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Amieux Frères


Amieux, groupe agroalimentaire nantais, diversifié dans ses gammes de produits et les techniques, implanté en France et à l’étranger, a influencé le secteur pendant plus de 100 ans, de 1866 à 1974.

La société Amieux Frères s’est montrée innovante dans tous les domaines : techniques de production, qualité, emballages, réseau commercial, publicité. Son premier dirigeant, Maurice Amieux (1839-1919), personnalité atypique dans le monde patronal nantais de la fin 19e et du début 20e siècles, a tenté des innovations sociales reconnues. Ses fils, Louis (1867-1936) et Maurice (1871-1944), ont été précurseurs dans bien des domaines liés à leur métier, en particulier le commerce et la publicité, mais aussi en matière de sauvegarde du patrimoine. La génération suivante a su entretenir et développer l’image de la marque. Même si l’expérience antérieure de la Maison Amieux-Carraud a été déterminante, nous considérerons que l’histoire débute en 1866 avec la création de la société en nom collectif « Amieux Frères ».

Les grandes étapes d’une entreprise centenaire : trois générations aux commandes

À la suite du décès de leur père Maurice Amieux (1807-1865) et de la tentative avortée d’association avec leur beau-frère, Benjamin Carraud, Maurice et Émile Amieux prennent un nouveau départ le 17 janvier 1866 en créant la société Amieux Frères. Deux établissements issus de la Maison Amieux-Carraud, sont repris : celui de la rue Haudaudine à Nantes et celui de Port-Maria à Quiberon.

Représentation de l’immeuble de la rue Haudaudine (actuelle rue Gaston Veil)

Représentation de l’immeuble de la rue Haudaudine (actuelle rue Gaston Veil)

Date du document : 1925

Leur stratégie de produits de qualité est clairement énoncée dès le 25 janvier suivant : « Convaincus que le meilleur moyen de fonder une industrie durable, c’est de lui donner pour base les principes de la plus stricte probité, nous nous imposerons la loi de ne jamais livrer que des produits irréprochables ». Le slogan suit un peu plus tard : « Notre devise est comme notre nom, toujours a mieux ».

L’immeuble à la « tourelle carrée », place du Commerce

L’immeuble à la « tourelle carrée », place du Commerce

Date du document : 2023

La réussite est rapide. Émile Amieux se retire pourtant de l’affaire en 1878, tout en restant commanditaire. La société Amieux Frères est finalement dissoute en 1883 et une nouvelle société est formée entre Maurice Amieux et trois associés, dont Henri Audigan et Alfred-François Caillé, apporteurs de capitaux. La raison sociale devient « M. Amieux et Cie ». Le siège est basé à Paris, 36 rue de la Verrerie.

Un passage de relais bien préparé

Préparant sa succession, Maurice Amieux créé en 1898 une société en nom collectif entre lui et deux de ses fils, Louis et Maurice. La raison sociale reste inchangée mais le siège revient à Chantenay. Fin 1912, la structure est de nouveau modifiée avec la création d’une société en commandite par actions, « Amieux Frères ». Les deux frères, Louis et Maurice, sont nommés gérants, ainsi qu’Albert-Yves Durand-Gasselin. Maurice Amieux père conserve plus de 80 % du capital et reste présent aux affaires jusqu’à son décès en 1919. Le passage en société anonyme en 1925 permet, sous la direction de Louis et Maurice, l’arrivée au conseil d’administration de la troisième génération : trois gendres de Louis (André Merlant, Albert Follenfant et Henri Barcet), ainsi que deux gendres de sa sœur, Jeanne Amieux-Landrieu (Francis Merlant et Maurice Allain des Beauvais).

Dans la continuité des actions entreprises sous la houlette de leur père, Louis et Maurice développent brillamment leur fibre commerciale, tout en s’entourant de nouvelles compétences comme Gaston Dewerpe, chocolatier belge, ou Marcel Fromet, négociant-épicier et producteur de champignons. Les besoins de capitaux neufs les amènent aussi à se rapprocher de Pierre Sainte Marie, industriel, administrateur de sociétés. Celui-ci prend la direction de l’entreprise de 1936 à 1943 et reste ensuite un actionnaire important. Les décès de Louis en 1936 et Maurice en 1944 laissent les commandes de l’entreprise à la troisième génération.

Une évolution difficile

Divisions, alliances, ou différences de points de vue dans les orientations stratégiques au sein de la famille permettent à Gaston Dewerpe de s’imposer comme directeur général adjoint puis de prendre la présidence. Priorité est donnée au développement commercial et à des projets d’expansion dans de nouveaux pays. Le chiffre d’affaires progresse de façon importante entre 1958 et 1963, mais l’outil est vieillissant et les résultats se détériorent. La concurrence se développe en conserves de légumes dans d’autres régions. Quand des administrateurs tentent de redresser la barre en 1964 avec un projet industriel ambitieux à Bouguenais, il est déjà trop tard. Il faut rechercher des alliances ou se résoudre à vendre. Saupiquet, Gervais, Olida et d’autres groupes alimentaires sont approchés, sans succès.

