Église Saint-Etienne de Bellevue
Le 16 avril 1972, l'église Saint-Etienne est inaugurée. De forme contemporaine, l'édifice s'établit dans le vaste quartier alors totalement neuf de Bellevue, sur un territoire pastoral redessiné quatre ans plus tôt. En 1968, l'évêque de Nantes crée ainsi un "territoire pastoral" en regroupant la paroisse Saint-Yves, une partie de la paroisse Saint-Martin-de-Chantenay et une partie de la paroisse Sainte-Jeanne d'arc. L'église Saint-Etienne en devient le cœur.
Une église du début des années 1970
La décennie des années 1970 amène des changements dans l'Eglise catholique. Affectée par une crise des vocations et une chute des effectifs, l'Eglise souhaite créer un nouvel élan de la foi, en s'inscrivant dans le monde moderne. Cette volonté est née avec les réformes engagées lors du concile Vatican II (1962-1965) qui affectent tous les aspects de la vie religieuse et ecclésiale, notamment la liturgie rendue plus accessible.
L'architecture religieuse est de fait, affectée par ce mouvement. Le renouveau architectural avait commencé dans la période précédente. Ainsi dès les années 1950, théologiens et architectes prônent de nouvelles formes contemporaines pour les lieux de prière. La revue Art sacré animée par le père Régamey et publiée jusqu'en 1969, se fait déjà l'écho de ces préoccupations. Surtout, après Vatican II, ce qui n'était qu'expérimental devient manifeste. L'architecture des églises adopte de nouvelles dispositions pour tenir compte des transformations de la liturgie. C'est le cas avec l'église Saint-Etienne de Bellevue.
Les Arsène-Henry, deux architectes modernes
L'église Saint-Etienne a été construite entre 1971 et 1972 par les architectes Luc et Xavier Arsène-Henry associés à François Astruc. Les Arsène-Henry ne sont pas des inconnus au moment où l'Evêché leur confie le projet de Bellevue. Xavier Arsène-Henry, second Prix de Rome en 1950, et son frère se sont faits remarquer au début de leur carrière en bâtissant le couvent franciscain La Clarté-Dieu d'Orsay (1953), premier édifice en France en béton de « ciment blanc ».
Proches de Louis Arrechte - à qui l'on doit la Faculté de Droit de Nantes-, ils s'attachent à diffuser les principes de l'architecture moderne. Les deux architectes qui ont plusieurs agences à Paris, Bordeaux et à Nîmes, sont investis dans la construction de plusieurs grands ensembles en France en tant qu'architectes en chef ou d'opération.
Tout un ensemble de motifs qui justifie sans doute le choix de cette signature pour réaliser l'église de Bellevue.
Une église épurée au cœur de la cité
Influencée par la liturgie de Vatican II, l’église aux formes épurées sans signe extérieur ostentatoire, s’inscrit dans la vie de la cité.
Façade principale de l'église Saint-Etienne
Date du document : 26-02-2020
Construites en béton armé, tantôt brut de décoffrage, tantôt peint en blanc, les façades extérieures développent à la fois une composition horizontale et verticale. Horizontalement, le rez-de-chaussée entresolé est travaillé en retrait pour être discret ; le niveau supérieur, le plus important, comprend une alternance de trois bandes horizontales distinctes : un mur plein, une ligne de verre dépoli, un mur plein. Verticalement, les façades sont habillées d’un faisceau de poteaux travaillés de manière à laisser transparaître la structure pleine du bâtiment.
L’emploi du béton armé dans la construction comme dans la décoration est caractéristique de cette époque. L’absence de décor est également un parti pris assumé pour l’époque. Ainsi le seul signe extérieur de l’Église, la croix, se confond avec les poteaux verticaux de béton brut au point qu’elle est à peine visible.
Un double « chœur »
L'originalité de l'église réside dans la distribution intérieure et la radicalité de sa proposition spatiale. Dans la salle de prières, l'ensemble liturgique est en position centrale avec deux « chœurs » opposés : le chœur principal côté sud, lieu de la présidence où le prêtre officie, et le second en vis-à-vis côté nord, lieu de la lecture, lieu de la Parole. Le chœur principal reçoit l'autel et les objets rituels des sacrements, le tabernacle et le baptistère. Le chœur en vis-à-vis accueille l'ambon, pupitre supportant la Bible.
Ces deux pôles de la liturgie sont disposés en estrade sur un axe longitudinal qui sépare la salle en deux, l’assemblée des fidèles se répartissant de part et d’autre sur les gradins. Comme le souligne la conférence des évêques de France, « dans cette configuration, l’assemblée accueille le sanctuaire en son sein. La place donnée au vide dans cet espace est alors essentielle. Le vide, ainsi proposé, dit quelque chose de l’insaisissable du mystère qui se déroule et réintroduit la dimension eschatologique du lieu ». Les fidèles sont désormais appelés à participer activement et de façon collective aux célébrations liturgiques.
Lieu de culte qui se veut œcuménique, l’église est également conçue pour accueillir des fêtes ou rencontres laïques. La salle ayant été pensée pour sa polyvalence, une cloison mobile est aménagée pour isoler l'autel.
Intérieur de l'église Saint-Etienne
Date du document : 26-02-2020
La réhabilitation récente a modifié l’aspect intérieur, effaçant partiellement le caractère dépouillé de l’édifice. Des lambris ont été posés, des vitraux de couleurs ajoutés et des fauteuils de bois ont remplacé les 400 sièges coquilles de plastique gris. Mais le lieu conserve l'essentiel des parti pris d'origine voulus par les architectes Arsène-Henry.
Irène Gillardot
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2020
Album « Église Saint-Etienne de Bellevue »
En savoir plus
Bibliographie
Kerouanton Jean-Louis, « Les églises nantaises après la Seconde Guerre mondiale : entre modernité et nécessité urbaine », in Nantes religieuse de l'Antiquité chrétienne à nos jours : actes du Colloque organisé à l'Université de Nantes, 19-20 octobre 2006, Nantes : Société Archéologique et Historique de Nantes et de Loire-Atlantique, 2008.
Annabel, Rémy, « La Clarté-Dieu, Orsay (Essonne) : simplicité, sobriété, beauté », In Situ, Revue du patrimoine, L'architecture religieuse des 19e et 20e siècles (2e partie), n°12, 2009
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Rédaction d'article :
Irène Gillardot
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