Famille de cerfs au repos : une restauration exemplaire et atypique
Le groupe sculpté la Famille de cerfs au repos est réalisé par le sculpteur Georges Gardet et le fondeur Joseph Malesset. Installé au Jardin des Plantes en 1911, il subit des dommages pendant la Seconde Guerre mondiale. En 2017, la Ville de Nantes décide de programmer une restauration complète du groupe.
Le montant des travaux est exceptionnel ; 230 000 euros. Le marché sur appel d’offre est confié à la célèbre Fonderie de Coubertin, du domaine et Fondation éponyme, à Saint-Rémy-Lès-Chevreuse. Le groupe restauré sera inauguré le 14 septembre 2018.
Le projet de restauration, tant attendu depuis des décennies, est rendu possible grâce à la combinaison des nouvelles technologies et d’une recherche historique affinée, menée par la Direction du patrimoine et de l’archéologie. Le projet, en collaboration avec le Service des Espaces Verts et de l’Environnement, s’inscrit également dans une recomposition urbaine de l’esplanade Nord de la gare SNCF. Le choix est une mise en scène naturelle du groupe de cerfs, dans l’axe de la nouvelle entrée de la gare (projet Riccioti). Il est à l’échelle du paysage alentour, dans la profondeur du Jardin des Plantes en arrière plan.
Une copie du premier tirage, localisé au Domaine Départemental de Sceaux, est d’abord réalisée. Le Musée du Domaine, venant de restaurer les patines de sa sculpture, ne pouvait autoriser une action directe, par la pose traditionnelle d’un moulage plâtre.
Le choix a donc été fait d’un relevé lasergrammétrique pour la restitution des volumes, doublé d’un relevé photogrammétrique pour affiner l’aspect final des pièces manquantes ; la biche, les bois et oreilles du grand cerf. Les modèles numériques permettaient également de « combler » les zones inaccessibles (le cou de la biche touchant le cerf) et de corriger les légères différences des tirages afin adapter les pièces de manière invisible sur le tirage nantais.
La société Créaform est intervenue sur les relevés qui ont donné lieu à une impression « grand format » des éléments manquants sur imprimante 3D, à partir de blocs spéciaux de mousse de polyuréthane très denses. Le volume du corps de la biche a ainsi pu être sculpté en une pièce. Les pattes et sa tête, ainsi que les bois du cerfs et ses oreilles ont été traités séparément.
Les moules ont ensuite été réalisés avec la fonte de chaque élément.
Un travail parallèle de renforcement de la structure intérieure du cerf et du socle a été rendu nécessaire pour assurer la stabilité de l’ensemble, compte tenu notamment du poids total et de la hauteur du cerf. Un défi technique a été relevé car il a fallu faire tenir le grand cerf d’une tonne et demie sur ses quatre sabots de quelques centimètres carrés. Arrachés et écrasés durant la guerre, il a fallu également les restaurer et les consolider.
La dernière étape, essentielle, a été l’harmonisation des patines entre les pièces d’origine et les pièces neuves rapportées. La patine d’origine, de grande qualité, a résisté dans l’ensemble et a été restaurée par un nettoyage soigné ou complétée après ciselure. L’objectif était de restituer, par effets de contrastes de lumière et de teintes, les qualités et différences de pelages et musculatures des animaux. Les aspects du jeune faon, juvénile, de la biche gracile, du grand cerf puissant, participent grandement à la qualité de l’œuvre.
Les pièces neuves ont ensuite été traitées dans une logique de patine « vieillie » pour ne déceler aucune différence. La patine n’est pas un simple traitement de surface mais un véritable savoir-faire qui doit s’inscrire dans le sens de l’œuvre. Le défi technique et déontologique de tout restaurateur est de rendre sa restauration la plus invisible possible, au bénéfice du respect de l’œuvre artistique. Le pari difficile a été relevé.
L’œil du visiteur curieux pourra cependant déceler les différences subtiles entre les pièces originales et les pièces neuves rapportées. En effet, les éléments de fonderie qui composent, comme un puzzle, les groupes monumentaux ne peuvent être complètement masqués. À l’époque, comme aujourd’hui, ils ne pouvaient en effet être fondus en une seule pièce. Les indices sont à trouver dans les différences de découpes des éléments, moins nombreux chez la biche que le grand cerf.
L’ampleur du coût, la restauration exemplaire et atypique du point de vue technique, ainsi qu’une connaissance grand public fragmentaire sur le processus de fonte en bronze, ont aussi motivé la réalisation d’un film pédagogique, détaillant toutes les étapes du process de fabrication.
Plus fondamentalement, l’ambition pour la Ville était de valoriser les savoir-faire traditionnels des métiers d’art, renouvelés par de nouveaux savoir-faire, grâce aux nouvelles technologies et de susciter, pourquoi pas, de nouvelles vocations.
Pour en savoir plus, cliquez sur le lien suivant pour découvrir le parcours historique rocambolesque du groupe la Famille de cerfs au repos.
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
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