Reprise par la CANA

La CANA, Coopérative d’Ancenis, en recherche d’outils de transformation de viandes, de débouchés légumiers pour ses producteurs et de circuits de distribution, s’intéresse au dossier.  Les fluctuations de la valeur du titre et un aveuglement sur la situation de l’entreprise, font hésiter certains actionnaires. Soutenue par une partie de la famille, la CANA parvient, avec une offre à 110 francs sans limite sur le nombre d’actions rachetées à ce prix, à prendre 85 % du capital de la SA Amieux Frères, le 28 mars 1967.

Extrait de la Revue Scientifique et Industrielle de mars 1971

Extrait de la Revue Scientifique et Industrielle de mars 1971

Date du document : mars 1971

Très rapidement la Coopérative d’Ancenis réalise que l’outil industriel est vétuste et que le réseau commercial est inadapté. Amieux est très bien implanté dans le petit commerce de détail mais très mal armé pour répondre à l’évolution en cours, la montée du libre-service et celle de la grande distribution.

Pour se sortir de ce mauvais pas, la CANA tente en 1972 de convaincre Saupiquet de regrouper son activité légumière avec celle de ses sites nantais (Maraîchers Nantais, Amieux Chantenay) sur le site de l’usine du Fresne Rond à Saint-Sébastien. La CANA apporte des tonnages complémentaires potentiels, grâce à un projet de diversification avec du maïs doux. Le projet ne se fait pas et, quelques mois plus tard, la CANA vend l’activité commerciale, la notoriété, et les marques d’Amieux à Buitoni. Les usines ne sont pas reprises et sont fermées.

L’outil industriel

Pendant longtemps l’outil industriel est structuré autour de trois pôles (Nantes, Paris et Périgueux) avec des sites « tactiques », souvent saisonniers, permettant de lisser les approvisionnements (Etel, Port Maria, Les Sables-d’Olonne, Concarneau, Yeu…) :
- En 1873, création d’une usine à Paris pour les champignons, les asperges d’Argenteuil et tous les légumes du maraîchage parisien. Puis viennent les viandes, les plats cuisinés, revendiquant la proximité de la Villette pour des approvisionnements de qualité.
- Entre 1877 et 1884, création du site de Périgueux pour viandes, pâtés, truffes…

Avec la raréfaction de la sardine sur le littoral atlantique, Amieux montre un intérêt pour le Portugal. Nantes se diversifie sur plusieurs produits, dont les légumes. En 1879, Amieux soutient la création de la première société coopérative d’ouvriers ferblantiers. Avant 1881, la société implante une usine à Mahé (Indes françaises) et une autre à Strasbourg pour contourner les droits de douane et vendre en Allemagne.

En 1893, en pleine saison, 3 000 employés font tourner neuf usines. En 1899, Amieux Frères reprend la société Fraisse (ex Carraud-Amieux) et ses marques, puis un peu plus tard l’activité de Jean-Baptiste Amieux à Saint-Clair, Chantenay. En 1925, lors de la constitution de la société anonyme, on cite 23 usines disséminées sur les lieux de production.

Après la Seconde Guerre mondiale, Amieux Frères prend une dimension internationale :
- Au Maroc, création de la filiale « Amiaroc » et ouverture de deux usines à Safi et Agadir,
- En Uruguay, création de la filiale Amial pour le marché d’Amérique latine,
- Au Pérou, reprise de quatre usines à Payta, Samanco, Supé, Callao,
- Aux États-Unis, création de la filiale Amieux Corporation USA.

Extrait du journal « L’Éclair » évoquant l’installation de Amieux Frères au Pérou

Extrait du journal « L’Éclair » évoquant l’installation de Amieux Frères au Pérou

Date du document : 16/12/1949

En 1964, Amieux est une société anonyme au capital de 4,5 millions de francs avec six usines. Elle dispose d’entrepôts et de bureaux à Nantes et à Paris. Pour redéployer son activité nantaise enclavée dans le bas Chantenay, elle acquiert à Bouguenais un terrain de 29 hectares. Mais l’histoire se termine sans pouvoir réaliser ce projet.

Ironie du sort, Amieux Frères qui a œuvré pour la sauvegarde du patrimoine maritime et industriel nantais avec le rachat en 1923 de l’ancienne usine Colin, et la création dans ces locaux du Musée des Salorges, n’a aujourd’hui plus aucune trace visible de son passé industriel.

Laurent Venaille
Association La conserve des Salorges à la Lune
2025

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En savoir plus

Bibliographie

Eisner Maurice, « Comment meurt une affaire de famille », Valeurs Actuelles, n°1587 du 6 au 12 avril 1967

Merlant Yves, « Les conserveurs nantais au Portugal en 1886 », Bulletin de la Société archéologique et historique de Nantes, volume 117, 1981, p. 175-186

Peyon Jean-Pierre, « L'essor des coopératives agro-alimentaires dans les années 1970 en France », Économie rurale. Un siècle d'histoire française agricole, n°184-186, 1988, p. 123-127

Webographie

Site internet de l'association La Conserve des Salorges à la Lune Lien s'ouvrant dans une nouvelle fenêtre

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Innovation chez Amieux Frères

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Science et technique Industriel Conserverie

Contributeurs

Rédaction d'article :

Laurent Venaille

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