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Anton Raab (1913-2006) Salles de cinéma

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Charlotte et Charles Fuller


Charlotte et Charles Fuller, couple de Nantais, ont accueilli et caché trois enfants juifs durant l’occupation nazie et aidé une famille juive à passer en zone non-occupée. En reconnaissance de leurs actions pendant la Seconde Guerre mondiale, ils ont reçu, le 14 mars 1978, le titre de Justes parmi les Nations de la part de l’Institut Yad Vashem de Jérusalem.

Un couple de Nantais

Charlotte Duclos naît le 12 juillet 1896 à Ivry-la-Bataille dans le département de l’Eure. Catholique et mariée une première fois en 1914 avec Victor Bezard, elle devient rapidement veuve durant la Première Guerre mondiale. Par la suite, elle rencontre un dénommé Charles Fuller, qu’elle épouse en seconde noce le 4 février 1926 à Levallois-Perret.

Charles, quant à lui, naît le 7 décembre 1885 à Saint-Gall, au nord-est de la Suisse alémanique. Ayant reçu à sa naissance le prénom de Carl Oscar, il en change officiellement après l’obtention de la nationalité française dans les années 1930. Ingénieur de confession protestante, il rejoint Nantes avec son épouse en 1937 et réside au numéro 2 de la rue Siméon-Foucault, dans le quartier Decré – Cathédrale. Ils y passent la guerre et restent ensuite dans la Cité des Ducs. En apparence, le couple Fuller paraît bien ordinaire.

Le retour de la guerre

Le 10 mai 1940, l’Allemagne nazie lance son offensive de grande ampleur sur le front de l’Ouest de l’Europe. Les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et la France sont envahis de manière foudroyante. La débâcle est totale et Nantes est occupée par l’armée allemande à partir du 19 juin 1940. Trois jours plus tard, le gouvernement de Philippe Pétain signe l’armistice dans la clairière de Rethondes. Nantes, située en zone occupée, doit désormais vivre à l’heure allemande.

Foyer du soldat allemand, 3 rue Racine

Foyer du soldat allemand, 3 rue Racine

Date du document : Années 1940

Les Nantais, dont les Fuller et leur fils Jacques, né en 1927, sont contraints de se plier à l’autorité allemande. Dès les débuts de l’Occupation, la liberté de circuler est supprimée, le couvre-feu imposé, la censure règne et les prélèvements de l’armée allemande accentuent pénurie et rationnement. La pression s’accentue également contre les Juifs, qui sont recensés et fichés par le gouvernement de Pétain. Or, les Fuller s’étaient liés d’amitié avec Vital Naar et sa femme, un couple de Juifs parisiens. Rapidement, madame Naar demande à Charlotte de prendre soin de ses enfants, Roger et Claude, nés en 1931 et Jean-Pierre, né en 1938, s’ils devaient leur arriver malheur à elle et à son mari.

Le sauvetage des enfants juifs

L’année 1942 est terrible pour les Juifs de France. Victimes de rafles au cours desquelles la police et la gendarmerie françaises collaborent avec la police allemande, les Juifs sont ensuite déportés vers les camps de concentration et d’extermination nazis. En novembre 1942, Vital Naar et sa femme sont arrêtés, internés à Drancy, puis déportés par le convoi n°44 vers Auschwitz, où ils périront.

Quand les Fuller apprennent l'arrestation de leurs amis, ils se précipitent à Paris pour emmener les trois enfants avant que les autorités ou les Allemands ne les arrêtent eux aussi. Accueillir les trois jeunes garçons dans leur foyer est une tâche dangereuse pour les Fuller. Au moment de l’Occupation, on risquait de se faire arrêter pour bien moins que ça. Mais le couple se refuse à accepter l’injustifiable et agit, alors que le salaire de Charles est maigre et le ravitaillement difficile en ces temps de guerre.

Tickets de rationnement

Tickets de rationnement

Date du document : 1947

Malgré les difficultés et les dangers, les trois garçons, Roger, Claude et Jean-Pierre, sont élevés dans une ambiance chaleureuse. Ils fréquentent même l’école, mais sous de fausses identités, et possèdent de fausses cartes d’alimentation. Grâce aux actes des Fuller, les trois garçons vont survivre à la guerre et à la barbarie nazie. Les jumeaux, Roger et Claude, vivent chez les Fuller jusqu’en 1948. Jean-Pierre, adopté par les Fuller, demeure chez eux jusqu’à son mariage en 1970 et deviendra conseiller municipal dans la municipalité Chauty 1983-1989.

Charlotte et Charles Fuller ont également sauvé la vie de Carmen Silber, de ses trois enfants et de sa belle-mère, dont l’aîné n’était âgé que de trois ans. Après l’arrestation et la déportation de M. Silber en septembre 1942, Charlotte prend la décision d’aider le reste de la famille à franchir la ligne de démarcation pour passer au sud, en zone non-occupée. Plus qu’aider, elle va même jusqu’à les accompagner en portant le bébé dans ses bras, prenant alors le risque d’être elle aussi arrêtée et déportée. Pendant la guerre, Charlotte veille également sur les biens de Carmen Silber. Après la guerre, Carmen Silber évoquera le courage extraordinaire et le dévouement de Charlotte et Charles Fuller, qui l’avaient sauvée, elle et sa famille, malgré la différence de religion et sans demander la moindre rétribution.

Justes parmi les Nations

Le 14 mars 1978, l’Institut de Yad Vashem Jérusalem décerne à Charlotte et Charles Fuller le titre de Justes parmi les Nations. Cette appellation, qui désigne les non-Juifs ayant risqué leur vie pour soustraire des Juifs aux persécutions des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, a été décerné, au 1er janvier 2022, à 28 217 personnes dans le monde, dont 4206 personnes en France. Leurs noms ont été inscrits après leur mort dans le mémorial de Yad Vashem en Israël comme dans le mémorial de la Shoah à Paris. C’est notamment le cas de Charles Fuller, décédé en juin 1971, et qui n’a pu recevoir ce titre de son vivant, au contraire de Charlotte, décédée le 17 décembre 1983. Sur les seize « Justes » du département, les Fuller représentent la seule famille domiciliée à Nantes.

Cérémonie à Jérusalem en hommage à Charlotte et Charles Fuller

Cérémonie à Jérusalem en hommage à Charlotte et Charles Fuller

Date du document : 08/03/1979

Invitée à Jérusalem en mars 1979 pour une cérémonie, Charlotte Fuller plante à cette occasion un arbre en hommage à elle et son mari Charles. À l’époque les Justes étaient invités à Yad Vashem pour planter un arbre afin de symboliser le renouveau de la vie. À proximité de chaque arbre, des plaques rappellent les noms de ceux auxquels ils rendent hommage et le pays où ils résidaient durant la guerre.

Arbre planté à Jérusalem en hommage à Charlotte et Charles Fuller

Arbre planté à Jérusalem en hommage à Charlotte et Charles Fuller

Date du document : 08/03/1979

Depuis 2000, une Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux « Justes » de France a été instaurée et se tient chaque année le 16 juillet (ou le dimanche suivant si le 16 juillet n'est pas un dimanche). Par ailleurs, en 2007, sur proposition de Simone Veil (alors présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah) au président Jacques Chirac, les Justes parmi les Nations sont entrés collectivement au Panthéon, aux côtés des plus grands hommes et femmes de la Nation française. À Nantes, une rue a été dénommée dans le quartier de la Croix-Bonneau en 2018 afin de rendre hommage aux actions des Fuller pendant la Seconde Guerre mondiale.

Elven Pogu
Direction du patrimoine et de l’archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2024

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