Ancienne motte Saint-André
L’actuel cours Saint-André tient son nom d’une ancienne motte, élévation à la périphérie de l’enceinte fortifiée. Bordée autrefois de deux voies antiques, ce lieu escarpé a connu cimetières médiévaux, gibet et foires avant son arasement pour l’aménagement du cours des États au 18e siècle.
Entre deux voies romaines
La cité antique de Portus Namnetum est accessible à l’est par plusieurs voies romaines qui empruntent les actuelles rue Richebourg, rue Maréchal-Joffre et rue Préfet-Bonnefoy. Cette dernière (anciennement nommée rue Saint-André) est une voie de communication reliant la ville antique à Blain ou Rennes ; elle aboutit dans la muraille à une porte de ville située au nord de la première enceinte (aux environ de l’actuelle rue du Refuge). Au 5e siècle, cette voie voit la construction d’une chapelle dédiée à Saint-André qui donne son nom à la rue et à la motte.
Détail du plan Cacault centré sur la motte Saint-André
Date du document : 1757-1759
D’un cimetière à l’autre
Une vaste nécropole mérovingienne s’étend à l’emplacement des mottes Saint-André et Saint-Pierre ; des sarcophages sont mis au jour lors de travaux de terrassements et de fouilles archéologiques près de la rue d’Argentré au début du 20e siècle. Compte tenu des analyses faites sur les tombes exhumées, ce site aurait été utilisé comme lieu d’inhumation entre les les 6e et 8e siècles. Autrefois dépendant du domaine de l’évêché, le terrain qui correspond à la motte Saint-André est donné en 1063 par l’évêque Quiriac aux chanoines du Chapitre de la cathédrale de Nantes.
« A view of the Cathedral Church, Nantes », Lambert Doomer
Date du document : Vers 1645
Au Moyen Âge, un cimetière du nom de Saint-Cyr est implanté aux abords de l’église Saint-Cyr-et-Sainte-Julitte, démolie au début du 13e siècle pour l’agrandissement des remparts ordonnés par Pierre de Dreux. Cette église se trouvait sans doute en bas de la motte Saint-André du côté de l’Erdre, aux environs de la rue d’Argentré et de la place Roger-Salengro. Après sa destruction, elle est reconstruite en-bas de la rue Garde-Dieu et porte le nom de Saint-Léonard. Georges Durville explique dans un de ses ouvrages qu’une partie du cimetière subsistait encore en 1601 « près de la Grosse-Tour » ; elle est utilisée temporairement pour y inhumer les protestants calvinistes. On projette également d’y enterrer des animaux, comme l’indique une délibération municipale en date du 15 octobre 1631 stipulant qu’ « il est commandé à tous ceux qui ont chiens en ville de les resserer et empescher de courir les rues ou les envoier aux champs, à peine que si on les trouve par cy après ils seront tués ensemble […] et ordonner estre fait quelque charnier et autre fosse très profonde sur la Motte Saint-André de trois pieds large pour y mettre tous les gros mastins ».
Au temps des mottes périurbaines
Sur le front est des fortifications de Nantes, trois éminences de terre s’étendent de la Loire à l’Erdre. Près du château de la Tour-Neuve s’élèvent les mottes de Château-Gaillard (rasée en 1423 pour la sécurité de la ville), de Saint-Pierre et de Saint-André. Collines naturelles « parfois augmentées par les déblais issus du creusement de fossés » ou aménagements défensifs ? Leur édification pourrait dater du 11e siècle, antérieurement « au perfectionnement et à l’utilisation plus fréquente de l’artillerie mécanique aux 12e et 13e siècles ». Les archives des chanoines du Chapitre précisent qu’au 15e siècle « il n’est fait mention […] d’aucune motte ». Cependant, la ville achète le 13 décembre 1449 « une meson avec son courtil derrière […] près la Motte Saint-André » à proximité de vignes. Motte cultivée comme celle de Château-Gaillard et habitée comme celle de Saint-Pierre, la motte Saint-André semble bien avoir une origine antérieure au 15e siècle contrairement aux dires des chanoines.
