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Justice


Le rapport des villes à la justice peut être très différent selon leur histoire et leur présent. Nantes a développé sur le tard un lien original avec la justice et dans des domaines moins connus du grand public que ses voisines Rennes et Angers, qui sont dans l’ordre judiciaire le siège de cours d’appel. L’architecture, les acteurs, et les grands procès criminels peuvent rendre compte de cette originalité.

Les apports de l’histoire

Depuis la réunion du duché de Bretagne au royaume (1532), des tribunaux exceptionnels dénommés « Grands Jours » siègent à Nantes (1535 et 1551) avant qu’Henri II n’y érige, en mars 1554, un Parlement, cour souveraine chargée de recevoir les appels des juridictions inférieures bretonnes. Jusqu’en 1557, les deux semestres annuels (de trois mois chacun) alternent entre Nantes et Rennes avant d’être confiés uniquement à Nantes. Les Rennais réussissent néanmoins à convaincre Charles IX de fixer la cour dans leur ville, ce qu’il fait par un édit de 1561 (confirmé en 1580), Nantes conservant la Chambre des comptes de Bretagne. Hormis l’épisode de la Ligue qui voit l’organisation d’un Parlement dissident à Nantes (1590-1598) et l’exil à Vannes (1675-1690) à la suite de la révolte dite du « Papier timbré », le Parlement de Bretagne siège à Rennes.

Depuis le dernier tiers du 16e siècle, la principale juridiction royale ordinaire nantaise demeure ainsi la sénéchaussée présidiale, érigée à cette dignité par l’édit de mars 1552. À la différence de leurs homologues du présidial rennais – qui a pu souffrir de sa proximité géographique avec le Parlement – les officiers nantais semblent avoir joui d’une plus grande autonomie dans l’administration de la justice.

Après avoir été marquée par les excès de la justice révolutionnaire, Nantes connaît au milieu du 19e siècle la construction des deux bâtiments phares de la justice issue des codes Napoléon. Le Palais de justice édifié en 1851 accueille le Tribunal de première instance (ou Tribunal d’arrondissement) qui deviendra le Tribunal de grande instance. La prison qui le jouxte est construite en 1865 sur un plan en étoile, conformément au nouveau système carcéral. Complètent alors les institutions judiciaires d’une ville à la fois commerçante et industrielle un Tribunal de commerce très antérieur à la Révolution, et un conseil de prud’hommes établi en 1841.

Au cours de la seconde moitié du 20e siècle, de nouvelles institutions de justice sont installées à Nantes. En 1953, est créé un Tribunal administratif, dont le ressort coïncide avec la région des Pays de la Loire. En 1965, le Service central d’état civil est déconcentré : réunissant les actes ou jugements relatifs à des événements d’état civil survenus à l’étranger concernant des Français, il donne au Tribunal de grande instance de Nantes une compétence spécifique et au parquet de ce tribunal une importance considérable. En 1966, le Casier judiciaire central est délocalisé à Nantes et installé dans un bâtiment construit cours des Cinquante Otages puis, devenu en 1980 le Casier judiciaire national, il est installé en 1982 en périphérie sud de la ville. En 1981, un centre pénitentiaire est construit au nord de la ville. En 1982, la loi de décentralisation amène la création d’une juridiction financière, la chambre régionale des comptes. Enfin, en 1988, l’une des huit cours administratives d’appel de la métropole est installée à Nantes, son ressort couvrant tout le Grand Ouest.

Un déploiement judiciaire original

Nantes n’est pas le siège d’une cour d’appel de l’ordre judiciaire, et c’est le résultat d’une histoire très ancienne. Mais elle est devenue en quelques décennies une ville où les nouvelles justices, la justice administrative et la justice financière, ont pris une place importante. Siège de la mémoire contemporaine de la justice judiciaire (le casier) et territoire de justice pour ceux qui sont nés ou se sont mariés à l’étranger, Nantes s’est trouvée sur le dernier demi-siècle des vocations judiciaires originales.

Ce développement spécifique, ajouté à la judiciarisation de notre société et à l’explosion de certains contentieux, a rendu difficile la localisation des institutions de justice. Depuis 1980, seul le Tribunal administratif n’a pas changé d’adresse parce qu’il a pu se déployer au sein de l’hôtel Deurbroucq, sur l’île Gloriette, qu’il partageait avec le Tribunal de commerce. Aujourd’hui, le redéploiement architectural des juridictions semble pratiquement achevé. Ainsi, l’ancien Palais de justice est devenu un hôtel de luxe et la nouvelle prison, édifiée sur un ancien terrain militaire au nord-est de la ville, s’est substituée à celle de la rue Descartes. Situé sur l’Île de Nantes, le nouveau palais conçu par Jean Nouvel transpose dans une architecture résolument contemporaine et noire une approche classique de la justice. Derrière lui, blanche et élancée, la nouvelle Maison de l’avocat est établie dans un bâtiment industriel reconverti par l’agence Forma6. Le Tribunal de commerce s’est installé dans l’un des premiers immeubles édifiés sur l’Île de Nantes, tout comme le Conseil des prud’hommes. Entre l’hôtel Deurbroucq du 18e siècle et l’hôtel particulier de la place de l’édit de Nantes, construit en 1876, qui est devenu le siège de la cour administrative, l’ordre administratif a investi des architectures anciennes. Inversement, l’ordre judiciaire a opté pour l’architecture contemporaine. Mais l’un et l’autre demeurent dispersés dans la ville.

Dans les villes qui ne sont pas siège de cour d’appel, la bourgeoisie de robe n’a jamais eu la place qu’elle occupe là où la cour d’appel a souvent pris la place des Parlements d’Ancien Régime. Les prestigieuses carrières de magistrats ne s’achèvent pas dans les tribunaux de grande instance, même d’importance. Les familles d’avoués et d’avocats ont, tout au long du 19e siècle, marqué de leur empreinte la bourgeoisie des villes qui sont sièges de cours. Nantes n’est pas dans ce cas. Son barreau, décimé par la Première Guerre mondiale, a quelque difficulté à sortir d’une réelle crise démographique, et ce n’est qu’au cours des années 1960 qu’il amorce un renouveau d’importance.

Les grands dossiers de la justice criminelle ont leur cartographie. Sans être une ville de forte criminalité, Nantes a connu et vu juger de célèbres affaires. Sans remonter au procès de Gilles de Rais, sur un siècle seulement, Nantes connaît quelques procès qui témoignent de la fureur du monde : l’affaire des insurgés de Cayenne, dépaysée à Nantes, marque le début des années 1930 avant d’être oubliée puis redécouverte très récemment. Les procès les plus meurtriers de l’Occupation, des simulacres de justice tenus devant les tribunaux militaires de l’occupant nazi, ont été un cauchemar pour le barreau et la ville.

Enfin, en 1985, la prise en otage de toute une cour d’assises connut une médiatisation planétaire.

Aujourd’hui, les justices judiciaires, administratives et financières font de Nantes une ville de justice contemporaine.

Jean Danet
Extrait du Dictionnaire de Nantes
(droits d'auteur réservés)
2018

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