Nantes la bien chantée : Chanson de la Jonelière
La chanson évoque la qualité d’un quartier de plaisance au bord de l’Erdre, en s’attardant notamment sur les loisirs et la danse dans une atmosphère très « guinguette ».
Avant que les promoteurs n'en fassent un quartier résidentiel, La Jonnelière était un coin de campagne au bord de l’eau, animé par les bistrots et guinguettes où les nantais venaient se distraire et taquiner le goujon. Une chanson a été éditée sur feuille volante, qui nous restitue le souvenir de cette belle époque. Elle fut publiée dans les années 20 ou années 30 et porte la double signature d’A. Aubin pour les paroles et Jo Aubernon pour la musique.
Nantes dans le texte
La ville de Nantes n’est pas expressément citée dans ce texte enjoué mais, ne serait-ce qu’en raison de l’activité footballistique qui lui est attachée depuis plusieurs décennies, même le dernier des ploucs amateurs de ballon rond sera à même de comprendre que nous sommes bel et bien à Nantes. En effet, si les poules d'eau, canards et hérons ont toujours fréquenté les bords de l'Erdre, ils ont été rejoints dans les années 70 par des canaris dont le plumage coloré égaye les deux cotés de la rivière. Le centre de formation du FCNA (football club de Nantes-Atlantique) est en effet situé à la Jonnelière, en face de leur stade de la Beaujoire.
« Au trémolo des p’tits oiseaux »
La Jonnelière de la chanson, celle qui est restée dans la mémoire des nantais, était donc un lieu de loisirs et de plaisirs : guinguettes, galettes, cidre ou muscadet, pique-niques familiaux, promenades en barque ou à l'ombre propice des bois tous proches pour les amoureux. On y venait chercher la détente, la verdure, la fraîcheur du bord de la rivière, mais aussi profiter des attractions. Un zoo y fut installé - qui ferma ses portes après qu'un lion y ait tué un enfant – un musée automobile, aujourd'hui une base nautique. Mais le principal centre d'intérêt étaient les guinguettes. Du début du 20ème siècle à 1960 elles firent de la Jonnelière, un haut lieu de la musique et de la danse. Les gens de la ville y dansaient la valse, le fox trot, le tango sur les pistes couvertes ou extérieures dont disposait chaque établissement. La danse est d’ailleurs le thème principal de cette chanson.
Une chronologie qui fait sens
Les trois couplets de cette chanson sont construits sur l’idée d’une forme de tradition locale dans la pratique de la danse. Le premier rappelle avec élégance qu’autrefois on y dansait le quadrille « au rythme du piston », ce que, au demeurant, les archives attestent en effet. Cette forme et cet accompagnement étant aujourd’hui révolus – à l’époque où parait la chanson s’entend – le quadrille de grand-mère a fait place aux danses branchées et à l’accordéon. D’une pratique de danse communautaire à figures, on est passé à un répertoire de danses en couples, propices au rapprochement des humains, voire aux tripotages cadencés. En ce début de 21ème siècle, on peut s’amuser d’expressions comme « le jeune tango » et d’instruments comme le piano mécanique qui n’avait pourtant la réputation de plaire aux oreilles des mélomanes. Enfin, le 3ème couplet poursuit le périple chronologique. L’accordéon fait place au pick-up, le tango à la java – les mains des hommes descendent d’un niveau sur les hanches de leurs partenaires.
Avec le recul, on imagine très bien d’autres couplets, chacun étant le reflet d’une époque : les flons-flons cèderaient la place aux guitares yéyés qui s’éclipseraient à leur tour au profit d’ordinateurs et d’échantillons multi-samplés pour de nouvelles pratiques de danses où les humains ne se touchent plus ni ne se regardent.
Hugo Aribart, Jean-Louis Auneau
Dastum 44
2018
[forme]
Au bord de la rivière de l'Erdre si jolie
Voici la Jonelière et ses bosquets fleuris
Dans ce décor charmant de tout temps on dansa
Parait que Grand'maman piquait une polka
Et là sous les charmilles les filles et les garçons
Dansaient un vieux quadrille au rythme du piston
REFRAIN
Aujourd'hui à la Jone' au son de l'accordéon
Les filles s'abandonnent dans les bras des garçons
Et les yeux dans les yeux on se fait des serments
On ne dit rien de mieux pourtant on se comprend
Ensemble tourbillonnent les filles et les garçons
Tout le jour à la Jone' au son de l'accordéon
Sous les mêmes ombrages écoutez d'autres sons
On est plus à la page, le one step, le boston
Se dansent avec ardeur et le jeune tango
Lui aussi fait fureur même chez les aristos
Un piano mécanique chez le bistrot du quai
Des beaux airs d'Amérique donne les notes gaies
Dans un décor de grâce à l'ombre d'un vieux pont
La rivière se prélasse au milieu des ajoncs
Un pick-up sans arrêt diffuse une java
Qu'en se serrant de près on danse à petit pas
De toutes les guinguettes écoutez les flons-flons
D'une java-musette que joue l'accordéon
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Version sonore
Janick Péniguel (chant) et Blandine Dousset (accordéon), le 15 juin 2013 à Nantes
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Rédaction d'article :
Hugo Aribart, Jean-Louis Auneau
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