Médailles de l’église Notre-Dame-de-Toutes-Aides
Au tournant des 19e et 20e siècles, Notre-Dame-de-Toutes-Aides fait l’objet d’une grande ferveur populaire. Les pèlerins affluent en nombre dans l’église ouverte en 1881. Parallèlement, la notoriété de ce sanctuaire suscite l’intérêt des marchands de souvenirs qui y voient un nouveau débouché pour leurs objets de piété.
Le couronnement de Notre-Dame-de-Toutes-Aides
Le 24 juin 1883, Monseigneur Lecoq, évêque de Nantes, préside la cérémonie du couronnement canonique de la statue de Notre-Dame-de-Toutes-Aides.
Le couronnement d’une statue, distinction accordée par le pape en personne, est le signe d’une dévotion particulière pour l’image sainte qui reçoit la couronne. Cette pratique est interprétée comme une marque de confiance dans l'intercession auprès de Dieu que la statue réalise pour les fidèles qui la vénèrent.
Le couronnement d’une statue sainte est un grand événement qui rassemble de nombreux fidèles et beaucoup de représentants du clergé.
Le couronnement de Notre-Dame-de-Toutes-Aides ne fait pas exception. 30 000 fidèles seraient venus assister à la cérémonie et monseigneur Lecoq était entouré de neuf autres évêques : ceux de Vannes, Luçon, Bayeux, Bayonne, Angoulême, Coutances, Séez, Blois et Hiéropolis (Turquie), ainsi que de l’abbé de Melleray.
C’est dès le 11 août 1878, lors de la pose de la première pierre de la nouvelle église, que monseigneur Lecoq décide d’entamer les démarches auprès du pape Léon XIII (1878-1903).
Après cinq années de procédure, l’évêque annonce la nouvelle le 7 mars 1883 : l’église ouverte au culte depuis le 28 juillet 1881, allait bientôt abriter une statue de la Vierge couronnée. Notre-Dame-de-Toutes-Aides allait ainsi devenir la première madone de la région nantaise à recevoir une telle distinction !
La renommée de ce nouveau sanctuaire était assurée… La statue de Notre-Dame-de-Toutes-Aides, qui attirait déjà de nombreux pèlerins depuis des siècles, allait voir sa fréquentation croître encore…
Un sanctuaire très fréquenté
L’afflux des pèlerins est immédiat. Le rescrit de Rome, qui autorisait le couronnement de Notre-Dame-de-Toutes-Aides, prescrivait aussi « À tous les fidèles qui visiteront cette église paroissiale le jour du couronnement ou l’un des sept jours suivants, à leur choix, pourvu qu’ils soient vraiment contrits, qu’ils se soient confessés et qu’ils aient communié, nous accordons miséricordieusement pleine indulgence et rémission de leurs péchés ». 80 000 pèlerins seraient ainsi venus à Toutes-Aides durant ces quelques jours !
Deux grands rassemblements annuels contribuent à faire perdurer l’affluence des pèlerins : la fête d’anniversaire du couronnement organisée chaque 24 juin par la paroisse et le pèlerinage des vignerons du département.
Un nouveau marché
Une telle fréquentation fit la fierté doulonnaise et finit par attirer l’attention des fabricants et des vendeurs d’objets de piété, comme les images pieuses et les médailles miraculeuses, des articles alors très prisés des pèlerins qui les achetaient en souvenir des sanctuaires visités.
Médaille dédiée à Notre-Dame-de-Toutes-Aides
Date du document : Vers 1885
C’est par exemple le cas de la société Mayaud frères, entreprise saumuroise fondée en 1770, l’une des plus anciennes de France.
Mayaud Frères, Manufacture générale d’objets religieux, Saumur
Date du document : Vers 1910
Le 9 décembre 2019, l’intégralité de leur fonds technique, un véritable trésor industriel, fut vendu aux enchères. Parmi les lots, 40 000 matrices servant à la frappe de médailles furent dispersées. Deux d’entre elles portaient sur la tranche la mention « Notre-Dame-de-Toutes-Aides ».
Poinçons pour la frappe de médailles dédiées à Notre-Dame-de-Toutes-Aides
Date du document : Vers 1885
Sur l’une, on reconnaît la statue de la Vierge à l’Enfant portant une couronne à triple étage, sur l’autre la façade de la nouvelle église avant la construction du clocher en 1893-1895. Sur l’autre face apparaît un nom, ROSTAING, c’est celui du fournisseur du bloc d’acier qui allait recevoir la gravure. Il s’agit probablement de l’entreprise grenobloise Rostaing et Lafont, « Fers – Fontes – Quincaillerie – Aciers – & Métaux ».
Ces matrices sont en relief. Il s’agit de poinçons, des outils monétaires réalisés en taille directe. Ceux-ci sont souvent des pièces uniques. Les poinçons servent à être enfoncés dans la future matrice, appelée coin, afin d’y marquer le motif en creux. Cette opération délicate s’appelle l’enfoussage. Les coins ainsi obtenus servent ensuite à la frappe des médailles. À cette fin, les deux coins, l’un pour l’avers, l’autre pour le revers, sont placés dans une presse mécanique appelée balancier. L’opérateur place la rondelle métallique (flan) entre les deux coins, puis actionne la presse munie d’un pas de vis et de contrepoids. C’est alors que la rondelle reçoit l’empreinte et devient une médaille. C’est de cette manière que cette médaille dédiée à Notre-Dame-de-Toutes-Aides a été frappée vers 1885.
