Bandeau
Boutique Ancien pont de l'Hôtel de Ville

11 mars 2001 : parité au Conseil municipal de Nantes pour la première fois


Le 11 mars 2001, Jean-Marc Ayrault, est réélu dès le premier tour à la mairie de Nantes pour un troisième mandat. C’est la première fois que la loi sur la parité s’applique. Le conseil municipal comprend 33 femmes et 32 hommes. Un symbole qui vient couronner une lente féminisation du personnel politique amorcé par le premier mandat Ayrault en 1989.

C’est lors des élections municipales de 2001 que s’applique pour la première fois la loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. La bataille militante et législative qui a conduit à l’adoption de cette loi a été longuement étudiée au niveau national, mais peu de travaux sont venus éclairer les effets au niveau local. La situation nantaise a ceci de particulier que le mouvement de féminisation du personnel politique et l’ouverture à la société civile remontent aux élections de mars 1989 quand le socialiste Jean-Marc Ayrault est élu pour la première fois maire de Nantes.

Socialisations militantes et politiques

En 1989, au sein de l’équipe municipale, elles sont 4 femmes à occuper un poste d’adjointe, sur une équipe de 18 élus. À titre de comparaison, l’équipe municipale rennaise qui voit l’élection en 1989 d’un autre maire socialiste, Edmond Hervé, comprend 2 femmes adjointes sur 17 membres. Pour féminiser son équipe, Jean-Marc Ayrault recrute des militantes associatives. À l’image de Marie-Françoise Clergeau qui prend sa carte au Parti socialiste (PS) pour rejoindre sa liste. Militante associative, notamment engagée dans les associations de parents d’élèves, Marie-Françoise Clergeau est positionnée en place éligible. Avec la victoire d’Ayrault, elle occupe la place de 4e adjointe en charge de la Vie associative et du secteur socio-culturel (séance du 18 mars 1989).

Jean-Marc Ayrault, Marie-Françoise Clergeau, Yves Laurent à New York en juin 1989

Jean-Marc Ayrault, Marie-Françoise Clergeau, Yves Laurent à New York en juin 1989

Date du document : Juin 1989

Autre figure issue de la société civile dont le parcours a été marqué dans les années 1970-1980 par un fort engagement associatif : Madeleine Aoustin, fondatrice de la CSF (Confédération syndicale des familles) dans le quartier des Dervallières qui accepte de rejoindre la liste Ayrault sous une étiquette « autonome ». Elle est élue conseillère municipale en charge du développement social des quartiers et de la vie associative. Au sein de la nouvelle équipe de la majorité, il faut aussi citer Claude Prou (déjà adjointe dans l’équipe d’Alain Chénard) qui durant le premier mandat Ayrault est en charge des retraités et des personnes âgées ou encore Michelle Meunier, militante féministe et engagée, membre du Parti socialiste à qui est confié le secteur de l’action sanitaire et sociale, la petite enfance et la prévention santé.

Ces femmes se connaissent. Elles se sont notamment croisées au sein de la Maison des femmes qui constitue un lieu de rencontres et de débats. Si ce lieu a tant d’importance dans les souvenirs des femmes militantes de ces années-là, c’est qu’il s’y constitue un « espace de la cause des femmes », pour reprendre l’expression de la sociologue Laure Bereni (2015). Comme le rappelle cette militante et ancienne élue : « C’était un lieu qui réussissait à fédérer les énergies… ça donnait un point de rencontre, ça stimulait les actions, les initiatives (…) C'était une mouvance qui était très vindicative, très politisée, plutôt à l'extrême gauche, mais le Parti socialiste était là aussi. C'est comme ça que moi, en tant que militante du milieu associatif, j'ai rencontré des visages et des femmes qui étaient encartées au Parti socialiste, élues pour certaines comme Renée Broustal [militante féministe et élue sous la mandature d’Alain Chénard] » (entretien réalisé en février 2025). Si cette histoire est importante à rappeler c’est qu’elle explique en partie les trajectoires de ces femmes nouvellement élues. Aux élections de 1995, les principales élues de la majorité du précédent mandat sont reconduites.

L’Espace Simone de Beauvoir ou « La Maison des Femmes »

L’Espace Simone de Beauvoir ou « La Maison des Femmes »

Date du document : 01/02/2002

Les opportunités des listes paritaires

Le vrai tournant survient avec la loi sur la parité. Dans la composition des listes électorales, le genre devient une « ressource politique », comme le note la politologue Catherine Achin (2007). Cela se traduit à la fois par un renouveau du personnel politique, avec l’inscription de femmes novices en politique sur les listes électorales et par de nouveaux enjeux portés par les engagements de campagne.

