonniers exécutés dès le lendemain, 2 autres abattus dans la prison Lafayette de Nantes. Et le bilan ne s'arrête pas là car pendant deux jours, nombre de patriotes qui soutenaient le maquis sont arrêtés. Le 10 juillet, un train de déportés quitte Nantes pour les camps de concentration, d'abord en Alsace (le Struthoff), puis en Allemagne et en Autriche (Dachau, Neuengamme, Mauthausen). Quatre femmes sont aussi dans ce convoi ; l'une d'elle, Mme Ruquié, qui travaille avec son mari garagiste à Héric, meurt dans un autre camp, à Ravensbrück, près de Berlin.

Au lendemain de l'attaque du 28 juin, la tragédie se poursuit au château de la Bouvadière, à Saint-Herblain. Les nazis y réunissent dans l'urgence 35 prisonniers pour les juger. Une parodie de procès qui leur donne le sentiment d'avoir légiférer dans le respect des lois de la guerre. À 18h, les hommes sont attachés deux par deux. Ils entendent leur nom et ne comprennent guère plus puisque les traductions sont brèves. Les 27 qui ont été pris les armes à la main sont immédiatement condamnés à mort et exécutés. Il est minuit lorsque les huit momentanément épargnés quittent la Bouvardière pour retourner à la prison Lafayette. Deux sont assassinés dans la prison, cinq autres sont déportés.

Les raisons d’une fin tragique

Les raisons de la fin tragique du Maquis de Saffré sont nombreuses. La première, c'est que le délai entre l'arrivée des premiers maquisards, 16 et 17 juin, et l'arrivée des avions anglais chargés de parachuter les armes, le 29 juin, est trop long. Alors que d'autres combattants les rejoignent pendant une semaine, les armes ne sont toujours pas là. Les groupes qui ont rejoint la forêt étaient d'abord venus des communes proches, mais d'autres, plus nombreux (90), sont arrivés précipitamment du Castelbriantais, leur propre maquis ayant été mitraillé. De plus, tous ces jeunes hommes ne sont pas formés à la guerre. Certains manquent de prudence, peu savent se servir d'une arme de guerre et, on le saura plus tard, quelques traîtres ont infiltré le maquis

Un travail de mémoire qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui

Deux livres ont été écrits sur les événements dès la fin de la guerre, l'un par Alfred Gernoux, l'autre par André Perraud-Charmantier. Depuis, de nombreux travaux ont été édités, une exposition de seize panneaux est souvent utilisée par les établissements scolaires ou des collectivités, des visites sur les lieux sont organisées chaque année. En outre, une évocation historique des événements a déjà été jouée plusieurs fois par la troupe de théâtre de Saffré. Ces actions sont coordonnées par le Comité du Souvenir du Maquis de Saffré. Dans la forêt de Saffré, au lieu-dit le Pas-du-Houx, un magnifique monument a été érigé peu après la fin de la guerre. Ce monument est aussi un tombeau puisque le cercueil de Robert Geffriaud, mort au combat à l'âge de 17 ans, y a été placé peu avant la venue du Général De Gaulle.

C'est le 11 juin 1950 que De Gaulle est venu inaugurer le monument, signer le livre d'or, et prononcer un discours de respect et d'humanité devant une foule immense.

Après avoir rappelé le rôle indispensable joué par les maquisards pour retarder les forces ennemies en route pour la Normandie, il a salué la foule et rappelé son patriotisme : « Pour terminer cette magnifique cérémonie, je salue la foule nombreuse, unie, fraternelle que voilà, et les responsables qui se trouvent avec nous, et j'ajoute, chacun et chacune de vous, et à travers vous et vos familles, à travers elles votre magnifique département, et à travers lui la France. Vive la France ».

Étienne Gasche
Comité du Souvenir du Maquis de Saffré
2025

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En savoir plus

Bibliographie

Gasche Étienne, De la maison Rouge au Maquis de Saffré, Maison de la Presse de Nort-sur-Erdre, 1986

Gasche Étienne, Saffré, 28 juin 1944, la Mémoire des Maquisards, Coiffard, Nantes, 2012

Bloyet Dominique, Gasche Étienne, Les 27 Fusillés de la Bouvardière, Coiffard, Nantes, 2019

Gernoux Alfred, Le Maquis de Saffré, édition Marchand et Pelote, 1945

Perraud-Charmantier André, Le Drame du Maquis de Saffré, Éditions du Fleuve, Nantes, 1946

Webographie

Pages liées

Dossier : la Résistance à Nantes

Seconde Guerre mondiale

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2e GM Résistant Événements nantais

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Rédaction d'article :

Étienne Gasche

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