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Charles Schlagdenhaufen dit Charly (1916 – 1952)


Charles Schlagdenhaufen est un Alsacien, incorporé de force à la Wehrmacht en 1943. Interprète et adjoint au surveillant-chef de la prison de Nantes, il participe à la libération de plus de 200 prisonnier·es sous son pseudonyme de résistant : Charly. 

Le train de Langeais

Le 2 août 1944, deux jours avant la libération de Rennes et alors que lieux de détention sont endommagés par les combats entres les forces allemandes et les Alliés, un convoi de prisonnier·es part de la Courrouze, au sud de la ville. Le 3, un deuxième convoi quitte La Prévalaye, à l’ouest de Rennes. Au total, c’est plus d’un millier de femmes et d’hommes, dont des prisonniers Américains et Canadiens, qui partent en direction des camps de déportation en Allemagne à bord de ce convoi, appelé le train de Langeais. Ce dernier s’arrête à Nantes, où plus d’une centaine de prisonnier·es rejoint les précédent·es. 

Tout au long de son trajet en France, plusieurs détenu·es parviennent à s’échapper du convoi, notamment lors d’un arrêt prolongé à Langeais, entre Saumur et Tours, où les prisonnier·es profitent de la confusion des affrontements avec des soldats alliés. Le 15 août 1944, le convoi arrive à Belfort, où les détenu·es sont enfermé·es au Fort Hatry. Là, on estime qu’environ 200 d’entre elleux s’échappent, malgré les fluctuations des chiffres selon les sources et les témoignages. Certain·es se demandent si on ne les laisse pas implicitement s’évader, d’autres évoquent un possible accord avec Philippe Pétain et Pierre Laval, alors en fuite pour l’Allemagne, d’autres, parmi lesquel·les des prisonnier·es, citeront un certain Charly, alsacien « Malgré-nous ». Ce sous-officier de la Wehrmacht, incorporé de force, était en effet en service à la prison de Nantes et avait rejoint les équipes chargées de la surveillance du train de Langeais. Sur son insistante recommandation, la plupart des évadé·es s’éloignent rapidement de Belfort puis rejoignent la Suisse, afin d’éviter d’être rattrapé·es. Les détenu·es n’ayant pas parvenu à s’échapper sont déporté·es vers les camps de Natzweiler – Struthof, Neuengamme, Buchenwald et Ravensbrück. Un tiers d’entre elleux ne reviennent pas. 

En gare de Langeais, une plaque commémorative ainsi qu’un wagon d’époque installé en 1998 rappellent l’histoire de convoi. Le 2 août 2015, un mémorial est inauguré à La Courrouze, à Rennes. Installé sur l’ancienne voie d’embarquement, il prend la forme d’une allée de granit parée de 29 plaques de bronze.

Monument aux déportés du 3 août 1944 à Rennes

Monument aux déportés du 3 août 1944 à Rennes

Date du document : 11/02/2020

Charles Schlagdenhaufen, Alsacien « malgré-nous »

Après de longues recherches il a fallu attendre le 13 juillet 2014 pour connaître, grâce à la famille de Charly, à son neveu M. Charles Henri Géré et à sa fille Danielle, les détails de cet exploit et en apprendre plus sur Charly, qui a permis à plus de 200 prisonnier·es de s’enfuir.

Charles Schlagdenhaufen naît le 8 juillet 1916 à Kehl, alors situé en France. Le 15 octobre 1937, il est incorporé au 185e régiment d’artillerie lourde à Valence. Il est promu brigadier l’année suivante. Maintenu sous les drapeaux le 2 septembre 1939, il est nommé Maréchal des Logis à la fin de cette année.

Portrait de Charles Schlagdenhaufen en uniforme français

Portrait de Charles Schlagdenhaufen en uniforme français

Date du document : 1937-1940

Le 17 juin 1940 les troupes allemandes entrent en Normandie. Le 24, Charles Schlagdenhaufen est fait prisonnier près d’Ecouché, dans l’Eure. Reconnu Alsacien, les Allemands le libèrent le 31 juillet. Il regagne sa région d’origine et s’y marie le 12 février 1943. En 1943 naît Danielle, première de ses 3 enfants. Deux autres, un garçon et une fille, suivent en 1947 et 1950.

L’Alsace ayant été annexée de force au Reich, un incident à propos de sa fille Danielle, déclarée sous le prénom germanique Monika que ses parents n’utilisent jamais, lui vaut son incorporation contrainte dans la Wehrmacht le 20 avril 1943. Il est immédiatement envoyé dans une unité anti char à Francfort-sur-Oder. Son bilinguisme lui permet d’obtenir rapidement une affectation à la compagnie des interprètes à Berlin.

