Apothicaires
Dans l’univers corporatif, il était de tradition de réunir les épiciers, les droguistes et les apothicaires, même si chaque profession avait ses spécificités.
Les premiers, qui vendaient notamment des épices, bien sûr, et ensuite du sucre de canne augmenté de tous ses produits dérivés (confitures, dragées, liqueurs, fruits à l’eau-de-vie), auquel vinrent s’adjoindre chocolat, café et thé, et la distillation, s’ouvraient ainsi aux drogues médicinales dont la préparation à partir de produits minéraux et végétaux exigeait une technicité au-delà de la simple vente. La distinction avec les marchands apothicaires fut d’autant moins claire dans les esprits qu’il fallait d’abord se faire recevoir comme maître épicier avant de prétendre à la maîtrise d’apothicaire.
Les lettres patentes de 1672, confirmant celles de 1563, 1598 et 1619, officialisent encore des statuts communs aux maîtres marchands apothicaires, droguistes et épiciers de Nantes. Quatre « jurés » contrôlent les officines et la réception des nouveaux maîtres, aidés de deux médecins si nécessaire. L’admission exige la réussite à quatre examens (élection, préparation, mixtion et connaissance des plantes) concrétisés en quatre chefs-d'œuvre et le paiement d’un droit d’entrée de 200 livres, soit le salaire annuel d’un manœuvre. Il faut en outre au moins sept ans d’expérience comme compagnon, dont trois ans en continu chez un maître nantais et quatre ans antérieurs dans d’autres villes jurées.
En février 1688, des lettres patentes accordent à la profession l’utilisation d’un jardin pour cultiver toutes les plantes et arbustes utiles à l’art de la pharmacie et y édifier un laboratoire avec fourneaux pour la composition chimique des remèdes. Le terrain est mis à disposition par la municipalité contre une redevance annuelle symbolique et une visite annuelle de contrôle du bureau de ville. Ce jardin médicinal, au service de la formation des futurs apothicaires, est installé sur un ancien terrain de jeu du papegaut, le long de la clôture des religieuses bénédictines du Calvaire, sur la motte Saint-Nicolas, à la jonction de cette paroisse et de celle de Saint-Similien.
Ce jardin botanique, imaginé par les apothicaires sur le modèle de ceux de Paris et de Montpellier, connaît des débuts difficiles : les apothicaires rechignent devant son coût. En 1726, Louis XV en fait officiellement un jardin royal chargé de rafraîchir les plantes exotiques ramenées par les navires avant départ vers Paris. L’entreprise dépend beaucoup du zèle des promoteurs, le maire Gérard Mellier en particulier, et de François Bonamy, professeur de botanique et directeur du jardin de 1737 à 1780. C’est lui et le jardinier Moreau qui identifient et réussissent dans les années 1760 la reproduction du magnolia, mais leur réussite n’a guère de portée en raison du vol systématique des pousses.
Le rôle botanique du jardin disparaît en 1793 avec la création progressive du Jardin des plantes et, réduit à la production de plantes médicinales, le Jardin des apothicaires végète avant de disparaître en 1877. Une plaque, apposée rue de Budapest, en rappelle le souvenir, d’autant moins vivace que le terme d’apothicaire entre en désuétude au profit de celui de pharmacien, lorsque Louis XVI transforme en 1777 le Jardin des apothicaires de Paris en Collège de pharmacie.
Guy Saupin
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
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Balade « Un apothicaire dans la ville » par les Archives départementales de Loire-Atlantique
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