Jusqu’à ce que cela devienne son point faible, la grande force d’Amieux a été un réseau commercial dense. Déjà en 1894 celui-ci comptait 76 agents en France, 39 à l’étranger, 7 « voyageurs » exclusifs desservant plus de 12 000 clients. Pendant longtemps, la logique du groupe n’est pas « métier », mais orientée « client ». Savoir-faire issu du colportage et de l’épicerie, les descendants Amieux recherchent en permanence l’adaptation de leur offre.

Si l’activité de la sardine est privilégiée, d’autres produits sont rapidement ajoutés à la gamme, parfois même hors technologie de la conserve. Tout produit d’épicerie peut devenir source d’intérêt pourvu qu’il soit de qualité, innovant et puisse donner matière à communication.

Fidèle au serment prononcé lors de sa création et à son slogan (Toujours a mieux), Amieux a été l’une des premières entreprises agroalimentaires à se doter d’un laboratoire pour le contrôle de la qualité.

Des gammes de produits déclinées à l’extrême

Que ce soit pour le conditionnement ou le packaging Amieux innove :
- Diversité des matériaux de conditionnement : métal, verre, carton, papier…
- Diversité des formats : de la boîte 1/32 contenant une truffe au baril de 20 kilogrammes pour la vente en « vrac »,
- Innovations dans le packaging : boîte losange, double couvercle, boîtes illustrées et imprimées, récipient filtre contenant du café (ancêtre des capsules), boîte de conserve avec chaufferette, fourchette incorporée, boîte présentoir « prêt à vendre », regroupement de produits en « bloc » pour une offre « découverte », repas composé dans un coffret « pic-nic » ou « illico » (pâté, sardines, viandes assorties, dessert, confiture, bouteille de Bordeaux)…

La société fait preuve de la même inventivité du côté des produits et le catalogue commercial est de plus en plus épais : beurre, café, tapioca, moutarde, vinaigre, olives, câpres, cornichons, fruits au vinaigre, variantes, chocolat, confitures, et même le plum-pudding… avec une créativité culinaire importante déclinant encore chacun de ces segments. On peut imaginer la complexité industrielle engendrée par cette politique.

Propriété industrielle et démarche prospective

L’entreprise a dès sa création une politique de dépôt de brevet et reste toujours attentive aux évolutions techniques, en France et à l’étranger. Elle est prête à réagir en fonction de l’évolution du marché. Par exemple, en 1941, pour faire face à la pénurie de fer blanc, Amieux tente une nouvelle technologie pour produire des légumes déshydratés, alors dénommés « légumes évaporés ». Quelques années plus tard, elle s’intéresse à la lyophilisation. À la même époque, elle dépose des brevets sur l’utilisation de ferments lactiques pour la préparation des saucisses.

Un marketing d’avant garde

Dès la fin du 19^e siècle, l’entreprise pratique un marketing moderne soutenu par des campagnes publicitaires permanentes. Nous avons vu l’adaptation permanente des conditionnements et des recettes aux besoins de la clientèle. Citons également la création de lots d’assortiments, de lots promotionnels, de kits, de mises en avant, de revendications nutritionnelles.

Principal déposant de marques alimentaires pendant longtemps (plus de 800), Amieux joue sur différents positionnements, premium, marque et sous-marques, avec, pour ces dernières, la création d’une structure commerciale spécifique, la Société Produits Alimentaires Annexa, en 1928. Cette société est liquidée assez rapidement et vendue en 1934 à la Société Conserves Gustave Penanros, elle-même propriété de la famille Amieux.

Elle innove encore en déposant, dès 1888, des marques pour ses clients, ancêtres des marques de distributeurs : « Sardines au Printemps », « Sardines au Bon Marché », « Sardines au Louvre ». Amieux fait également partie des pionniers en couplant publicité et échantillonnage gratuit.

L’animation du réseau de commerçants passe par des propositions permanentes, gratuites ou payantes, d’objets publicitaires : assiettes de faïence « les sardinières », clés, fourchettes en forme de sardine, boîte à sel, boîte à épices « Cuisinier marmite », buvards, sans oublier la toupie de comptoir en forme de marguerite, ou la célèbre « sardine caractère ». Placée dans le creux de la main, les mouvements de cette sardine en cellophane donneraient une approche du caractère du détenteur, selon les publicités de l’époque !

Avec son slogan presque inchangé pendant un siècle, l’entreprise exerce une pression publicitaire permanente (affiches, devantures de magasins, peintures murales), parfois sur des bâtiments remarquables, comme sur la poissonnerie à l’extrémité de l’île Feydeau à Nantes.

Une communication par l’affiche

En 1927, Louis Amieux déclare : « Nous faisons peu de publicité dans les journaux, nous avons toujours confiné notre effort sur de grandes affiches qui ont toujours donnés de bons résultats ». Maurice Valotaire, un spécialiste, remarque alors que « les conserves Amieux ont été lancées par l’affiche bien connue du chiffonnier de Jossot et plus récemment les chocolats par celle de Stall ». Selon les périodes, de grands noms se succèdent : Bellenger, Carlu, Falcucci, Fay, Hallé, Jossot, Morin, Ogé, Sepo, Stall…

Amieux lance aussi de grandes campagnes médiatiques comme celle de 1905-1906 utilisant un ballon dirigeable (30 mètres de long, 6,5 mètres de diamètre, 500 mètres cubes) en forme de gros poisson, animant plusieurs fêtes nationales ou régionales. Plusieurs incidents accompagnent ces démonstrations. Par exemple, le 14 juillet 1906, le ballon, pris dans des lignes de fils électriques de l’avenue Marceau à Paris, créé un court-circuit et s’enflamme.

Puissance de la marque

Plus de 50 ans après l’arrêt de l’activité, la marque reste attractive. « Amieux Frères », tombée dans le domaine public a été redéposée en 2002 et 2017 et fait l’objet en 2024 d’une tentative de relance de produits.

Dans d’autres domaines, des porteurs du nom revendiquent cette prestigieuse filiation et sa devise « Toujours a mieux ». Comme Inventam, Bureau d’études à Lyon, Amieux frères & bois, ameublement, en Loire-Atlantique, et un groupe de musique, plus exactement de « cuisine musicale », mixée ou en morceaux, à la parenté affirmée, les « Frères Amieux ».

Laurent Venaille
Association La conserve des Salorges à la Lune
2025