Ancienne tenue de Bellestre
Dans le faubourg de Richebourg, la propriété de Bellestre fait partie de ces nombreux lieux dont le nom est tombé dans l’oubli. Située sur le territoire de la paroisse Saint-Donatien, et bordée par un ruisseau séparant cette dernière de Saint-Clément, Bellestre a traversé les siècles avec différents propriétaires jusqu’à la création du Jardin des Plantes par la municipalité de Nantes au début du 19e siècle.
Les seigneurs de Bellestre
Jean Spadine, sieur de la Nicollière, et son épouse Perrine Poher, « nobles gens », sont mentionnés dans un acte concernant « le lieu de maison de Bellestre » en 1572. La tenue, qui se compose d’un jardin et d’une vigne (comme beaucoup d’autres propriétés du faubourg de Richebourg à cette période) borde Bellevue et en est séparée par un ruisseau se jetant plus bas dans la Loire. Le même acte évoque un logis proche de Bellestre, « la maison de la Tour Carrée », qui « fut autrefois à Pierre Billy », avocat au Présidial et échevin à Nantes et à « Thomine Levavasseur » sa compagne. Le fils de Jean René Spadine, également avocat au Présidial, est désigné, tout comme son père auparavant, comme « sieur de Bellestre ».
Après la famille Spadine, c’est au tour de Roch Chasteau, sieur du Rocher, de prendre possession de Bellestre. Son fils Roch en hérite et vend en 1640 un petit logis situé entre Bellevue et Bellestre aux Ursulines venues s’installer sur Nantes en 1627. En 1656, un acte passé entre la famille Chasteau et l’écuyer Alexandre de Compludo décrit la maison noble de Bellestre comme un grand corps de logis près d’un grand jardin. Le même document mentionne de nouveau la maison « vulgairement appelée la Tour Carrée » et la présence d’un petit édifice religieux, une chapelle où furent parfois célébrés des mariages. Les héritiers d’Alexandre de Compludo vendent la propriété en 1661 au sieur Claude Bidé de la Botinière qui la vend à son tour aux sœurs Ursulines en 1678.
Le jardin des Ursulines
Au fil du temps, les Ursulines ont considérablement étendu leur propriété. L’acquisition des tenues de Bellevue et de celle de Bellestre leur permet de cultiver leurs arbres fruitiers et leur vigne dans un grand jardin. Il en existe une description dans un ouvrage rédigé en 1855 par Jean-Marie Écorchard qui relate la préhistoire du Jardin des Plantes. Aidé par la sœur Aimée de Jésus (née Madeleine Françoise Trébuchet, tante de l’écrivain Victor Hugo), le directeur du Jardin des Plantes décrit Bellestre en ces termes : « La tenue embrassait l’espace occupé aujourd’hui par la partie est de l’école botanique, le monticule, les allées, les pelouses, les massifs voisins, et l’école de taille. Elle formait deux parties distinctes par leurs cultures, et séparées l’une de l’autre par une allée verte plantée d’arbres fruitiers. La partie supérieure était un clos de vigne orné de quelques pêchers ; la partie inférieure formait une vaste pâture dont le terrain très inégal était planté ça et là de cerisiers, de poiriers et d’abricotiers en plein vent ».
Quand les religieuses sont chassées en 1791, elles sont dépossédées de leurs biens. La maison de Bellestre, reconstruite en 1772, est vendue aux enchères le 21 juin 1792. La chapelle Saint-René sert de corps de garde et les maisons donnant sur la rue de Richebourg qui bordaient le couvent au sud sont vendues comme biens nationaux.
Le Jardin des Plantes
Un jardin botanique y est aménagé au début du 19e siècle et les maisons longeant Bellestre continuent d’être habitées jusqu’à la suppression d’une partie de la rue Richebourg lors de l’extension du Jardin des Plantes. Le propriétaire d’une petite cour attenant l’ancienne chapelle Saint-René se plaint que sans cesse « on remplit ce coin d’ordures ». Acquises dès 1858, les maisons sont démolies une à une et le Jardin des Plantes peut ainsi s’étendre jusqu’à la gare récemment installée.
Quelques pieds de vignes dans le jardin botanique pouvaient encore rappeler il y a quelques mois le souvenir de cette culture à Bellestre avant l’aménagement d’un bassin armoricain dans le haut du Jardin des Plantes.
Kevin Morice
Archives de Nantes
2024
En savoir plus
Bilbiographie
Verger F.J., Archives curieuses de la ville de Nantes et des départements de l'Ouest, Nantes, 1840
Écorchard Jean-Marie, Histoire du Jardin des plantes de Nantes : réponse aux critiques dirigées contre les travaux qui ont transformé le jardin ; projet d'agrandissement et plan colorié propre à en démontrer l'importance, Guéraud, Forest et Denis, Nantes, 1855
Union Romaine de l’ordre de Sainte-Ursule, Les Ursulines à Nantes de 1627 à nos jours, Communauté des Ursulines de Blanche de Castille, Nantes, 1970
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Kevin Morice
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