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Yves Cosson (1919 – 2012) Cimetière de la Bouteillerie

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Ancienne hostellerie des Jacobins


L’Hostellerie des Jacobins est l’un des seuls vestiges du couvent des Jacobins installé dans le quartier Bouffay dans la première moitié du 13e siècle. Sa construction remonterait au milieu du 15e siècle.

La fondation du couvent des Jacobins

Au début du 13e siècle apparaissent deux ordres religieux dont les fondateurs sont saint François d’Assise et saint Dominique de Guzmàn. Du premier découlent les Franciscains et du second les Dominicains. Fondés en 1215 à Toulouse, les Dominicains suivent la règle de saint Augustin. Il sont également connus sous le nom des Frères prêcheurs ou Jacobins.

Ces ordres dits mendiants se fondent sur deux principes : une prédication au plus près du peuple faite en langue vernaculaire ainsi que le retour à la pauvreté et au dépouillement promu dans l’Évangile. Deux autres ordres mendiants sont reconnus à la même période par la papauté : les Carmes et les Augustins. Ainsi, entre 1250 et 1318, Nantes accueille trois couvents reposant sur ces préceptes : les Cordeliers (Franciscains), les Carmes et les Jacobins. Afin d’être proche de la population, ces communautés s’implantent à l’intérieur de l’enceinte médiévale. Elles jouent ainsi un rôle prépondérant dans la société urbaine nantaise et l’évolution du tissu urbain.

Selon la tradition, saint Dominique se serait rendu à Nantes pour régler le conflit entre le duc de Bretagne Pierre de Mauclerc et l’évêque de Nantes. Il aurait alors conseillé à la duchesse Alix de fonder un couvent dominicain à Nantes, préconisation mise à exécution par le baron André III, seigneur de Vitré. Celui-ci cède un hôtel particulier qu’il possède à proximité de l’église Sainte-Radegonde aux religieux ainsi qu’une terre hors de la ville pour financer la construction du couvent. Un doute subsiste tout de même sur la date de création du couvent : si certains avancent 1228, Dubuisson-Aubenay mentionne 1247 dans son Itinéraire de Bretagne en 1636.

L’extension du couvent

L’implantation des Jacobins à Nantes est soutenue par divers seigneurs ainsi que les ducs et duchesses de Bretagne. Au fil du temps, le couvent s’agrandit de plusieurs bâtiments grâce aux dons. Il se compose notamment des anciens bâtiments de l’atelier monétaire et d’une église. Détruite par un incendie en 1410, celle-ci est immédiatement reconstruite et agrandie. Plusieurs personnalités ont été inhumées dans cette église, dont deux proches d’Anne, duchesse de Bretagne et reine de France : Isabeau, sa petite-sœur, et Françoise de Dinan, sa gouvernante.

Le couvent des Jacobins est situé stratégiquement près du château de la Tour-Neuve, au sud-est des fortifications médiévales. Proche du pouvoir politique, il bénéficie également de la proximité avec le port et son activité commerciale florissante.

En 1480, des terrains sont réquisitionnés aux Jacobins dans le cadre de la construction du Château des ducs actuels. En contrepartie, l’ordre dominicain reçoit l’hôpital de Notre-Dame-de-Pitié ainsi que la Maison de Dieu.

À partir de ce moment-là, les frères dominicains concentrent leur expansion vers la muraille au sud, dans la zone du port Maillard. En 1653, la Ville de Nantes achète une parcelle située devant l’entrée du couvent pour y créer la place du Port-Maillard (actuelle place des Jacobins).

À partir de 1760, les religieux sont contraints de se plier aux plans d’urbanisme édictés par les architectes de la ville. Une partie de leurs bâtiments située sur la contrescarpe du château est détruite pour permettre le percement d’une voie menant au port Maillard. Celle-ci est créée en 1790 seulement au moment où les religieux sont dispersés et que débute le démantèlement du couvent.

Entre 1866 et 1868, le percement de la rue de Strasbourg entraîne la démolition de l’ancien couvent et la séparation en deux de l’église :
• La partie côté place des Jacobins, dont il subsiste aujourd’hui un fragment de deux pilastres à l’entrée de la rue Paul-Dubois, est rasée en 1898 afin d’élever un immeuble,
• La partie côté rue des États est démolie en 1904.

