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11-15 octobre 1565 : visite du roi Charles IX à Nantes


Entre le 11 et le 15 octobre 1565, le roi Charles IX séjourne à Nantes. Cette visite se tient dans le cadre de son grand tour de France, organisé par sa mère Catherine de Médicis afin de montrer le jeune roi et de pacifier le royaume en proie aux conflits religieux. C’est toute une organisation qui doit alors se mettre en place afin de recevoir le roi de France.

Le Tour de France de Charles IX

Le 5 décembre 1560, Charles IX devient roi de France après la mort prématurée de son frère aîné François II. Âgé de seulement 10 ans, la régence du royaume est confiée à sa mère, Catherine de Médicis, jusqu’à sa majorité. En montant sur le trône, le jeune roi hérite d’un royaume en train de se diviser entre catholiques et protestants.

C’est dans ce contexte que, le 24 janvier 1564, le roi Charles IX entreprend un long périple à travers la France afin de découvrir son royaume et d’aller à la rencontre de ses sujets. Organisé par la Reine mère Catherine de Médicis, les objectifs de ce voyage sont nombreux alors que le royaume vient d’être ravagé par la première guerre de Religion. Le but premier est de restaurer l’autorité royale dans les villes du royaume en montrant le jeune roi et les princes. Un autre objectif affiché est celui de pacifier le royaume en tentant de réconcilier les protestants et les catholiques.

Carte du Grand Tour de France effectué par Charles IX entre 1564 et 1566

Carte du Grand Tour de France effectué par Charles IX entre 1564 et 1566

Date du document : 13/06/2016

Au cours de son voyage, qui ne se termine que le 1er mai 1566 par son retour à Paris, Charles IX est accompagné de sa famille, d’une escorte militaire et d’une cour forte d’environ 15 000 personnes. Véritable mise en scène de la puissance royale, Charles IX cherche à forger l’unité du royaume autour de lui et à renforcer les liens de fidélité à l’égard de la monarchie.

Mais voyager avec autant de personnes implique d’importantes questions de logistique. À chaque étape, c’est une véritable course au logement qui s’organise. Dans les grandes villes, le roi dort souvent à l'hôtel du plus riche bourgeois. Cependant, il lui arrive, et ce à plusieurs reprises, de dormir dans des auberges. De leur côté, les grands seigneurs de la cour ont chacun leurs agents pour trouver au plus vite un logement avant les autres. Premier arrivé, premier servi. Toutefois, nombreux sont les seigneurs qui doivent dormir dehors.

Charles IX arrive à Nantes : préparation d’une visite royale

Dès le mois de juillet 1565, la municipalité de Nantes se préoccupe de la venue prochaine du roi. Ainsi, le 30 juillet, une ordonnance évoque le voyage d’un certain Jean Selun, qui avait été envoyé vers la cour porter des lettres au connétable « pour être acertainés de la venue dudit seigneur roi ».

Portrait de Charles IX par François Clouet vers 1565

Portrait de Charles IX par François Clouet vers 1565

Date du document : Vers 1565

La visite de Charles IX pose en effet une première question très importante. En 1565, la ville est déjà accablée de dettes et la venue du roi implique de nouvelles dépenses considérables. Afin d’y faire face, la ville propose de mettre en place un impôt spécial sur les marchandises. Cependant, le roi refuse de permettre la création d’une telle taxe. Une commission est alors nommée afin d’aller récolter de l’argent auprès des habitants qui accepteront de prêter un peu de leur fortune. À cette occasion, Guillaume Bretaigne, le miseur, comptable chargé des comptes municipaux sous l’Ancien Régime, ouvre un registre de comptes spécial que nous possédons encore aux Archives de Nantes.

Registre de comptes spécial du miseur Guillaume Bretaigne

Registre de comptes spécial du miseur Guillaume Bretaigne

Date du document : 1565

La question financière n’est pas le seul motif de préoccupation pour la municipalité. En effet, une autre difficulté résulte dans l’accès à la ville de Nantes. Au cours de l’hiver précédent, les pont ont été emportés par les glaces et ceux-ci n’ont pas encore été rétablis. Si l’itinéraire de la cour est détourné par le Loroux-Bottereau, La Chebuette (au nord de Saint-Julien-de-Concelles) et Thouaré-sur-Loire pour éviter le passage des ponts, des travaux de voies extérieures s’imposent, notamment pour remettre en état les chemins entre le Loroux-Bottereau et La Chebuette.

