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Dossier : la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État à Nantes

Date de publication : 02/12/2025

Le 9 décembre 2025 marquera le 120e anniversaire de l’adoption de la loi de séparation des Églises et de l’État. L’occasion pour Nantes Patrimonia de vous proposer ce petit dossier thématique et de revenir sur les origines et l’élaboration de cette loi de 1905.


Les origines de la loi de séparation des Églises et de l’État

Véritable monument de la laïcité à la française, la loi de séparation des Églises et de l’État est, selon les mots prononcés par Jean Jaurès le 30 avril 1905 au moment des débats parlementaires sur cette loi, la « plus grande réforme qui ait été tenté dans notre pays depuis la Révolution ». Le lien avec cet événement majeur de l’histoire de France est d’ailleurs assez étroit. Cette loi de 1905 puise directement ses origines aux temps de la Révolution et est, par conséquent, le résultat d’une très longue maturation.

Avant cette loi, le régime qui régit les relations entre l’État et les Églises est celui du Concordat du 15 juillet 1801. Établit entre le gouvernement de Napoléon Bonaparte et le pape Pie VII, le Concordat est une sorte d’héritage de l’Ancien Régime et de la Révolution. Ainsi, ce texte place l’Église de France sous l’autorité du Saint-Siège, mais il permet aussi au gouvernement français d’exercer un contrôle assez fort sur l’Église catholique grâce à un ensemble de mesures : les évêques sont nommés par le gouvernement et reçoivent seulement du pape l’intronisation canonique, les évêques doivent prêter serment de fidélité au gouvernement, les prêtres et les évêques reçoivent un traitement de l’État, les biens du clergés nationalisés pendant la Révolution restent propriété de l’État mais sont mis à disposition des cultes. Le dispositif du Concordat est par la suite étendu aux protestants en 1804 et aux juifs en 1807-1808.

Signature du Concordat entre le gouvernement français et le pape Pie VII, pour le rétablissement du culte catholique en France

Signature du Concordat entre le gouvernement français et le pape Pie VII, pour le rétablissement du culte catholique en France

Date du document : 1801

Mais, ce qui est essentiel avec le Concordat, c’est que ce texte n’indique pas que le catholicisme est la religion d’État, mais s’en tient au simple constat qu’il s’agit de la religion de la « grande majorité des citoyens français ». Avec cette phrase, on souligne ici le rôle social du catholicisme, qui constitue une sorte de ciment de la société française au début du 19e siècle. Cependant, tout au long du 19e siècle, ce ciment ne va cesser de se fragiliser, jusqu’à se fracturer.

Dans la seconde moitié du 19e siècle, la France est divisée entre une France cléricale, attachée au rôle politique et social que doit jouer la religion, et une France anticléricale, républicaine, avec toutefois de nombreuses nuances entre ceux qui souhaitent déchristianiser la France, ceux qui veulent une séparation et ceux qui s’accommodent du Concordat. Cette division s’accentue dans les années 1880 avec les mesures laïcisatrices prises par la Troisième République (suppression des aumôneries militaires, suppression des prières publiques, loi sur le divorce en 1884, suppression des facultés de théologie d’État en 1885, etc.). Par la suite, en 1901, la loi sur les associations, portée notamment par le Nantais Pierre Waldeck-Rousseau, soumet les congrégations religieuses à une autorisation parlementaire et renforce les antagonismes. Enfin, les élections de 1902, qui amène au pouvoir le gouvernement d’Émile Combes, soutenu par la majorité du bloc des gauches, modifient l’esprit dans lequel le gouvernement applique cette loi. Cette loi, qui devait être une loi de contrôle des congrégations devient pour Combes et son ministère un instrument de combat contre ces congrégations.

C’est donc dans ce contexte que la loi de séparation des Églises et de l’État peut apparaître comme l’aboutissement assez naturel de cette politique et des évolutions de la société française. La séparation peut finalement apparaître comme une dernière étape vers la laïcisation de l’État républicain.

Cordon ! S'il vous plaît !!

Cordon ! S'il vous plaît !!

Date du document : 1903

L’élaboration de la loi de 1905

Le premier projet de loi est déposé en avril 1903 par un député socialiste et protestant de Lyon, Francis de Pressensé. Le dépôt de cette proposition est aussitôt suivi de quatre autres projets qui apportent leur lot de nuances au projet de Pressensé. En juin 1903, la Chambre des Députés décide d’élire une commission parlementaire pour examiner ces projets de loi afin de faire aboutir un texte commun. Un jeune député quasiment inconnu à l’époque est élu rapporteur de cette commission : il s’agit du Nantais Aristide Briand.

En octobre 1903, Aristide Briand propose un premier avant-projet, qui entraîne une série de débat au sein de la commission jusqu’à l’automne 1904. En novembre 1904, le Président du Conseil Émile Combes dépose un nouveau projet, qui vient contourner les travaux de la commission. Ce projet est très anticlérical, beaucoup plus radical que le premier avant-projet élaboré par Briand et la question de la séparation devient, à partir de ce moment-là seulement, la grande question politique du moment. Fortement combattu, notamment par les protestants, ce projet de loi d’Émile Combes passe au second plan après la chute de son gouvernement en janvier 1905.

La commission parlementaire reprend donc progressivement la main sur la question de la séparation et de nouveaux débats parlementaires ont lieu à la Chambre des Députés entre mars et juillet 1905. Le 3 juillet 1905, la loi est finalement votée à la Chambre des Députés par 341 voix contre 233, avant d’être promulguée le 9 décembre de la même année. Son application va cependant se révéler difficile, notamment autour de la question des inventaires des biens des Églises.

Dans ce dossier, vous pourrez retrouver des articles encyclopédiques sur des personnalités locales impliquées dans l’élaboration de la loi de séparation des Églises et de l’État, mais aussi sur son application difficile à Nantes lors de la crise des inventaires des biens des Églises.   

> Une biographie d’Aristide Briand (1862-1932) et la loi de 1905 par Stanislas Jeannesson
> Un article sur les protestants Nantais et la loi de 1905 par Charles Nicol
> Un article sur la crise des inventaires de 1906 à Nantes

Enfin, plusieurs acteurs nantais, associatif et institutionnel, proposent une pluralité d’événements afin d’évoquer ce sujet à l’occasion du 120e anniversaire de la loi. Vous pouvez retrouver l’ensemble de la programmation ici.

Direction du Patrimoine et de l'Archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
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