« View of the city wall and the Collège Saint-Clément at Nantes », Lambert Doomer
Date du document : Vers 1645
Concernant les maisons qui avaient été construites sur la motte, plusieurs documents prouvent leur existence. En 1480, des travaux de fortification font disparaître des habitations tandis que les douves sont élargies : « Il fallut pour ces ouvrages abattre quelques maisons sur la Motte de Saint-André ». Un témoignage datant de 1521 mentionne qu’au temps du siège du Nantes (1487) « de l’autre côté devers la motte Saint-André où à présent sont les lices y avait une autre rue de maisons […] et sur ladite motte Saint-André était l’écurie du duc François [François II] ».
Cordiers, potence, foires, danse et jeu de paume...
Occupé par des loges de cordiers, ce site sert également de lieu de supplice. Le gibet du Chapitre est temporairement installé sur la motte au cours du 16e siècle. Mais c’est pour un tout autre usage qu’elle est utilisée par la suite ; des marchands de bestiaux occupent la motte à partir de 1552, date à laquelle les chanoines du Chapitre obtiennent des lettres patentes du roi de France Henri II y autorisant la tenue de foires. Deux-cents ans plus tard, en 1752, à la suite d’autres lettres patentes, les foires sont transférées sur la place Viarme.
Au temps des guerres de Religion qui opposent les catholiques aux protestants, Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur et gouverneur de Bretagne, fait commencer en 1590 les travaux du bastion Saint-André au bas de la motte éponyme. Son épouse, Marie de Luxembourg, fait aplanir et aménager un terrain voisin du bastion pour son plaisir. Cette esplanade prend le nom de la « danse des Dames » et Madame de Mercœur en devient la principale danseuse. Toujours fréquenté au début du 18e siècle, ce lieu de plaisir où les Nantais « se divertissent fort pendant les soirées d’été » est occupé par des commis négociants et des écoliers. On y joue également au jeu de paume installé à partir de 1618 « dans la douve, entre la Tour-Chauvin et l’espron ».
« View of the Walls of Nantes, with the Church of St Peter », Lambert Doomer
Date du document : Vers 1645
Aplanissement de la motte et aménagement du cours des États
Un aplanissement antérieur à la création du cours des États daterait de 1568 comme l’indique Travers : « On aplanit la Motte de Saint-André jusque vis-à-vis [...] la Grosse-Tour ». Trente ans plus tard, la délibération du 28 août 1598 mentionne le projet d’aplanir les mottes Saint-André et Saint-Pierre dans le cadre du projet d’un embellissement de la ville. Concernant la motte Saint-Pierre, les travaux débutent en 1713 ; pour Saint-André, il faut attendre au moins l’année 1752, date à laquelle la ville devient propriétaire de la motte moyennant une rente féodale en faveur du Chapitre qui en était propriétaire auparavant.
Mottes Saint-Pierre et saint-André avant changements, par Jean-Baptiste Ceineray
Date du document : 12/02/1765
Le projet du « cours des États » proposé par l’architecte de la ville Jean-Baptiste Ceineray est approuvé en 1763 et la motte aplanie laisse place à l’espace de promenade que l’on connaît aujourd’hui.
Kevin Morice
Archives de Nantes
2024
En savoir plus
Bibliographie
Durville Georges, « La motte et le cours Saint-André », Bulletin de la Société archéologique de Nantes et du département de la Loire-inférieure, Nantes, 1899
Durville Georges, Études sur le vieux Nantes, 1901
Maître Léon, Nantes avant les Normands, Nantes, 1893
Travers Nicolas, Histoire civile politique et religieuse, Tome II, 1837
Ressources Archives départementales de Loire-Atlantique
G 211 : Titres de propriété du chapitre de la cathédrale de Nantes – Domaines de la ville de Nantes
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Kevin Morice
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