L’Hostellerie, dernier vestige du couvent

Situé entre les rue Lambert et l’impasse Joseph-Peignon, l’Hostellerie des Jacobins se remarque au sud par sa tourelle d’escalier polygonale. Il s’agit d’un édifice sur cinq niveaux présentant la forme d’un quadrilatère de près de 20 mètres de long sur 19 mètres de large pour une hauteur sous charpente de 19 mètres. C’est le seul bâtiment du couvent des Jacobins qui demeure à notre époque.

Lors de la vente de l’hostellerie en 1796 comme bien national, elle est décrite ainsi : « Le logis 15e siècle de trois étages et un niveau de combles présente en façade sud une tourelle d’escalier polygonale. L’hôtellerie comporte de belles pièces avec des cheminées monumentales gothiques ». En l’absence d’archives, on ne peut qu’émettre des hypothèses sur la date de construction de l’hostellerie et ses usages. Il est probable qu’elle ait servi dans un premier temps d’aumônerie pour les malades avant d’être converti en lieu d’accueil pour les voyageurs et hôtes de marque, voire même de résidence pour un dignitaire ecclésiastique. La lecture des sources archivistiques et une étude dendrochronologique fondée sur la mesure des cernes de croissance annuelle de l’arbre, commandée en 2007 par la Ville de Nantes, ont permis de mettre à jour quatre phases de construction.

La première phase remonte à 1458, date à laquelle a été installée la charpente. Le bâtiment aurait donc été construit vers 1455-1460. Les étages supérieurs devaient alors être accessibles par un escalier intérieur aujourd’hui disparu.

La deuxième période de travaux se situe vers 1534-1537. Elle correspond à une phase de restauration importante visant notamment à libérer de l’espace à l’intérieur de l’hostellerie et à contrebuter la poussée du mur et le poids de la charpente :
• Insertion des planchers actuels des trois étages,
• Aménagement des combles,
• Renforcement des poutres soutenant ces mêmes planchers,
• Ajout d’une tourelle d’escalier sur la façade sud en remplacement de l’escalier intérieur du 15e siècle,
• Possible suppression du mur de refend d’origine qui participait au support de la charpente.

L’analyse architecturale tend à montrer que c’est à cette époque que l’édifice est transformé en logis (éclairement, chauffage, distribution verticale par une tourelle). Des cheminées taillées sont disposées au rez-de-chaussé et au troisième étage.

Entre 1646 et 1647, une nouvelle campagne de travaux se concentre sur la consolidation et la restauration de l’édifice. Enfin, entre 1712 et 1714, le pan de bois et la charpente de comble sont mis en place sur la tourelle d’escalier. 

Les arrachements sur les murs Nord et Sud montrent que le bâtiment se poursuivait vers l’Est : les ouvertures visibles sur le pignon de la rue Paul-Dubois permettaient de communiquer avec la partie détruite à la fin du 18e siècle lors du percement de cette même rue.

Le rez-de-chaussé sert de buvette, d’épicerie, puis de dépôt de la Ville avant d’accueillir la mairie de la Commune Libre du Bouffay de 1979 à 2002.

Le bâtiment étant en trop mauvais état, l’association est contrainte de déménager rue du Vieil-Hôpital. En 2008, l’hostellerie est acquise par l’Association foncière urbaine libre dite des Jacobins qui restaure l’édifice et le transforme en un immeuble d’habitation.

Noémie Boulay
Direction du patrimoine et de l’archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2024

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En savoir plus

Bibliographie

Bertrand Paul, « La fondation des ordres mendiants : une révolution ? », Structures et dynamiques religieuses dans les sociétés de l’Occident latin (1179-1449), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019, pages 195-204

Charrier Lény, Les hôtels construits dans Nantes intra-muros de la fin du XVe siècle au début du XVIe siècle, Université de Nantes, 2017

Vincent Vaiana, « Les couvents des ordres mendiants de la ville de Nantes : l’exemple du couvent des Jacobins », Nantes religieuse, de l'antiquité chrétienne à nos jours, Actes du colloque organisé à l'université de Nantes (19-20 octobre 2006), Nantes, Société archéologique et historique de Nantes et Loire-Atlantique, 2008, pages 83-98

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Rédaction d'article :

Noémie Boulay

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