Un immeuble construit sur le domaine du couvent des Cordeliers

Le couvent des Cordeliers, le plus important de Nantes, prend une part très active au cours des siècles dans la vie de la cité. Il fait l’objet de plusieurs campagnes de constructions et d’agrandissements entre le 13e et le 16e siècle. Mais à partir du 17e siècle, le couvent s’appauvrit du fait de la baisse des vocations et des donations. Certains bâtiments tombent en ruine, dont ceux de la rue Saint-Jean. En outre, la destruction des murailles médiévales et les transformations urbaines qui suivent enclenchent le démantèlement du couvent. En 1786, les terrains du jardin sont vendus à la municipalité nantaise pour permettre le percement de nouvelles rues. 

À la veille de la Révolution française, le démembrement de l’établissement religieux se poursuit. Le 22 mars 1789, un acte de vente est signé entre les Cordeliers, représentés par le frère Étienne, et plusieurs acheteurs. L’un d’eux, Pierre Després, acquiert une parcelle à l’angle de la rue d’Aguesseau et de la rue Saint-Jean. Il y fait construire un immeuble situé à l’actuel n°10 de la rue Saint-Jean. Agrandi et réhaussé par les différents propriétaires qui se succèdent au cours du 19e siècle, il devient un immeuble de rapport.
 

Un puits très ancien

L’immeuble de Després est élevé sur l’emprise du bâtiment ouest du premier carré claustral jouxtant la rue Saint-Jean. Des plans anciens conservés aux Archives de Nantes nous indiquent l’un des puits de ce couvent, conservé actuellement dans cet immeuble.

Sur le périmètre de ce puits, construit dans l’enfoncement de la façade donnant sur la rue d’Aguesseau, se trouve une niche protégée par une lourde porte en bois. Cette niche dont le fond est semi-circulaire, en cul de four, est très haute et peu large. Le sol et sa base sont en granit, la partie supérieure est en tuffeau blanc, de même que son plafond voûté.
 

Une particularité de cette niche se trouve au plafond demi-voûté en anse de panier : sa partie antérieure présente une trappe permettant aux habitants du premier étage de descendre directement leurs seaux au pied de cette pompe et de les remonter sans utiliser l’escalier.

Description de la pompe à bras

Dans cette niche, au-dessus du puits, fut montée une pompe à bras fixée sur une planche épaisse en chêne, elle-même fixée au fond de la niche. Cette pompe, très ancienne, présente un corps en cuivre, de même que son dégorgeoir serti au plomb sur celui-là.

Le bras de cette pompe en fer relativement long présente une poignée forgée. La niche étant très étroite, l’élévation de ce bras se réalise vers l’ouverture de la niche ; un grand étrier fixé dans la maçonnerie protège la pompe lors de son abaissement. La charnière de ce bras est également ouvragée. La présence de cette pompe est très certainement à l’origine de le dénomination « immeuble de la pompe » retrouvée dans les archives.

Un puits nécessaire à l’approvisionnement d’un quartier nouveau en eau

À la fin du 18e siècle, les habitants du quartier sont peu nombreux. Seuls deux immeubles sont alors construits : l’un au 10 rue Saint-Jean, l’autre rue des Pénitentes. Au 19e siècle, la population croît avec la construction de nouveaux immeubles rue d’Aguesseau, des Pénitentes et Garde-Dieu. Les habitants viennent puiser l’eau du puits de la rue Saint-Jean, participant certainement à la création de liens sociaux dans ce quartier en plein développement. Ceci avant l’arrivée de l’eau courante dans la seconde moitié du 19e siècle.

Jean-François Michel
2024