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Ancienne motte Saint-André Le dessous des sols : fouille archéologique au 98-101 rue Gambetta

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Fouace nantaise


La fouace est une spécialité culinaire dont la présence est attestée dans la région nantaise depuis plusieurs siècles. Vendus il y a encore quelques décennies en boutique et par des vendeuses ambulantes, ces petits pains briochés sucrés ont peu à peu disparu des étals nantais.

Une spécialité culinaire aux origines lointaines

La fouace est un pain brioché traditionnellement en forme d’étoile à six branches. Ce mot vient du latin focus, qui signifie « foyer » ou focacius, « cuit dans l’âtre ».

D’après la Confrérie de la Fouasse du Vignoble Nantais, la production de fouaces serait attestée depuis plus de 1000 ans dans la paroisse de Notre-Dame de la Haye, qui correspond à l’actuel territoire de la Haye-Fouassière. À Nantes, la présence d’un fouacier est mentionnée dans les archives financières de la ville vers 1450. Des distributions de fouaces sont également évoquées dans les archives de l’Hôtel-Dieu au 16e siècle.

Dans la seconde moitié du 19e siècle, le vignoble nantais est touché par le phylloxéra, une maladie de la vigne importée des États-Unis. Elle est causée par un insecte piqueur introduit en France par des ceps de vigne porteurs sains de l’insecte. Face à cette catastrophe viticole, économique et sociale, les vignerons sont contraints de trouver de nouvelles sources de revenus. La production de fouaces connaît alors un nouvel essor. Au tournant du 20e siècle, la Haye-Fouassière compte plusieurs dizaines de fouaciers qui vendent leur production en Loire-Inférieure et en Vendée, notamment sur les marchés nantais. Leur nombre s’effondre avec la Première Guerre mondiale et le dernier fouacier de la Haye-Fouassière cesse son activité en 1992.

À Nantes, la production et la vente de fouaces était notamment présente dans le quartier Chantenay où des fouaciers hayonnais se sont installés. Elle y était célébrée chaque année lors de la Fête des Cornes depuis au moins 1905. Cet événement très populaire était organisé autour du 11 novembre, jour de la saint Martin, sur la place Jean-Macé.

Fête des Cornes, place Jean-Macé

Fête des Cornes, place Jean-Macé

Date du document : 13/10/1989

Des vendeuses ambulantes de fouaces ont longtemps fait partie du paysage nantais. Elles étaient reconnaissables à leur tenue traditionnelle.

Vendeuse de fouaces nantaises près du palais de la Bourse de Nantes

Vendeuse de fouaces nantaises près du palais de la Bourse de Nantes

Date du document : Début du 20e siècle

Un produit emblématique du terroir du pays nantais

Traditionnellement, la fouace était dégustée avec du café, du thé, de la confiture ou encore du beurre. Certains préféraient la réchauffer avant dégustation. Lors de la Fête des Cornes, elle était consommée avec un verre de muscadet ou de gros-plant.

Ce gâteau populaire était confectionné à l’occasion des fêtes, notamment au moment des vendanges et pour l’Épiphanie. Dans la nuit du Jeudi Saint, les fouaciers de la Haye-Fouassière confectionnaient un grand nombre de fouaces vendues dans le pays nantais et en Vendée lors du Vendredi Saint. On racontait alors que « le pauvre chrétien qui ne prenait pas la précaution de manger une fouace à jeun le matin du Vendredi Saint était condamné, sans rémission, à souffrir de migraines tout l’année » !

La fouace apparaît également comme un produit touristique, comme l’évoque un article du Républicain de l’Ouest du 1er mai 1937 : « Les étrangers de passage à Nantes s’en munissent au départ et les rapportent chez eux, comme ils feraient de bibelots en nacre ou en ivoire sur lesquels le burin du graveur a inscrit ces mots : Souvenir de Nantes. »

Les techniques traditionnelles de fabrication

Au 19e siècle, la fabrication de la fouace se faisait à l’aide d’une braie, une sorte de pilon. Un article de L’Avenir de l’Ouest du 12 novembre 1946 décrit la manière dont l’ustensile était utilisé : « La braie était composée de trois parties bien distinctes. […] La braie, sorte de table basse munie dans son milieu d’un pivot auquel était attaché un fort madrier, le "brayon" servait à donner du corps à la pâte à fouaces. Cette homogénéité, après malaxage préalable, s’obtenait par un mouvement de va et vient du brayon sur lequel était assis le fouacier. À chaque tour, dans chaque sens, on retournait la galette ainsi constituée. Quand cette galette était suffisamment serrée de pâte, l’on procédait à la dernière opération avant la mise au four. On donnait alors au gâteau si apprécié du sieur Rabelais sa forme définitive. Six cornes, pourquoi ? cela je l’ignore, sortaient de la main experte du fouacier. Il ne restait plus qu’à glisser à l’intérêt la fève, complément indispensable. »

Braie traditionnellement utilisée pour la fabrication de la fouace nantaise

Braie traditionnellement utilisée pour la fabrication de la fouace nantaise

Date du document : 11/11/1923

La fouace était ensuite cuite « au sol », c’est-à-dire posée directement sur la pierre du four. Cela exigeait un nettoyage long et méticuleux. Par la suite, la braie a été remplacée par le pétrin mécanique et les fouaces ont été cuites sur une plaque à glisser au four.

