Dockers
La présence de ces travailleurs du port est sans doute aussi ancienne que l’existence des installations portuaires de la cité. Avec comme frêle indice la présence de la rue de la Bâclerie dans le quartier de l’ancien Port-Maillard, on peut évoquer pour le Moyen Âge l’activité des bâcleurs ou bâcliers chargés d’embarquer et débarquer les marchandises des navires dans un port bien encombré où ils assurent aussi les déplacements des bateaux et aident à barrer le fleuve et la rivière chaque soir.
À l’époque moderne, appelés parfois arrimeurs ou boucaniers, les débardeurs sont de rudes gaillards. La tâche dont ils détiennent le jaloux monopole consiste à transporter – sur la planche qui va du navire au quai – les pièces de bois, ballots, sacs, futailles…; ensuite ce sont les portefaix qui assurent la manutention jusqu’aux entrepôts. Travailleurs de force ils forment une corporation bien turbulente : ainsi les voit-on au 18e siècle envahir la salle de la Bourse (1735), réservée aux négociants, et ne la quitter que chassés par le maire et la milice ! À leur égard l’opinion balance entre admiration de leur force de travail et vision sévère de ces fauteurs de conflits sociaux.
Dessin,  Dockers au repos , détail
Date du document : 1843
Dans leurs tâches, et souvent dans l’agitation sociale pour les préserver, ce sont les dockers (de l’anglais dock-workers) qui leur succèdent à l’époque contemporaine.
Gravure,  Les Boucaniers , publiée dans  Nantes la Grise 
Date du document : 1899
Aidés par des engins de levage de plus en plus puissants tels que grues et portiques, les dockers (structurés syndicalement en 1901) continuent au 20e siècle à lutter pour deux revendications : salaires décents et monopole d’embauche. La longue grève du printemps 1907 est emblématique avec, le 19 mars, les obsèques impressionnantes du gréviste Victor Charles, tué lors d’un affrontement avec la police, et la création des soupes communistes immortalisées par les cartes postales. Si elle se conclut sur un échec, elle a cependant donné une image positive de ces ouvriers solidaires dont le travail est souvent magnifié par littérateurs et artistes. A contrario, la Chambre de commerce et leurs employeurs dénoncent leurs « privilèges » et leur sectarisme en les accusant de ruiner la compétitivité du port de Nantes. Durant le siècle, leur nombre décroît inexorablement, de près de 2 000 au début à 550 en 1945 (titulaires de la carte professionnelle instaurée par le régime de Vichy) ; 400 en 1982, ils ne sont plus qu’une quarantaine de titulaires de la carte professionnelle aujourd’hui.
Eau-forte sur vélin,  L'Ermitage à Nantes 
Date du document : 1936
Leur métier est bouleversé par le développement du transport en conteneurs et, pour le site nantais, par le glissement des trafics vers l’aval. Le quai Wilson est à peu près déserté, le port au bois de Cheviré (où travaillent des dockers non syndiqués) et le site de Roche-Maurice (port au blé) restent les pôles d’activité principaux. La réforme de 1992 (mensualisation et salariat par des entreprises de manutention privées), ratifiée après de dures négociations à Nantes, sanctionne cet état de fait.
Quai de l'Aiguillon, au bas de Chantenay
Date du document : Années 1950
Déchargement d'un grumier dans le port à bois de Cheviré
Date du document : 1990
En 2012, alors que sur l’Île de Nantes les deux dernières grues – jaune et grise –, sont préservées en tant que «monuments historiques », le combat essentiel des dockers consiste à faire reconnaître comme maladie professionnelle les affections liées à la manipulation des cargaisons dangereuses.
Débarquement du sucre, quai des Salorges
Date du document : Début 20e siècle
Jean-Louis Bodinier, Jean Breteau
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d'auteur réservés)
En savoir plus
Bibliographie
Archives de Nantes, Du quai de la Fosse vers Mellinet-Canclaux, Ville de Nantes, Nantes, 2016 (coll. Quartiers à vos mémoires)
Bodinier Jean-Louis, Breteau, Jean, Nantes, un port pour mémoire, Apogée, Rennes, 1994
Patillon Christophe, Noyer, Manuella, « Dockers, la fin d’un monde », Place publique Nantes Saint-Nazaire, n°26, mars-avril 2011, p. 128-132
Patillon Christophe, Les hommes libres : dockers du port de Nantes, Ed. Du CHT, Nantes, 2018
Poungui Jean-Clovis, « La manutention portuaire au Port Atlantique de Nantes-Saint-Nazaire après
la réforme de 1992 : nouvelles pratiques ou continuités », Cahiers nantais, n° 47-48, 1997, p. 196-204
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Jean-Louis Bodinier, Jean Breteau
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