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Résistance École François Dallet

1786

De la digue au comblement : une histoire du fleuve sur le territoire de Nantes Métropole (3/3)


Au début du 20e siècle, les grands principes de la fin du 19e siècle sont maintenus : les travaux ont pour but de faciliter la remontée maritime et les effets de la marée dans le bras principal du fleuve.

Dans ce but, la loi du 3 mai 1900 autorise les travaux de dragage du bras principal et la construction de quais. Ces principes sont à nouveau réaffirmés dans la loi du 24 décembre 1903 qui déclare d'utilité publique l'approfondissement de la Loire maritime, y compris la section contournée par le canal de 1892. Les travaux à faire doivent donc permettre de conserver l’énergie de l’onde de marée le plus loin possible vers l’amont dans l’objectif du maintien d’une navigation maritime jusqu’aux quais de Nantes. Ces travaux d’amélioration de la Loire comprennent la création d’un bassin de marée en amont de Nantes, le creusement du chenal, la construction et l’amélioration des digues et le rescindement de certaines îles. Afin d’évaluer les effets de ces travaux sur les conditions de navigation, une connaissance détaillée de la marée fluviale apparaît indispensable. A ce titre, il existait, à l’échelle de l’actuelle métropole, deux stations marégraphiques établies depuis 1862, l’une à Chantenay en rive nord et l’autre au Pellerin en rive sud. Afin de compléter ces installations, une troisième station marégraphique est installée à Basse-Indre en 1908 selon le système dit à “courant d’air continu”.

A partir de 1900, le fleuve nantais est régularisé : les îles font l’objet d’un alignement comme la Prairie-au-duc dont les rives sont “alignées” par la construction des quais des Antilles et Wilson ou sont supprimées comme l’île Lemaire en 1902.

Plan général de la gare

Plan général de la gare

Date du document : 1900

Parallèlement, tous les deux à quatre ans, des chantiers de dragages ont lieu dans tous les bras du fleuve mais une attention particulière est portée à ceux de la Madeleine et de Pirmil. Lors de ces campagnes, le sable est dragué jusqu’au pied des quais afin de permettre l’abord facile des navires et l’installation des bateaux fixes. Ces travaux qui creusent de plus en plus profondément le lit du fleuve vont finir par déséquilibrer le régime hydrographique. Le bras nord s’assèche en quelques années et l’étiage est si bas que l’ensemble des pilotis de bois sur lesquels furent bâtis les quais et les maisons de Nantes émergent et commencent à pourrir. En outre, les assecs prolongés vont mettre à jour les vases et les rejets des égouts dégageant des miasmes pestilentiels. Ils accentuent également les difficultés d’accès à l’Erdre. Ne pouvant remédier au déséquilibre, l’Etat prend unilatéralement la décision draconienne de combler les deux bras nord de la Loire nantaise.

Convaincus de l’opposition municipale au projet, les ingénieurs des Ponts et Chaussées décident de ne pas solliciter le financement de la municipalité. Le projet est entériné au niveau national et la ville est mise devant le fait accompli de ce projet indispensable pour « éviter de plus redoutables catastrophes ». Seul maître d’ouvrage, l’administration des Ponts et Chaussées entame le processus par le comblement du bras de la Bourse en 1926. Retenus par des batardeaux métalliques des millions de mètres de cube de sable sont déversés pendant deux ans et rattachent l’île Feydeau et l’ancien rocher de la Saulsaie à la rive.

Panorama sur la ville et la Loire comblée

Panorama sur la ville et la Loire comblée

Date du document : Fin du 19e siècle

Entre 1928 et 1929, la pointe de l’île Gloriette, qui provoque un rétrécissement du bras de la Madeleine, est rescindée pour permettre de créer une rive continue entre le quai de la Fosse et celui de Moncousu et obtenir un chenal de 150 mètres de large. De 1929 à 1931, le comblement du bras de l’hôpital débute autour du Pont Maudit ; puis, se poursuit de 1930 à 1936 autour du pont de Belle-Croix. Entre 1931 et 1937, l’île Feydeau est rattachée à l’île Gloriette.

Photographie aérienne de la Loire nantaise

Photographie aérienne de la Loire nantaise

Date du document : 1923

Le projet s’achève par le comblement de la partie orientale du bras de la Bourse entre 1938 et 1940.

Après quatorze ans de chantier, Nantes a perdu trois de ses îles principales - Feydeau, Gloriette et Madeleine et a gagné environ 750 mètres de rives. Environ le tiers de sa population qui était quotidiennement en lien avec le fleuve et les îles perd tout rapport à l’insularité et, la moitié de la ligne des ponts - Ponts de la Poissonnerie, de la Belle-Croix, de la Bourse et pont Maudit - disparus par manque d’eau à traverser et ensevelis alors qu’ils participaient à l’identité de la ville depuis le Moyen Age.

Photographie aérienne de la Loire nantaise

Photographie aérienne de la Loire nantaise

Date du document : 10-08-1944

Si le comblement des deux bras nord offre à la ville la possibilité de réinventer une partie de son tissu urbain, il crée un traumatisme chez les habitants. C’est alors que commence à apparaître l’idée d’un âge d’or de la “Venise de l’Ouest”. Cet enjolivement et exotisation du rapport à la Loire et du fonctionnement quotidien entre le fleuve et la ville se ressent encore aujourd’hui dans les projets municipaux pour “recréer le lien à la Loire”. Au terme de deux cents ans de transformations intenses du fleuve, le lit de la Loire, au niveau de la confluence nantaise a perdu environ 800 mètres de large. Le fleuve offre aujourd’hui un paysage linéaire typique des cours d’eau chenalisés. Malgré le caractère titanesque des travaux entrepris, l’ensablement n’a cessé de rendre la Loire de plus en plus inadaptée aux navires de gros tonnage. Vingt ans après la fin des comblements, le port de Nantes commence à décliner.

Suite Gestion des confluences

Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes / Nantes Métropole ; Service du Patrimoine, Inventaire général, Région Pays de la Loire
Inventaire du patrimoine des Rives de Loire
2021

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Comblement Crue et inondation Loire Port Île

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Rédaction d'article :

Julie Aycard, Julien Huon

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