21 septembre 1817 : Ascension en aérostat de Sophie Blanchard à Nantes
Parmi les premières ascensions en aérostat réalisées à Nantes, on compte celle de Sophie Blanchard le 21 septembre 1817, une pionnière nommée « ministre des ballons » par Napoléon Ier.
Les femmes aéronautes
Lors de l’ascension nantaise de Sophie Blanchard, les envolées de ballon, bien que connues du grand public, ne sont pas si fréquentes. Chacune d’entre elles constitue un véritable événement aux yeux du public, de par sa nouveauté et de par les risques qu’elle représente. Celle du 21 septembre 1817 est toute particulière pour la ville de Nantes : l’exploit est réalisé par une femme ! Les femmes s’impliquent en réalité particulièrement dans le développement des vols d’aérostats. Le premier vol français réalisé par une femme a lieu en 1784 à Lyon par l’aéronaute Élisabeth Tible (1757-1785).
Envol de Blanchard du Champ de Mars, le 3 mars 1784
Date du document : Fin 18e siècle
Sophie Blanchard (1778, Yves, Charente – 1819, Paris), communément appelée Madame Blanchard, n’en est pour autant pas à son premier essai. En effet, elle jouit d’une certaine renommée grâce à ses 52 ascensions précédentes ! Elle s’introduit dans le milieu des aérostats avec son mari, l’aéronaute Jean-Pierre Blanchard (1753-1809), avec qui elle avait inauguré le premier voyage de noces à bord d’un ballon à hydrogène en 1804, année de leur mariage. Son époux décède en 1809 en plein vol. Pour lui rendre hommage et sûrement par passion, Sophie Blanchard poursuit cette activité et réalise de nombreuses ascensions dans toute l’Europe. Aéronaute reconnue, elle est nommée « ministre des ballons » par Napoléon Ier en 1809, un titre essentiellement honorifique. Elle effectue par ailleurs plusieurs vols à la demande de l’empereur et notamment le 24 juin 1810, à l’occasion de son mariage avec Marie-Louise d’Autriche. Ses ascensions ont lieu au fil des bouleversements politiques du 19e siècle : elle s’envole de l’île Saint-Louis dans le cadre des festivités de l’entrée de Louis XVIII dans Paris le 4 mai 1814.
Sophie Blanchard durant son vol à Milan
Date du document : 1811
L’ascension nantaise
Le 21 septembre 1817, c’est pourtant une autre ascension qui est prévue à Nantes : celle de Jean-Baptiste Garnerin. En apprenant l’arrivée inopinée de la célèbre Madame Blanchard, le maire de Nantes, Louis Rousseau de Saint-Aignan, annule ce vol au profit de la fameuse pilote. Une certaine concurrence existe en effet entre les aéronautes. De plus, Sophie Blanchard est expérimentée et chacun de ses vols constitue un véritable spectacle ! Profitant de sa popularité, elle souhaite que la moitié des gains engrangés par la vente des billets pour assister à son ascension soit reversée aux plus précaires.
Réglement de police pour l’ascension aérostatique de mme Blanchard extrait des registres de la mairie de la ville de Nantes
Date du document : 19-09-1817
Dès le 15 septembre, l’aérostat de Mme Blanchard est exposé dans le Cirque du Chapeau Rouge situé dans la rue du même nom, afin que chacun puisse venir l’observer à sa guise. Il mesure alors 20 pieds (environ 6 mètres) de diamètre et sa pesanteur, ballon et nacelle compris, n’est que de 52 livres (environ 23,6 kilogrammes). De même, la veille de la fête, les personnes ayant acheté un billet sont invitées à assister aux étapes préparatoires du gonflement du ballon. Ainsi, au-delà du caractère festif d’un vol, ses spécificités scientifiques intéressent le public.
Le 21 septembre 1817, à 14h, une foule de Nantaises et Nantais se dirige aux abords de Chantenay, s’installe sur de petites embarcations sur la Loire, ou se presse contre les bords du fleuve pour admirer l’ascension de Madame Blanchard. La presse de l’époque retranscrit l’impatience du public qui patiente jusqu’à 17h pour voir la célèbre aéronaute s’envoler dans son ballon. Celle-ci salue la foule et s’écrie « Vive le Roi ! ».
Le ballon se dirige ainsi vers l’ouest pendant une heure. En effet, vers 18h, Mme Blanchard manœuvre son ballon afin d’atterrir dans une prairie située entre Couëron et Saint-Étienne-de-Montluc. Cependant, en s’approchant, elle comprend qu’il s’agit d’une zone marécageuse. Une corde alors attachée à sa nacelle l’empêche de relever son ballon, ce qui l’entraîne dans un arbre auquel elle reste accrochée. Sous l’action du vent, le ballon tombe sur le côté. Plusieurs personnes ayant suivi le trajet effectué par l’aéronaute, arrivent juste à temps pour pouvoir aider Mme Blanchard. Elle repart peu de temps après pour Nantes, où la fête occasionnée par l’ascension s’est poursuivie depuis le départ de l’aéronaute.
Le bordereau de dépenses et de recettes du 20 septembre 1817 indique que les recettes atteignent les 2790,15 francs, tandis que les dépenses se chiffrent à 2341,76 francs. Le recensement des billets imprimés indique qu’il en a été vendu 3050 pour l’entrée et 2000 pour l’enceinte. La déception de la municipalité est grande, espérant une recette bien plus conséquente en raison de la grande renommée de Sophie Blanchard. En réalité, la présence trop faible du public au sein de l’enceinte payante peut facilement s’expliquer. Le vol du ballon est visible depuis de nombreux points de vue dans la ville et au-delà, les spectateurs n’ont certainement pas jugé cette dépense utile.
Une aéronaute avide d’expériences
La figure de Sophie Blanchard est intéressante pour comprendre les véritables fêtes que constituent les vols de ballons. Elle propose notamment des ascensions au cours desquelles des feux d’artifice sont accrochés sous sa nacelle, un procédé extrêmement dangereux au vu de l’utilisation de l’hydrogène pour gonfler les ballons, un gaz très inflammable ! C’est au cours de l’une de ces ascensions que Sophie Blanchard décède, le 6 juillet 1819 à Paris. Elle souhaite alors allumer une seconde série de feux d’artifices. Pour ce faire, elle embarque une lance enflammée dans la nacelle, ce qui provoque un important incendie. La presse se fait l’écho de l’émotion suite à la disparition de cette aéronaute populaire.
Mort de Madame Blanchard
Date du document : 1890-1900
Sophie Blanchard reste une pionnière de l’aérostation et réalise de nombreuses expériences. À ce titre, elle s’essaie au parachutisme, qui consiste alors à sauter depuis un ballon, accroché à une toile en forme de parapluie. Elle est l’une des premières pilotes de ballons professionnelles.
D’après les recherches d’Adeline Biguet, Archives de Nantes.
Léa Grieu
Direction du patrimoine et de l’archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2024
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Léa Grieu
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