
Printemps 1945 : Nantais.es déporté.es à la libération des camps nazis
Il y a 80 ans, le camp d’Auschwitz est libéré par l’Armée rouge le 27 janvier 1945. 172 personnes nées à Nantes, ou qui habitaient à Nantes au moment de leur arrestation, ou qui ont été arrêtées à Nantes, ont été déportées à Auschwitz. La majorité de ces déporté.es avaient été arrêté.es parce que juif.ves, et ont été assassiné.es dès leur arrivée.
En janvier 1945, avant l’arrivée de l’armée soviétique, des survivants d’Auschwitz et des camps annexes sont déplacés vers le camp de Gross-Rosen, à son tour évacué par les nazis le 1er février 1945. Les déporté.es sont conduits vers les camps de Buchenwald, Dora Nordhausen, Flossenbürg, Dachau, Bergen-Belsen ; ils et elles partent à pied par la route, ou entassé.es dans des trains découverts qui mettent des jours à atteindre leurs destinations, dans un froid mortifère.
Les camps d’Ohrdruf, Nordhausen, Buchenwald, Bergen-Belsen, Flossenbürg, Dachau, Ravensbrück sont libérés en avril 1945, Neuengamme, Theresienstadt, Mauthausen, en mai. Mais au fur et à mesure de l’avancée des armées alliées, les nazis évacuent les camps vers d’autres camps. La fin de la guerre est particulièrement meurtrière pour les déporté.es survivants.

Vue générale du camp de concentration de Ravensbrück
Date du document : Vers 1940
Au total, 952 Nantais.es, ont été déporté.es vers les camps de concentration nazis ou les centres de mise à mort. Sur les 603 déporté.es nantais.es (nées et/ou arrêtées et/ou résidant à Nantes) qui sont détenu.es dans ces camps en 1945, 425 reviendront de déportation. La quasi-totalité de ces 603 déporté.es l’est dans le cadre de la répression des activités de résistance ; les déportations des Juifs de Nantes ayant surtout eu lieu vers Auschwitz après les rafles de 1942.
Quelques-unes des 83 déportées nantaises détenues dans les camps nazis en 1945
En 1945, il reste 83 femmes, déportées nantaises, dans les camps nazis. Toutes ont été déportées par mesure de répression, parce que militantes, parce que résistantes.
Paule CLEMENT est la seule femme à être déportée dès 1941. Née en 1887, membre du réseau Nemrod, elle est arrêtée le 21 janvier 1941 avec son mari André, et le capitaine d’Estienne d’Orves qu’ils hébergent. Envoyée à Berlin (Moabit), elle est enfermée dans les prisons du Reich. Elle est libérée à la fin de la guerre.
Joséphine BOCQ est membre du réseau Confrérie Notre-Dame (CND). Après l’arrestation de son mari Paul BOCQ (un des créateurs du réseau Bocq-Adam), elle poursuit le travail de renseignement, et l’évacuation des aviateurs. Elle est arrêtée à Nantes le 30 octobre 1941, et traduite avec 27 autres résistants bretons, en juin 1942, devant un tribunal militaire allemand. Elle est déportée le 17 septembre 1942 vers les prisons du Reich, puis transférée à Ravensbrück le 22 novembre 1944. Le 2 mars 1945, elle est transférée vers le camp de Mauthausen, puis à Bergen-Belsen, où elle meurt le 15 avril 1945.
Parmi les 88 arrestations d’Espagnols en Loire-Inférieure en 1942, Constance MARTINEZ PRIETO est la seule femme. Née à Madrid en 1917, naturalisée française, militante active des Jeunesses Socialistes Unifiées durant la guerre d’Espagne, et employée au Comité Central du Parti socialiste unifié de Catalogne, elle franchit la frontière en 1939 et est à Nantes en juin 1941. Repérée par la Section de Police anti-communiste (SPAC), elle est arrêtée le 4 juillet 1942. Déportée vers le camp de Saarbrücken Neue Bremm en juin 1944, elle est transférée à Ravensbrück le même mois. Elle est libérée à Schönefeld le 22 avril 1945.
Raymonde GUERIF, membre du Front national de lutte pour l’indépendance de la France, et du réseau KER, est arrêtée à son domicile le 16 juillet 1943 par la SPAC, et déportée à Ravensbrück le 2 février 1944. Le 13 avril 1944, elle est transférée à Zwodau. Lors de l’évacuation, le 16 avril 1945, elle est assassinée par les femmes SS aux environs de Gratiliz.
Membre du réseau ligne d’évasions Comète, Juliette BUFFET-MENIOLLE-DE-CIZANCOURT héberge pendant la guerre des aviateurs anglais, canadiens et américains. Elle est arrêtée sur dénonciation à son domicile, à Paris. Elle est déportée à Neue-Bremm via Sarrebrück, puis transférée à Ravensbrück. Elle est assassinée, dans la chambre à gaz de Ravensbrück le 28 avril 1945.
Un quart des 83 femmes qui sont encore dans les camps à la fin de la guerre ne revient pas de déportation.