Même si les archives sont muettes sur le sujet, on imagine que des magasins situés à proximité immédiate de l’église vendaient ces médailles, ainsi que les cartes postales et les images pieuses destinées aux pèlerins. On imagine aussi, comme pour chaque grand rassemblement religieux, des boutiques ambulantes s’installer autour du sanctuaire. Ces étales, aux tréteaux dressés sous des tentes, faisaient partie du décor habituel de tels événements.
Les communiantes
Cependant, ces médailles n’étaient pas seulement destinées à la clientèle de passage. Les paroissiens et paroissiennes de Notre-Dame-de-Toutes-Aides pouvaient les acquérir et les arborer en signe d’appartenance à la communauté paroissiale. C’était en particulier le cas des jeunes communiantes qui intégraient ladite communauté à l’issue de la cérémonie solennelle. Un pendentif, une croix ou une médaille miraculeuse, constituait l’un des cadeaux incontournables offerts aux communiantes.
Jeune communiante portant un collier pourvu de trois médailles en sautoir
Date du document : Vers 1895
La bijouterie nantaise Haies, spécialisée dans la fabrication de chaînes et de sautoirs, travaillait avec les plus grands éditeurs de médailles religieuses, notamment Joseph Ouvry à Ambert, peut-être le plus important producteur français de chapelets et de médailles religieuses au début du 20e siècle.
En-tête d’une facture de la bijouterie Haies adressée à Joseph Ouvry, 1er juillet 1909
Date du document : 01/07/1909
C’est assurément la bijouterie Haies, installée au 27 avenue de l’éperonnière, soit à 1 kilomètre à peine de Notre-Dame-de-Toutes-Aides, qui a confectionné ce magnifique collier de communicante daté de 1909.
Collier de communiantes à trois médailles
Date du document :
Celui-ci comporte trois médailles :
• Celle au centre, en argent, figure l’apparition de la Vierge Rue du Bac à Paris, elle porte au revers l’inscription gravée « M O 1er Xbre 1909 » ;
• La seconde à droite, aussi d’argent, représente Notre-Dame-de-Lourdes, elle porte au revers la mention « souvenir de Lourdes ». Étant en argent, ces deux médailles portent un poinçon de contrôle en forme de tête de sanglier qui marque les pièces de bijouterie réalisées à Paris. Ceci donne à penser qu’elles ont été produites par l’entreprise Saudinos & Ritouret dont l’atelier de frappe était installé au 6 place Saint-Sulpice ;
• La dernière médaille à gauche n’est pas en argent, mais en laiton nickelé (ce qui donne un aspect argenté). Elle est dédiée à Notre-Dame-de-Toutes-Aides. On y reconnaît à l’avers la madone nantaise et au revers son sanctuaire. Cette médaille était déjà ancienne au moment où elle a été montée sur ce sautoir, car elle porte la mention « souvenir du couronnement 24 juin 1883 ».
Détail des médailles du collier
Date du document :
Tout porte à croire que ce collier a été réalisé « à façon ». On imagine, les parents de la jeune communiante doulonnaise se rendant à la bijouterie Haies, y choisir dans le stock de médailles disponibles celles qui seraient montées sur ce sautoir, à moins qu’ils n’y aient apporté eux-mêmes des médailles déjà présentes dans la famille.
Des témoignages rares
Bien qu’elles aient été produites en quantités industrielles à la fin du 19e siècle, les médailles dédiées à Notre-Dame-de-Toutes-Aides sont aujourd’hui d’une grande rareté. Les derniers exemplaires transmettent le souvenir de la ferveur populaire qui entourait cette madone nantaise, la première distinguée par un couronnement canonique, une distinction qui fit la notoriété de cette église paroissiale érigée au rang de sanctuaire marial majeur attirant la foule des pèlerins venus de toute la région.
Ces médailles, objets cultuels autant que culturels et industriels, montrent aussi que le couronnement avait positionné Notre-Dame-de-Toutes-Aides dans le circuit national de l’industrie des « bondieuseries ». Un commerce lucratif qui, au tournant des 19e et 20e siècles, fit la fortune des entreprises spécialisées installées à Saumur, Ambert et Paris.
Gildas Salaün
2024
Album « L'église Notre-Dame-de-Toutes-Aides et ses médailles »
En savoir plus
Bibliographie
Convert-Cuzin Yolande, « L’aventure du chapelet au Pays d’Ambert », L’écho d’Ambert, Ambert, 1986, 44 pages
Pouille Jordan, « Dévotions et liquidation », La Vie, n° 3880, 9 janvier 2020, p. 14-19
Webographie
Couronnement de la statue miraculeuse de Doulon
Historique et description de Notre-Dame-de-Toutes-Aides
Le culte marial à Notre-Dame-de-Toutes-Aides
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Rédaction d'article :
Gildas Salaün
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