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Foyer des jeunes travailleurs Beaulieu


Les Foyers des jeunes travailleurs font partie des grands mouvements d'éducation populaire nés entre les deux guerres, et qui se sont développés après 1945 dans un contexte de crise du logement et d’exode rural des jeunes. Pour faire face à cette crise, de nombreuses initiatives émanent de bénévoles souvent issus du militantisme social catholique et plus particulièrement de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC). Aussi, dès janvier 1946, un premier foyer voit le jour à Nantes.

Une première expérience

À la sortie de la guerre, de nombreux jeunes ruraux, embauchés dans les entreprises du bâtiment, viennent à Nantes au cours de la période de la reconstruction. Une enquête conduite par la JOC nantaise en 1945 révèle que 67 % des jeunes ouvriers viennent du milieu rural. Ces derniers logent la plupart du temps dans des conditions déplorables.

En 1946, l'Association départementale pour l'éducation de la jeunesse ouvrière par les loisirs, dite Foyer du jeune travailleur, est créée. À Nantes, à la veille de l’hiver 1945-46, un groupe de militants de la JOC et des personnalités patronales locales forment une association pour l’hébergement des jeunes travailleurs déplacés. Des locaux sont trouvés au 129, boulevard Eugène-Orieux et permettent l’accueil de 30 jeunes travailleurs à partir de janvier 1946. Mais cette initiative est loin de répondre aux besoins locaux.

L’ouverture du foyer et le développement des activités socio-éducatives

En 1956, forte de sa première expérience, l’Association nantaise des foyers des jeunes travailleurs (ANFJT), décide de construire un foyer permettant l’accueil de 150 jeunes dans des conditions de confort adaptées à l’époque. Un terrain remblayé, situé à l’extrémité du boulevard Vincent-Gâche, est acquis. Les travaux débutent en décembre 1957 et durent 22 mois. Le foyer est inauguré par Maurice Herzog, haut commissaire à la jeunesse et aux sports, le 26 septembre 1959.

Le nouvel établissement non-mixte accueille alors des jeunes travailleurs de 16 à 23 ans répartis sur cinq étages abritant chacun 30 lits en chambres collectives et individuelles. Le foyer dispose d'un restaurant ouvert au quartier et de nombreuses salles d'activités. La direction est confiée à Paul Tampreau, assisté d'un intendant. Rapidement, l’établissement connaît un succès incontestable. À l’automne 1961, son effectif est au complet et en 1964, 10 000 repas sont servis chaque mois dans son restaurant.

En 1963, la construction d’un Foyer des jeunes travailleuses au 1, rue Porte-Neuve est décidée. Il ouvre ses portes en septembre 1968, année où l’association devient l’Association nantaise des foyers de jeunes travailleurs et travailleuses. Paul Tampreau en devient le délégué général. Il est chargé de gérer les deux foyers et de développer les activités de l'association en fonction des besoins des jeunes. En effet, dès son ouverture, l’établissement est agréé comme association d'éducation populaire en raison des nombreuses activités sportives et culturelles qui sont proposées aux jeunes résidents. Mais l’animation ne bénéficie d'aucun financement. C’est pourquoi, un couple bénévole est accueilli à chaque étage : en contrepartie de leur logement, ils acceptent d'animer la vie collective du foyer. En dehors de leurs heures de travail à l’extérieur, ils sont disponibles auprès des jeunes de l’étage pour les écouter, les aider dans leurs démarches, apporter des conseils et donner une impulsion éducative, tant individuelle que collective.

Dans les années 1960, le Foyer des jeunes travailleurs développe une palette de loisirs éducatifs dans le cadre d’une organisation spécifique, composée d’une équipe d’éducateurs, d’un conseil de maison élu, de responsables d’activité, d’une commission éducative et d’une assemblée générale réunissant tous les jeunes du foyer. Les activités proposées sont nombreuses : une bibliothèque et un cercle de lecture, un ciné-club, de l’art dramatique, des sorties spectacles, des auditions musicales, des cours de guitare, des conférences, un laboratoire photographique, des cours de montage audiovisuel et de cinéma amateur.

S’adapter au nouveau contexte socio-économique : l’insertion professionnelle

Au cours des années 1970, la dégradation de la situation économique frappe de plein fouet les jeunes. Les termes de précarité et d'exclusion apparaissent pour désigner les nouveaux problèmes sociaux. Les FJT sont alors en première ligne face à la fragilisation de l’accès à l’emploi, qui touchent principalement les moins qualifiés. Par ailleurs, l'abaissement de l'âge de la majorité en 1974 a pour conséquence l'arrivée nouvelle et importante de jeunes majeurs en rupture familiale. Au début des années 1980, les foyers hébergent majoritairement des citadins. Pour répondre à cette nouvelle catégorie de précaires, les FJT ont élargi les critères d'accueil : l’hébergement des chômeurs dans des lieux créés à l’origine pour aider des « jeunes travailleurs » est une rupture symbolique importante.

En 1985, un terrible constat s’impose : le nombre de jeunes chômeurs hébergés au FJT est en forte augmentation. Toute l’action éducative est alors orientée vers la formation et l’emploi. Les animateurs bénévoles ont été progressivement remplacés par des professionnels. Leur principale tâche est axée sur l’action en faveur de l’emploi. Des activités culturelles sont toujours organisées régulièrement « mais tant que le problème de l’emploi n’est pas résolu pour un jeune, le reste compte peu pour lui », souligne Paul Tampreau.

À côté de ces nouvelles demandes sociales, les FJT doivent également faire face au vieillissement de leurs locaux. Dans les années 1990, l’offre d’hébergement est inadaptée et de lourdes réhabilitations s’imposent. Le Foyer Beaulieu est alors complètement restructuré et devient la résidence Port Beaulieu avec 203 lits. Les chambres sont équipées de sanitaires complets. Trente-deux studios sont réalisés, le secteur restauration est entièrement refait et une salle de spectacle est créée.

Les années 2000 sont marquées par une crise du logement qui s'accroît dans un contexte de baisse des financements publics, de retards pris dans les programmes de logements sociaux et de hausse considérable des prix sur le marché de l'immobilier : pour les jeunes, la part du revenu consacrée au logement est passée, hors aide au logement, de 29% en 1988 à 40% en 2005. Dans le cadre du vaste programme urbain Île de Nantes, la résidence est totalement restructurée entre 2006 et 2009. Quatre bâtiments sont construits ou réhabilités, deux sont démolis. L’association nantaise Adélis est désormais le gestionnaire de la résidence pour jeunes actifs « Les Forges » qui compte 151 studios pour accueillir les 16/30 ans. En croisant les missions d'hébergement, d'accompagnement socio-culturel et d'insertion, la fonction des FJT est désormais d'éviter l'exclusion aux jeunes résidents.

Nathalie Barré
Archives de Nantes
2022



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En savoir plus

Bibliographie

Archives de Nantes, Le quartier des Ponts, coll. Quartiers, à vos mémoires, Nantes, 2021

Tampreau Paul, « Le Foyer des Jeunes Travailleurs », Annales de Nantes et du Pays Nantais, n°222, 1986

Pages liées

Dossier : histoire des solidarité à Nantes

Dossier : le quartier République – Les Ponts

Tags

Association Beaulieu-Mangin Solidarité Éducation

Contributeurs

Rédaction d'article :

Nathalie Barré

Témoignage :

Daniel Roger ; Charly Moëc

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