Au milieu de ces soucis divers, la municipalité de Nantes doit aussi penser à la question des approvisionnements étant donnée l’affluence d’hommes et de chevaux qu’implique le passage de la cour. C’est ainsi que, par ordonnance, il est interdit de faire sortir du comté, les bœufs, moutons et veaux, sous peine de confiscation, de forte amende et de « punition exemplaire ». Dans le même temps, on fait également le recensement des bouchers et des bœufs qu’ils possèdent. Concernant le vin, les débitants sont sommés de déclarer ce qu’ils possèdent en cave, de le conserver et de s’en munir en quantité suffisante. Nous n’avons pas retrouvé trace d’une mesure similaire pour les boulangers, mais il est probable qu’ils aient également dû participer afin de pourvoir en pain le roi et sa cour. Dans un autre ordre d’idées, le 26 août, une députation est envoyée à Sucé-sur-Erde, La Chapelle-sur-Erdre, Casson, Saint-Mars-du-Désert et Carquefou, pour inviter ces bourgs à fournir du bois pour la ville. Un approvisionnement d’avoine, paille et foin, est aussi réalisé dans les environs de Mauves-sur-Loire et à Montrelais.

Les derniers préparatifs

Une lettre du connétable Anne De Montmorency, datée du 1er septembre 1565, annonce à la ville que « le Roi est délibéré d’aller faire sa feste de saint Michel à Nantes » et demande « de tenir preste son entrée la plus honneste que vous pourrez, sans toutefoiz antrer en trop grande despence », en y ajoutant des recommandations pour la propreté de la ville et le logement du roi et de sa suite.

Cependant, pour la municipalité, il n’est pas suffisant, pour une entrée royale, d’assurer uniquement la subsistance matérielle de la cour. Par conséquent, il faut aussi décorer la ville et préparer des fêtes somptueuses. Il est alors prévu, pour jalonner le passage du cortège, un certain nombre de théâtres (estrades) et arcs de triomphe, ornés de sculptures et peintures diverses à La Fosse, à Saint-Nicolas, au Change, au Pilori et à Saint-Denis. Toutefois, Nantes ne possède pas en nombre suffisant les artistes et ouvriers nécessaires à ces réalisations. C’est ainsi que Michel Morin, peintre, se rend à Beaupréau pour aller y chercher un peintre afin de l’aider aux travaux de décoration. De même, le charpentier Jacques Chiron doit se rendre aux Brouzils pour aller chercher d’autres charpentiers.

Tout un programme de fêtes et de réjouissances est également établi pour célébrer l’arrivée de Charles IX à Nantes : une galère somptueusement ornée est préparée, un dais richement décoré est réalisé pour abriter le roi, des compagnies de milice doivent défiler devant lui et il est prévu de lui présenter le spectacle d’un simulacre de combat sur l’eau, ainsi que des danses du pays. Pour que la fête soit complète, la ville prévoit aussi, comme le veut l’usage, d’offrir au roi de nombreux présents. Le plus important est un lot de 16 haquenées (cheval ou jument de petite taille facile à monter et qui se déplace avec une allure douce) destinées à être offertes au roi et aux principaux personnages de sa suite.

Enfin, pour éviter tout accident au passage du cortège, il est ordonné le 26 septembre « à tous les habitans demourans depuis le cail de La Fosse jusques à l’église Sainct Pierres » de se munir de sable destiné à être jeté sur le pavé, le jour de l’entrée du roi.

Le séjour de Charles IX à Nantes

Le 21 septembre 1565, Catherine de Médicis écrit au maire et aux échevins de la ville de Nantes afin d’annoncer l’arrivée de la cour vers le 6 octobre. Avec un peu de retard, le matin du 11 octobre 1565, Charles IX passe la Loire à La Chebuette sur des gabarres, puis déjeune à Thouaré-sur-Loire. Suivant les prairies des bords du fleuve, il se rend au château des ducs de Bretagne par la porte de Secours pour y passer la nuit.

Lettre Catherine de Médicis

Lettre Catherine de Médicis

Date du document : 21/09/1565

Le lendemain matin, il sort du château vers 9h et se rend, par la Loire d’après Camille Mellinet, par la ville d’après l’abbé Travers, chez André Rhuys, riche négociant qui demeure sur La Fosse dans la maison des Tourelles, pour y déjeuner. Il assiste ensuite au théâtre préparé sur le quai et au défilé des compagnies de milice avant de monter à cheval, probablement sur une des haquenées que la ville lui a offert.