Des variations de formes, de goût et de dénominations

Lorsque la fouace nantaise est évoquée dans la presse, elle peut être désignée par différents mots : corne, guillaret, galette, rensucré... et être orthographiée « fouasse ». Selon les auteurs des articles, ces termes peuvent renvoyer à la seule fouace nantaise à six cornes, mais aussi désigner une même recette de gâteau auquel on donne des formes différentes ou une spécialité culinaire à part entière.

Yves Beaujouan, maître fouacier de la place Jean-Macé

Yves Beaujouan, maître fouacier de la place Jean-Macé

Date du document : avril 1990

Selon le contexte, le guillaret peut désigner un gâteau plus ou moins long, composé d’une série de parts, servi à la Chandeleur. Dans chaque part est glissée une pièce d’or de valeur inégale. Il peut être également défini comme une « petite fouace contenant un petit pois sec » ou encore un gâteau fin se distinguant des « petits gâteaux étoilés ». À la Fête des Cornes de Chantenay, des fouaces comme des guillarets peuvent être vendus. La distinction entre la fouace et le guillaret peut également relever seulement de la forme, la recette restant la même. D’après un article de presse de 1925, la forme en étoile de la fouace nantaise permettrait de mieux cuire le gâteau et de le réchauffer plus facilement avant dégustation.

Selon un article du Phare de la Loire de 16 novembre 1924, le mot « guillaret » viendrait de « guillée à ré », soit « tromperie pour le roi ». Ce terme renvoie à l’Épiphanie et à la traditionnelle fève placée dans la fouace. 

En 1937, Henri Gilard, l’un des derniers fouaciers de la Haye-Fouassière, donne des formes d’animaux à ses fouaces. À Nantes, il était dit que les vendeuses de fouaces proposaient aux enfants des gâteaux en forme de cheval, saupoudrés de graines rouges. Les parents pensaient que ces graines étaient en réalité des graines vermifuges que les enfants avalaient sans même s’en rendre compte !

Une spécialité culinaire peu à peu oubliée

Les articles de journaux publiés après la Première Guerre mondiale sur la fouace se montrent souvent nostalgiques. Ils évoquent la flambée des prix des matières premières depuis la guerre qui a entraîné une diminution de la production et de la consommation de ce gâteau auparavant si populaire. La presse rapporte également la baisse de la qualité des fouaces. Elle aurait été causée par l’évolution des méthodes de fabrication et de cuisson, comme le rapporte un article du Phare de la Loire du 11 novembre 1923 : « Ce qui faisait la qualité onctueuse de la pâte, c’était le travail le travail prolongé au "broyoir", ce lourd levier articulé que le fouacier consciencieux manœuvrait pendant une heure, sautant dessus et appuyant de tout son poids quand la boule de pâte était bien épaissie. Le guillaré de maintenant est pâle et spongieux. »

De nos jours, la fouace n’est plus aussi présente sur les étals de la région qu’au début du 20e siècle. Malgré tout, cette spécialité reste ancrée dans la mémoire locale, notamment à la Haye-Fouassière. En 2005 est créée la Confrérie de la Fouasse du Vignoble Nantais qui se donne pour mission de préserver et promouvoir les recettes de la fouace. Ce gâteau est également mis à l’honneur lors d’une fête annuelle organisée en septembre sur la commune.

Fête des Cornes, place Jean-Macé

Fête des Cornes, place Jean-Macé

Date du document : 15/10/1989

À Nantes, la fouace reste célébrée périodiquement à Chantenay, dans la continuité de la Fête des Cornes.

Noémie Boulay
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2025

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En savoir plus

Bibliographie

Daniel Pinson, « Assemblées et cortèges à Chantenay : ruralité et urbanité en région nantaise », La banlieue en fête, de la marginalité urbaine à l’identité culturelle, Presses Universitaires de Vincennes, 1988, p.165-170

Webographie

Site internet de la Confrérie de la Fouasse du Vignoble Nantais Lien s'ouvrant dans une nouvelle fenêtre

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Gastronomie

Tags

Cuisine nantaise Produits locaux

Contributeurs

Rédaction d'article :

Noémie Boulay

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