À Nantes, si l’enjeu de la parité vient plutôt confirmer une ouverture à la féminisation des élu·es déjà engagée depuis deux mandats, la logique égalitaire est encore davantage poussée cette année-là en termes de répartition des responsabilités. Ainsi, parmi les adjoints de l’équipe majoritaire, on compte 8 femmes (sur 19 membres), dont la très grande majorité étaient déjà élues lors du précédent mandat :
- Marie-Françoise Clergeau : deuxième adjointe déléguée à la Jeunesse, aux Sports et à la Vie Associative,
- Michelle Meunier : adjointe déléguée à la Solidarité et à l'Insertion,
- Catherine Choquet : adjointe déléguée à la Santé et aux Personnes handicapées,
- Delphine Bouffenie : adjointe déléguée à l’intégration et à la citoyenneté,
- Fabienne Padovani : adjointe déléguée à la petite enfance et à la famille,
- Michèle Frangeul : adjointe déléguée aux Retraités et Personnes Âgées
- Deux adjointes spéciales : Claude Seyse, déléguée aux affaires maritimes et fluviales et adjointe spéciale de Chantenay et Catherine Touchefeu, Démocratie locale et relations avec les quartiers et adjointe spéciale de Doulon.

Photographie du Conseil municipal élu en mars 2001

Photographie du Conseil municipal élu en mars 2001

Date du document : Avril 2001

Les profils des conseillères municipales (liste majoritaire et opposition) correspondent à ceux identifiés par Laure Bereni (2015) comme les nouvelles « entrantes en politique » au moment de la mise en œuvre de la loi sur la parité : « les héritières de la deuxième vague, les féministes de parti de gauche (surtout PS) et les engagés au féminin (qui désigne les militantes de la parité qui s'inscrivent dans l'univers des organisations féminines au profil plutôt modéré) ».

Parmi elles, on peut citer, Louisette Guibert, militante engagée dans les combats féministes sur Nantes durant la décennie 1970 et 1980. Elle se présente sous l’étiquette du parti l’Alternative rouge et verte (AREV) et est élue conseillère municipale, déléguée au sport scolaire et universitaire et au droit des femmes. On peut citer aussi Danielle Largillière, autre figure militante engagée en faveur de la cause des femmes qui est élue en 2001, conseillère municipale déléguée aux parcs et jardins. Quand elle évoque son engagement en politique, elle cite sa rencontre avec Yvette Roudy comme un moment décisif : elle décide de militer et de prendre sa carte au Parti socialiste pour se livrer en interne à la « bataille de la parité ».

Apprendre le métier d’élue

Ces nouvelles élues qui arrivent alors à des postes de responsabilité se retrouvent contraintes de s’adapter aux règles existantes, pensées par des hommes, qui font l’impasse sur l’articulation entre les fonctions électives et la vie de famille, comme nous l’a confié en entretien cette ancienne élue : « La fonction d'élue, elle peut amener à être là tôt, à être là tard, quelles que soient les charges extérieures. L'indemnité municipale, c'était pour les frais de garde... Pour moi, c'était un choix parce que mon mari, à l'époque, il était engagé politiquement, lui aussi, pas élu, mais engagé politiquement et donc pas disponible plus que ça. Donc, toutes les plages horaires, 18h, 20h de réunion, c'est terrible avec une famille à charge… C'est l'heure du bain, des devoirs, tout ça. Oui, on ne peut pas tout faire, donc on s'organisait et souvent, c'est quelqu'un qui faisait à notre place, qui était rémunéré... » (entretien réalisé en février 2025). Si la loi sur la parité a fait évoluer les visages de nos élus, elle a mis du temps à faire évoluer les pratiques et les modes de faire.

Cet article a été rédigé sur la base de la recherche socio-historique sur la construction d’une politique municipale d’égalité femmes-hommes (1945-2020) pilotée par la Ville de Nantes et réalisée par Plan 9.

Frédérique Letourneux, Elvire Bornand
2025



Aucune proposition d'enrichissement pour l'article n'a été validée pour l'instant.

En savoir plus

Bibliographie

Achin Catherine, Sexes, genre et politique, Economica, Paris, 2007

Bereni Laure, La bataille de la parité. Mobilisation pour la féminisation du pouvoir, Economica, Paris, 2015

Pages liées

Dossier Femmes nantaises

Maires

Tags

Femme célèbre Politicien Militant Politique Événements nantais

Contributeurs

Rédaction d'article :

Frédérique Letourneux, Elvire Bornand

Anecdote :

Frédérique Letourneux, Elvire Bornand

Témoignage :

Danielle Largillière

Vous aimerez aussi

L’année 1793 marque un tournant dans la vie politique nationale et nantaise avec la prise de pouvoir par la force des Montagnards face aux Girondins. Malgré la victoire des révolutionnaires...

Contributeur(s) :Yves Jaouen

Date de publication : 21/02/2025

1055

Quai de la Fosse

Les incontournables/ Architecture et urbanisme

La construction du quai de la Fosse acte véritablement la naissance du port maritime de Nantes. Avec la mise en place de multiples cales sur plus d’un kilomètre et la présence d’un...

Contributeur(s) :Julie Aycard

Date de publication : 03/02/2021

11824

Edit de Nantes (1598)

Événement historique/ Les incontournables

Constitutif de la notoriété de la ville bien au-delà des frontières françaises, l’édit de Nantes n’y est incarné que sous forme d’une place discrète, ainsi baptisée en raison de la...

Contributeur(s) :Guy Saupin

Date de publication : 23/01/2020

8043