La Maison des Tourelles en 1936

La Maison des Tourelles en 1936

Date du document : 05/05/1936

Vers 15h, abrité sous le dais somptueux qui lui a été préparé, il fait officiellement son entrée par la porte Saint-Nicolas, richement décorée pour l’occasion, après que le maire Geoffroy Drouet de Langle lui ait présenté les clefs de la ville. La remise de la clé au roi est un moment important car cet objet symbolise le possession et donc le pouvoir. Ici, l’autorité royale est reconnue par le maire de Nantes. Passant sous les divers arcs de triomphe, Charles IX se rend ensuite à la cathédrale. Après y avoir entendu les vêpres, il gagne de nouveau le château, d’où sont tirées les salves d’artillerie et d’arquebuses préparées sur les remparts.

Restitution de la Porte Saint-Nicolas

Restitution de la Porte Saint-Nicolas

Date du document : 2016

Charles IX séjourne à Nantes trois jours. Durant ce laps de temps, il se divertit aux danses appelées le trihori de Bretagne, les guidelles, le passepied et le guilloret, ainsi qu’au combat naval figuré sur la Loire. Le roi s’est-il servit de la galère qu’on lui avait préparée, soit pour aller du château à La Fosse, soit pour assister à la fête nautique ? Aucune mention n’en est faite, hormis par l’abbé Travers, d’après lequel Charles IX n’aurait pas voulu en user. Toujours est-il que le roi prend cette galère pour un présent et en fait don le 14 octobre, veille de son départ, à Claude de Sanzay, sieur de Cossé, fils du capitaine du château des ducs de Bretagne. Cependant, comme elle était garnie de meubles appartenant à des particuliers, la ville dut, le 17 octobre, la racheter au donataire pour la somme de 200 livres.

Le départ du roi et la question des remboursements

Le roi et sa cour quittent la ville le lundi 15 octobre dans la matinée et prennent la direction du nord. Après avoir déjeuné au lieu-dit de La Gallochette, Charles IX s’arrête pour la nuit au château de Joué. Il se rend ensuite à Châteaubriant, où il restera 18 jours.

Après toutes ces fêtes, il est nécessaire pour la ville, déjà endettée, de liquider la situation financière liée à cette visite royale. Quelques rentrées de fonds figurent au registre du miseur Guillaume Bretaigne. Ainsi quelques haquenées, tombées malades, ont été revendues pour une somme totale de 175 livres et 10 sous. À cette somme s’ajoute le produit de la vente de taffetas et draps qui avaient orné la galère royale pour 57 livres et 10 sous. Le corps de l’embarcation lui-même est cédé pour 50 livres et la vente des bois et décorations des théâtres produit 95 livres. Seul le théâtre du Pilori ne peut trouver acquéreur et le bois est réemployé par la ville. Au total, 367 livres sont récupérées. Toutefois, la somme fournie par ces opérations est insignifiante en regard des 8 199 livres et 19 sous que le miseur Guillaume Bretaigne avait injecté. 

Le remboursement des prêts aux particuliers a été assez tardif en raison de la santé financière de la ville. Il faut en effet attendre les années 1572 et 1573 pour qu’un grand nombre de ces remboursement soient complétés sans intérêts. Le règlement des fournitures et travaux subit lui aussi d’assez longs retards. Par exemple, en février 1571, après deux ajournements, la veuve du miseur Guillaume Bretaigne dut débourser 137 livres pour les passementeries employées lors de l’entrée du roi à Nantes, six ans auparavant.

Elven Pogu
Direction du Patrimoine et de l’Archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2025

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En savoir plus

Bibliographie

Grimault, Louis, « Entrée de Charles IX à Nantes. Le 12 octobre 1565 », dans Bulletin de la Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Atlantique, Société d’histoire et d’archéologie de Nantes et de Loire-Atlantique, 1927, article en ligne disponible ici.

Jouan, Abel, Recueil et discours du voyage du Roy Charles IX, Paris, Jean Bonfons, 1566.

Webographie

Ressources Archives de Nantes

AA 33 : compte de receptes et mises faictes par G. Bretaigne ; papier de l’entrée du Roi Charles IX ; Liasse.

CC 336 : compte particulier que rend au Roy M. Jean Fruneau institué miseur

CC 337 : compte premier et particulier de G. Rabillard, miseur et receveur pour une année.

AA 23/32 : copie de lettres patentes de Charles IX, par lesquelles est permis aux habitants de Nantes de lever sur eux une cotisation pour aider au remboursement de ceux qui ont prêté des deniers pour satisfaire aux frais de son entrée en la dite ville au mois d'octobre 1565, et de celle de Monseigneur de Martigues.

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Rédaction d'article :

Elven Pogu

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