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Cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul (2/2) Habitations à bon marché

1694

Tombeaux


Les tombeaux – ou les cénotaphes, lorsque le monument ne contient pas les restes du défunt – ont comme fonction première d’entretenir une mémoire, familiale ou collective. Leur érection relève de préoccupations et de sentiments divers, où interviennent, tour à tour ou conjointement, désir d’ostentation, volonté de reconnaissance, ambition artistique. C’est sans doute celle-ci qui assure le plus efficacement la longévité de ces édifices.

Certes l’église Saint-Donatien entend bien conserver un cénotaphe qui daterait des débuts du christianisme à Nantes, celui des frères martyrs Donatien et Rogatien, sans que ce tombeau puisse prétendre à la qualité d’œuvre d’art.

Cependant, le certificat d’authenticité délivré par les archéologues de la fin du 19e siècle repose davantage sur des hypothèses que sur des certitudes. De toute manière, authentique ou non, le tombeau de Donatien et Rogatien fait figure d’exception.

Une richesse patrimoniale perdue

En effet, parmi les nombreux tombeaux décrits au 17e siècle par le voyageur Dubuisson-Aubenay dans son Itinéraire, un seul, celui de François II, duc de Bretagne de 1458 à 1488, est parvenu jusqu’à nous. On a néanmoins conservé des images fidèles des monuments disparus grâce à François-Roger de Gaignières qui a parcouru le Grand Ouest de la France entre 1693 et 1713 et dessiné, entre autres, des armoiries, des sceaux et des tombeaux : les spécialistes s’accordent sur l’exactitude de ces dessins, conservés à la Bibliothèque nationale de France, et qui confirment les descriptions de Dubuisson-Aubenay.

Ce dernier s’est notamment intéressé aux tombeaux de plusieurs couvents (cordeliers, jacobins, carmes) ainsi qu’à ceux de la collégiale Notre-Dame et de la cathédrale. L’église du couvent des cordeliers était la plus riche : on y trouvait naturellement des membres de la famille des fondateurs, les Rieux, mais aussi, dans la chapelle Notre-Dame d’Espagne, des Espagnols  établis à Nantes en tant que marchands et dont certains avaient également exercé des fonctions administratives ou judiciaires dans la ville. Mais c’est surtout la famille ducale qui a cherché le repos dans les églises nantaises. On retrouve, en effet, des représentants de cette famille dans chacun des établissements visités par Dubuisson-Aubenay : aux cordeliers, l’enfant Robert de Bretagne, fils du duc Jean Ier et de Blanche de Champagne, mort en 1259 à l’âge de 8 ans ; dans la chapelle des jacobins, Isabeau de Bretagne, fille du duc Jean V; dans la collégiale Notre-Dame, Pierre II et son épouse, Françoise d’Amboise ; à la cathédrale, le duc Jean IV. Tous ces monuments témoignent, par l’accumulation des symboles politiques, de la volonté d’exalter la puissance de l’État breton et d’en perpétuer la mémoire.

Le tombeau de François II

Dubuisson a également vu, au couvent des carmes, le tombeau du duc François II. Commandé en 1499 par sa fille Anne de Bretagne, il y demeure jusqu’en 1792, date à laquelle il est démonté et caché pour échapper au vandalisme. Restauré après la Révolution, il gagne le transept de la cathédrale en 1817.

Le monument a été conçu par l’architecte Jean Perréal, tandis que la statuaire était confiée à Michel Colombe. Sur un bloc rectangulaire reposent les gisants du duc et de sa seconde épouse, Marguerite de Foix. À leurs pieds, un lion, symbole de puissance, et un lévrier, symbole de fidélité. La représentation des corps évoque la dignité et la piété, selon une technique et un sens artistique directement puisés aux sources de la Renaissance italienne.

Les flancs du tombeau sont ornés de niches dans lesquelles sont représentés les apôtres. Le chevet et le pied sont respectivement occupés par les figures de Charlemagne et de saint Louis, d’une part, des saints patrons des gisants, de l’autre.

Mais ce qui attire le plus le regard du visiteur, ce sont les statues d’angles, quatre statues féminines représentant les vertus cardinales de Prudence, de Tempérance, de Force et de Justice (cette dernière reprenant peut-être les traits de la commanditaire). Chacune, dotée de ses attributs symboliques, bénéficie d’un traitement bien individualisé, tant pour les traits des visages que pour le drapé des vêtements : sérénité et simplicité pour les deux premières, détermination et faste pour les deux autres.

Le message délivré est à la fois moral et politique. Il propose des modèles de vertus à imiter, mais évoque en même temps la grandeur de la fonction ducale, dont il entend perpétuer la mémoire.

D'autres monuments intéressants

Le cénotaphe de Juchault de La Moricière, qui occupe l’autre extrémité du transept, présente à première vue des analogies avec celui de François II. Érigé en 1879, quatorze ans après la mort du général, il présente la même monumentalité architecturale et le même dispositif de décor. La conception d’ensemble est due à l’architecte Louis Boitte, tandis que les statues de bronze qui occupent les angles sont l’œuvre de Paul Dubois, l’un des sculpteurs du groupe « néo-florentin ». Mais la comparaison s’arrête là car les intentions et l’exécution ne sont pas les mêmes dans les deux cas.

Le tombeau de Lamoricière est conçu pour pérenniser la mémoire d’un individu, non d’une dynastie et d’un État. Plusieurs inscriptions latines, ainsi que les statues d’angles, rappellent les vertus dont on crédite le défunt. Une autre inscription, plus prolixe, rend compte de ses principaux faits d’armes : sa contribution (violente) à la conquête de l’Algérie, sa participation active à la répression sanglante des insurgés parisiens de juin 1848 (qualifiés de « rebelles criminels ») et enfin son impossible combat à la tête des zouaves pontificaux pour préserver l’intégrité des États du pape. Pourtant le visage du gisant n’est pas celui d’un guerrier, mais celui, doux et serein, d’un homme jeune, satisfait des missions accomplies.

De la même époque (1883), dans l’église Saint-Nicolas, le cénotaphe de Félix Fournier, curé de la paroisse (1836-1870) puis évêque de Nantes (1870-1877), n’offre pas le même intérêt. Le gisant de marbre blanc reposant sur une dalle de marbre noir, représente le défunt avec ses attributs épiscopaux. Mais les inscriptions et la peinture honorent le curé bâtisseur qui consacra une grande partie de sa vie et de ses forces à l’édification de l’église actuelle.

On trouverait d’autres monuments funéraires intéressants en parcourant quelques-uns des quinze cimetières nantais. Le plus riche d’entre eux, celui de la Miséricorde, offre à lui seul, bordant l’allée centrale, un remarquable ensemble de mausolées de style néogothique érigés à la mémoire et à la gloire des grandes familles nantaises, dont la domination sociale est ainsi matérialisée et magnifiée. On note cependant que certains de ces mausolées, aux portes délabrées, ne sont plus entretenus, ce qui induit les limites de la pérennité du souvenir.

Robert Durand
Extrait du Dictionnaire de Nantes
(droits d'auteur réservés)
2018

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