Mariages mixtes et parrainages entre Castillans et Nantais au 15e et 16e siècles
Les Castillans forment un groupe important dans le duché breton à la fin du Moyen Âge. Ils sont sans doute les seuls étrangers à avoir donné naissance à une communauté ayant développé une véritable stratégie d’intégration à long terme.
Les registres des baptêmes conservés aux archives municipales de Nantes fournissent notamment de précieuses indications sur ces stratégies. En effet, dès la première génération, ces Castillans se montrent soucieux d’organiser ou de renforcer un système de clientélisme, qui passe par des mariages et des parrainages.
Des mariages mixtes
Les Castillans utilisent délibérément l’union matrimoniale à la fois pour s’intégrer et s’élever dans l’échelle sociale. Ils épousent le plus souvent des bourgeoises de bonne famille et marient leurs enfants avec des Nantais et des Nantaises. Le couple formé par Guyonne, fille de Radulphe Le Gouz, et Alonso de Mirande constitue un de ces mariages mixtes. La famille Mirande est l’une des plus anciennes familles castillanes installées à Nantes. Quant aux Le Gouz, certains exercent des fonctions dans les finances ducales, d’autres sont marchands et miseurs (comptables municipaux). Après la mort de son premier mari, vers 1500, Guyonne se remarie avec un autre Espagnol, Consallo de Compludo. Leur fille Marie épouse Julien Coué en 1530, un beau parti. Détenteur de trois seigneuries dans le comté nantais, il succède à son père comme secrétaire à la chambre des comptes, probablement au cours de l’année 1531. Il y a donc extension du champ matrimonial à une famille noble.
De multiples parrainages
Au-delà des liens du sang et de l’alliance matrimoniale, la parenté spirituelle ou parrainage est un moyen d’alliance supplémentaire utilisé par des familles étrangères pour étendre le réseau d’influence. L’usage du parrainage se développe à partir du 13e siècle, ce qui explique la multiplication des parrains et des marraines (appelés aussi compères et commères). Leur nombre est réduit à trois par l’Église au milieu du 13e siècle : le statut synodal de Cambrai stipule que « si l’enfant est un garçon, il faut une femme et deux hommes, si c’est une fille, un homme et deux femmes ». Le fait d’avoir plusieurs enfants permet d’élargir la parentèle. On assiste d’ailleurs à de véritables cumuls de parrainages et de commérages qui contribuent à renforcer les solidarités avec les familles aristocratiques et bourgeoises ou à conforter une alliance déjà établie par le mariage.
Acte de baptême en espagnol
Date du document : 02-11-1550
Parmi les actes de baptêmes conservés à Nantes, dans les paroisses de Saint-Nicolas ou de Sainte-Croix, trois sont écrits en espagnol, les autres le sont en latin ou en français. De nombreux actes de baptême mentionnent des Castillans ou leurs épouses comme parrains et marraines et/ou comme parents de leurs enfants, qui ont à leur tour des parrains ou marraines nantais ou espagnols. Par exemple, Martin Darande, marié à Jeanne Caradreux, a 10 enfants, donc 30 parrains et marraines, parmi lesquels surtout des membres de l’élite nantaise ainsi que deux Italiens, mais aucun Castillan. Les marchands castillans sont également associés à la bourgeoisie ou noblesse de Nantes en figurant à leur tour comme parrains. Certains collectionnent les parrainages, notamment les épouses des Espagnols. Des prénoms espagnols, comme Alonso, Consallo ou Ferrando, se diffusent ainsi parmi quelques familles nantaises.
Cet article a été initialement publié en janvier 2023 sur le site Bécédia.
Laurence Moal
2024
En savoir plus
Bibliographie
Moal Laurence, L’Étranger en Bretagne au Moyen Âge : présence, attitudes, perceptions, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008
Nantais venus d’ailleurs. Histoire des étrangers à Nantes des origines à nos jours, Rennes, Presses universitaires de Rennes, Association Nantes histoire, 2007
Mémoires des migrations, du Moyen Âge au XXe siècle. Tolérance, intolérance, Catalogue d’exposition, Nantes, 1998
Touchard Henri, Le Commerce breton à la fin du Moyen Âge, Paris, Les Belles Lettres, 1967
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Rédaction d'article :
Laurence Moal
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