L’entrée en Résistance de Charly

Le 24 décembre 1943, il arrive à la prison de Nantes en tant qu’interprète et adjoint au surveillant-chef allemand. Il s’engage dans l’action anti allemande et la Résistance. Il collabore avec le surveillant-chef français Théo Guillet et le commis-greffier Corno. Théo Guillet est impliqué dans le mouvement Libération depuis 1942. L’action de Charles, qui se fait alors appeler Charly, commence par la transmission, la circulation du courrier et des colis, puis les liaisons entre les chefs et compagnons de la Résistance, l’organisation de réunions secrètes entre les chefs internés et aussi avec ceux de l’extérieur, ou encore le lien avec les familles.

Portrait de Charles Schlagdenhaufen en uniforme allemand

Portrait de Charles Schlagdenhaufen en uniforme allemand

Date du document : 1943-1944

Le 4 août 1944 des prisonniers de la Maison d’arrêt de Nantes sont incorporés au convoi. En qualité de chef de groupe, Charles Schlagdenhaufen est affecté à la surveillance d’un wagon. Ces prisonniers sont nombreux à témoigner de l’aide que l’Alsacien leur apporte et qui adoucit leurs conditions de transport. Au cours du trajet, il favorise l’évasion de trois d’entre-eux, Baudry, Bernard et Bodiguel vers Beaune à l’approche de Dijon.

Dès l’arrivée du convoi à Belfort le 15 août, et l’enfermement des prisonniers au Fort Hatry, Charles Schlagdenhaufen s’emploie à faire libérer des captifs. Les voies ferrées entre l’Est de la France et l’Allemagne étant saturées par les transports prioritaires de matériel et de renforts militaires, Charly argue auprès de son chef allemand des avantages que celui-ci pourrait retirer de la réduction du nombre d’incarcérés, prétextant tant pour faciliter leur acheminement vers l’Allemagne que pour son propre salut face à l’avancée des troupes alliées. Il met en avant l’absence de dossier. Il en trafique d’autres, en détruit un certain nombre. C’est ainsi que 241 prisonnier·es dont 70 femmes sont relâché·es du 24 au 29 août. La plupart de celleux qui se sont éloigné·es jusqu’à Giromagny échappent aux recherches et passent en Suisse. Par lettres personnelles ou signées collectivement, nombre de bénéficiaires de cette action éminemment risquée manifestent ultérieurement leur gratitude à Charly. Cependant aucune reconnaissance officielle ne lui est octroyée. 

Conscient des risques qu’il encourt, Charly déserte la Wehrmacht le 23 novembre 1944 au moment de la libération de Strasbourg par Leclerc et la 2e Division Blindée. Il poursuit son œuvre humanitaire : à partir du 1er mars 1945 il exerce la responsabilité de chef du service financier et comptabilité au centre de rapatriement à Strasbourg.

Le 23 mai 1952, à trente-cinq ans, Charles Schlagdenhaufen meurt subitement d’une crise cardiaque.

Geste de reconnaissance dû à l’initiative d’un prisonnier du train de Langeais, une rue de Nantes porte désormais le nom de Charly. Ce nom lui a été donné par Joseph Moyse, résistant au sein du réseau Stuart. Trois des rues du lotissement de Sainte-Thérèse créé au début des années 1950 portent ainsi pour noms : rue Charly, rue Joseph Moyse et rue Stuart.

Pour leur contribution, remerciements à la famille de Charles Schlagdenhaufen, particulièrement à sa fille Danielle, son petit-fils Jean-Charles Sutterer, à M. Charles Henri Geré son neveu, à Jo Anna Shipley nièce de John Wonning et à Jean-Paul Louvet pour leurs apports, à Louis Provostic, ainsi qu’à Mmes Madeleine Allard, Aurélie Frédel, Paulette Redouté, pour leurs récits très précis sur le parcours, aux survivants et familles qui ont bien voulu témoigner.

Jean-Claude Bourgeon
2015



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En savoir plus

Bibliographie

BOURGEON Jean-Claude, Mélanie a dit oui, éditions La Brodeuse de Mots, 2022.

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Dossier : la Résistance à Nantes

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2e GM Résistant Personnalité nantaise

Contributeurs

Rédaction d'article :

Jean-Claude Bourgeon

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