Femmes déportées travaillant au camp de concentration de Ravensbrück
Date du document : 1939
Quelques-uns des 520 hommes nantais détenus dans les camps nazis en 1945
Six hommes nantais qui ont été déportés vers Auschwitz parce que Juifs sont encore en vie au début de l’année 1945. Deux survivent jusqu’à la fin de la guerre : Jonas SILBER et Paul WEIL. Jonas SILBER, arrêté comme otage après l’exécution du commandant Holtz, en octobre 1941, est déporté en juin 1942 à Auschwitz. Affecté comme médecin au Revier (baraquements destinés aux malades) d’Auschwitz III, il est évacué à Buchenwald où il est libéré le 11 avril 1945 mais reste encore trois mois, pour s’occuper des enfants. Bernard GOTSCHO, né à Nantes en 1926, déporté le 20 mai 1944 à Auschwitz, meurt à Buchenwald le 7 avril 1945, quatre jours avant la libération du camp, de même que son frère aîné, Claude GOTSCHO, né à Nantes en 1923. Joseph AJZENBUCH disparaît à Ohrdruf. Louis SALOMON meurt à Auschwitz en février 1945.
473 hommes nantais, déportés par mesure de répression, sont encore en vie en janvier 1945. 141 meurent avant la fin de la guerre, huit autres disparaissent, ou leur situation nous est inconnue.

Vue générale du camp de concentration de Flossenbürg
Date du document : avril 1945
Le plus jeune est Roger MESSAGER, jeune garçon de 14 ans, né en 1929 à Nantes. Il est arrêté le 24 juillet 1944 par la Sipo-SD pour « attaque à main armée sur un soldat allemand », au parc de la Gaudinière. Interné à la prison de Nantes, il est emmené à Belfort par le convoi dit « de Langeais », puis il est déporté le 29 août 1944 vers le camp de Neuengamme. Il meurt dans ce camp le 26 février 1945, il n’a pas encore 16 ans.
Parmi les plus âgés, Jules LAMBERT, né en 1884, est un grand mutilé de la guerre de 14-18. Militant actif du Parti communiste, il est arrêté le 23 juin 1941 dans le cadre de la grande rafle des communistes. Il est interné à Nantes, puis à Compiègne, où il est déclaré « otage fusillable ». Le 23 janvier 1943, Jules LAMBERT est parmi les 1450 détenus du camp qui sont conduits à pied à la gare de Compiègne. Le lendemain matin, les femmes qui vont constituer le « convoi des 31 000 » les rejoignent. En gare de Halle (Allemagne), les hommes sont dirigés vers le camp de Sachsenhausen, et les femmes vers Auschwitz. Lors de l’évacuation du camp de Sachsenhausen, Jules LAMBERT est dirigé vers Buchenwald où il arrive le 6 février 1945. Il entre au Revier le 11 avril, jour de la libération du camp. Il meurt à Buchenwald le 19 avril 1945.
Les crimes de masse se poursuivent après la libération des camps. Ainsi, le 13 avril 1945, les troupes allemandes SS et de la Luftwaffe assemblent 1016 déportés, évacués des camps de Mittelbau-Dora et de Hannover-Stöcken, dans une grange à proximité de la ville de Gardelegen. Parmi ces déportés assassinés, brulés vifs dans la grange de Gardelegen se trouve Clément BACHELIER, né en 1925 à Rezé, engagé dans le mouvement Libération-Nord, arrêté le 19 avril 1944 aux Chantiers de la Loire et déporté à Buchenwald en mai 1944.
Le 3 mai 1945, 7 300 déportés périssent brulés, noyés ou mitraillés dans la baie de Lübeck. Ces déportés sont embarqués sur le Thielbek et le Cap Arcona sur la décision de deux responsables nazis locaux qui ont l’intention de faire périr les déportés en mer ou de les « marchander ». Ils sont 8 000 répartis sur trois bateaux qui arborent le pavillon à croix gammée. Le 3 mai 1945, l’aviation britannique au cours d’un raid attaque Le Cap Arcona et le Thielbek. Yves BODIGUEL né en 1910 à Nantes, et Guy PINEAU né en 1923 à Nantes sont parmi les 7 300 victimes.

Le « Cap Arcona » en flamme après les attaques aériennes
Date du document : 03/05/1945
952 Nantais.es, déporté.es vers les camps de concentration nazis ou les centres de mise à mort. Des 134 hommes, femmes, enfants, nantais.es déporté.es pour des motifs génocidaires, 8 seulement ont survécu. Des 818 déporté.es nantais.es par mesure de répression, près de la moitié est décédée en déportation. Il est impossible de donner ici tous leurs noms, qui figurent tous sur le Mémorial virtuel des déporté.es de Loire-Atlantique, ainsi que leurs biographies. Parmi celles et ceux qui sont revenu.es, beaucoup se sont engagé.es à témoigner, à poursuivre sans relâche les criminels nazis, à lutter pour que ces crimes ne se reproduisent pas. Serments des déportés à leur libération, serments des déportés de Buchenwald, de Mauthausen, testament des femmes de Ravensbrück… tous appelaient à la coexistence pacifique entre tous les peuples, à la solidarité, à l’entraide, tous appelaient à lutter pour que les sociétés d’après-guerre se fondent sur des principes d’accueil, d’entraide, de générosité, qui empêchent le retour du fascisme, de la barbarie et des guerres.
L’ensemble de cet article est rédigé à partir des sources disponibles sur le Mémorial virtuel des déporté.es de Loire-Inférieure.
Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation 44
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